À titre de grand patron de Norbourg, Vincent Lacroix pouvait autant s'avérer économe avec les salaires d'employés qualifiés que devenir très généreux par la suite.

À titre de grand patron de Norbourg, Vincent Lacroix pouvait autant s'avérer économe avec les salaires d'employés qualifiés que devenir très généreux par la suite.

Lors de la dernière audience du procès pénal de M. Lacroix à la Cour du Québec vendredi matin, c'est le témoin Pierre Therrien qui a bouclé la boucle.

Ce dernier a travaillé au niveau de l'ingénierie financière du fonds Eloria chez Norbourg, développant des stratégies de placement réglées au quart de tour.

Une fois impliqué dans ces activités de Norbourg, qui gérait de l'argent pour Desjardins Opvest, M. Therrien était payé seulement 32 000 $ par année. Citant les études de la firme Russell Reynolds de l'époque, il affirme que la médiane pour un emploi tel que le sien tournait autour de 150 000 $ par an.

Une paie aussi mince ne le réjouissait pas, mais M. Therrien l'a acceptée car les idées qu'il avait développées trouvaient enfin preneur. «J'avais confiance en mes moyens, je faisais ce que je voulais avec ma carrière.»

Toutefois, avec le temps, l'ingénieur financier a demandé plus d'argent, surtout en tenant compte que ses collègues gagnaient plus que lui.

À l'automne 2000, Vincent Lacroix a négocié dur, lui rappelant que Norbourg était une jeune entreprise qui cherchait à être rentable et qui devait respecter des ratios financiers. Alors, sur entente verbale, il a accepté de lui refiler une participation de 7,5% dans Norbourg Services Financiers.

À court de fonds en janvier 2001 et n'ayant pas encore reçu ses actions, Pierre Therrien revient à la charge. Il demande à son PDG de lui prêter 10 000 $. Vincent Lacroix répond avec un chèque personnel de 25 000 $ qu'il lui tend tout simplement en cadeau.

Cherchant toujours à acquérir une part de Norbourg Services Financiers, M. Therrien relance l'idée de l'actionnariat. Il propose qu'on lui octroie des options d'achat au lieu des actions. Vincent Lacroix accepte mais n'y donne pas suite.

Avec un salaire qui augmente graduellement vers les 60 000 $ par année, Pierre Therrien démontre toujours le souci d'être aussi bien payé que ses pairs. Par exemple, en février 2004, M. Lacroix lui signe un chèque personnel de 240 000 $.

Si l'on combine son salaire, les autres chèques, avantages et les sommes reçues quand il a fondé son entreprise Modalgo (qui allait devenir fournisseur de Norbourg) Pierre Therrien a reçu plus de 1 M$ en rémunération de 2000 à 2006.

Recevoir des chèques personnels au lieu d'une paie régulière le dérangeait-il ? Non, dit-il, car tout ce qu'il voulait, c'était d'être payé normalement.

S'il a reçu sa part d'argent, le témoin a essuyé quelques revers. Une partie des montants a atterri dans les mains du syndic de faillite RSM Richter. En plus, lui et ses proches ont perdu jusqu'à 400 000 $ placés dans les fonds Norbourg.

Un témoin plus difficile

Ce témoin a donné plus de file à retordre à Eric Downs, procureur de l'AMF, que ceux qui l'ont précédé dans la salle de cour.

Quand Me Downs lui a posé des questions sur l'endroit où les valeurs gérées par Norbourg étaient gardées, il a opiné qu'il était tout à fait normal que des montants sortent des coffres du gardien de valeur pour se trouver chez un courtier.

Quand l'avocat de la poursuite a insisté sur sa connaissance de l'endroit où se trouvait l'argent, M. Therrien a résumé ainsi: «on n'en parlait pas, ça ne changeait rien dans ma vie».

Pierre Therrien a aussi ajouté aux doutes sur un «héritage de la Caisse» négatif de 20 M$ dans les fonds Evolution quand Norbourg les a acquis. Il a dit ne jamais en avoir entendu parler car il passait très peu de temps avec Vincent Lacroix en 2004, une fois le mandat de Desjardins annulé.

Enfin, M. Therrien a contredit d'autres témoins au procès quand il a estimé que la structure était la force de Vincent Lacroix au sein de Norbourg.