Anastasia Izyumskaya adorait son boulot. Jusqu'en mai dernier, la journaliste couvrait les actualités locales pour Russian News Service, une agence de presse qui alimente des stations de radio de toute la Russie.

Anastasia Izyumskaya adorait son boulot. Jusqu'en mai dernier, la journaliste couvrait les actualités locales pour Russian News Service, une agence de presse qui alimente des stations de radio de toute la Russie.

Puis elle a démissionné. En même temps que six de ses collègues.

Ces sept reporters n'ont pas filé en bloc chez un concurrent. Ils ont plutôt voulu protester contre le changement de la position rédactionnelle de leur agence, devenue soudainement pro-Kremlin.

Tout d'un coup, après l'arrivée de nouveaux patrons, Anastasia Izyumskaya s'est fait interdire de tendre le micro à certains intervenants.

«Habituellement, c'était les gens qui s'opposaient au Kremlin», raconte le jeune femme, attablée dans un petit café à deux pas de la gare Mayakovskaya, près du centre de Moscou.

«Je ne pouvais plus interroger de représentants de l'opposition, ni des défenseurs des droits de la personne, alors qu'avant, on avait une relation neutre avec le gouvernement, poursuit-elle. Disons que c'était loin des principes que j'ai appris à l'école de journalisme...»

L'état de la démocratie en Russie en inquiète plus d'un. Les avancées des droits de l'homme ne suivent pas le même rythme que la courbe de croissance du PIB. Au contraire.

Depuis la première élection de Vladimir Poutine en 2000, plus d'une vingtaine de journalistes ont été abattus dans l'exercice de leurs fonctions.

La liberté de la presse rétrécit comme peau de chagrin, et les reporters qui se montrent trop critiques envers le pouvoir - politique ou économique - sont souvent intimidés.

Seulement pendant notre séjour de deux semaines en Russie, un journaliste de Voronezh (près de la frontière ukrainienne) a été battu à mort dans son appartement, puis un rédacteur en chef de Khimki, au nord de Moscou, a retrouvé son véhicule complètement carbonisé.

Les autorités suspendent régulièrement les libertés de certains groupes, même si le pays se dit démocratique. Le maire de Moscou, par exemple, interdit la tenue d'un défilé de la fierté gaie, disant qu'il s'agit d'un «acte satanique».

Et ce, même si l'homosexualité a été décriminalisée en 1993 et que le droit de rassemblement est autorisé.

L'opposition politique n'a pas non plus la cote. Deux manifestations pacifiques ont été violemment réprimées par des policiers le printemps dernier, à Moscou et Saint-Pétersbourg.

L'organisme Human Rights Watch est très inquiet de l'état des choses, notamment en Tchétchénie où les violences persistent.

Selon HRW, le meurtre sauvage l'an dernier de la journaliste Anna Politkovskaia - très critique à l'égard du gouvernement Poutine et de ses actions en Tchétchénie - symbolise «la détérioration grandissante de la situation des droits de l'homme en Russie».

Enfin, malgré un impressionnant boom économique, la pauvreté demeure répandue. Bien des Russes ont encore du mal à s'adapter à la réalité capitaliste, surtout les aînés.

Plus la misère noire, mais quand mêmeLa Russie compte de plus en plus d'ultrariches et de moins en moins d'ultrapauvres. Mais les gens dans le besoin demeurent nombreux. Dès qu'on sort de Moscou, le paysage change rapidement.

La misère est plus apparente et on ne retrouve aucune trace du luxe ostentatoire de la capitale. Beaucoup de gens cultivent eux-mêmes leurs légumes, ce qui assure une partie de leur subsistance.

La pauvreté est malgré tout en constante régression dans l'ensemble du pays. Selon les statistiques de la Banque mondiale, la proportion de Russes vivant sous le seuil de la pauvreté est passée de 27,3% en 2001 à 15,8% en 2005 (dernière année où les chiffres sont disponibles).

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