Après avoir perdu ses usines textiles et celles à forte intensité de main-d'oeuvre, le Québec risque maintenant de voir les entreprises grandes consommatrices d'électricité plier bagage, à cause de sa politique énergétique.

Après avoir perdu ses usines textiles et celles à forte intensité de main-d'oeuvre, le Québec risque maintenant de voir les entreprises grandes consommatrices d'électricité plier bagage, à cause de sa politique énergétique.

La fermeture prochaine de Norsk Hydro, fabricant de magnésium de Bécancour, est un signal d'alarme, s'inquiète Luc Boulanger, directeur général de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, qui regroupe les gros canons de l'économie québécoise dans les secteurs des mines et métaux, des pâtes et papiers, de la pétrochimie et des produits chimiques.

Ensemble, ces entreprises emploient 45000 personnes, soit 15% de tous les emplois manufacturiers au Québec, et paient des salaires supérieurs à la moyenne québécoise.

Installées surtout en région, ces entreprises sont responsables de la moitié de l'investissement industriel du Québec, mais depuis 2000, leurs investissements ne cessent de diminuer,

"Les entreprises sont paralysées depuis la fin du gel des tarifs d'Hydro-Québec et l'imposition de quatre hausses successives supérieures à l'inflation", explique Luc Boulanger. Cette forte hausse de leur facture d'électricité, qui compte pour 25% des coûts totaux de production dans leur cas, a freiné les projets d'expansion.

En 2006, le Québec se retrouve avant-dernier parmi les 10 provinces canadiennes pour ce qui est de l'investissement moyen par travailleur.

Les membres de l'Association investissent davantage dans le maintien de leurs installations plutôt que dans l'expansion, selon un sondage mené par l'Association.

À elle seule, cette donnée en dit beaucoup sur l'avenir du Québec, estime Luc Boulanger. "C'est souvent le début de la fin, dit-il. Quand une entreprise ne prend plus d'expansion et qu'elle se contente de maintenir ses installations, ce n'est jamais bon signe."

Autre statistique préoccupante, plus de 50% des usines québécoises ont plus de 40 ans. Dans la course à la productivité, le Québec est handicapé. "Tous les gains de productivité des dernières années ont été engloutis par les hausses successives des tarifs d'électricité", déplore-t-il. Pire encore, la politique tarifaire d'Hydro est impossible à comprendre, avec des hausses prévues qui diminuent et d'autres qui sont étalées sur plusieurs années. "On ne sait jamais ce qui nous pend au bout du nez. Il n'y a aucune prévisibilité possible pour les entreprises."

Les membres de l'AQCIE espéraient beaucoup de la politique énergétique du gouvernement, publiée plus tôt cette année. Ils ont été déçus de constater que le gouvernement de Jean Charest veut faire d'Hydro-Québec "une machine à dividendes" plutôt que de se servir de l'électricité pour continuer de faire du développement économique.

"On ne veut pas de subventions, mais des tarifs raisonnables et prévisibles qui nous permettraient de continuer de jouer un rôle important dans l'économie du Québec", résume Luc Boulanger.

Le tarif L payé par la grande entreprise n'est pas une subvention, s'insurge-t-il, puisqu'il permet à Hydro de faire des milliards de profits. La société pourrait faire plus d'argent, mais ce serait au détriment des régions, qui paieront le prix des fermetures d'usines. "Il n'y aurait pas plus d'argent au total, mais il serait réparti autrement."

L'exportation massive d'électricité est une illusion, croit aussi le directeur général de l'AQCIE, parce que les interconnexions limitent beaucoup la quantité d'énergie qui peut être vendue sur les marchés voisins. Il déplore que l'opinion publique croit de plus en plus aux vertus de l'exportation, à force d'écouter des économistes comme Pierre Fortin ou l'ancien président d'Hydro-Québec, André Caillé qui, encore récemment, plaidait pour une augmentation des prix de l'électricité au Québec.

"Ce n'est pas la panacée, mais on n'arrête pas de nous présenter ça comme la meilleur invention depuis le pain tranché."