Les producteurs québécois misaient beaucoup sur la confiance des consommateurs. Il semble que le pari soit perdu.

Les producteurs québécois misaient beaucoup sur la confiance des consommateurs. Il semble que le pari soit perdu.

Bien que les épinards québécois ne soient pas contaminés par la bactérie E. coli qui a rendu malades 170 personnes aux États-Unis, les ventes commencent à baisser dans les supermarchés.

"Nos ventes sont actuellement équivalentes à 30% ou 40% de ce qu'elles sont en temps normal, cette histoire commence à avoir un gros impact", avoue Michel Hamelin, directeur général de Nutriplus, le plus important producteur d'épinards québécois. Selon lui, les consommateurs sont assez confiants et savent que les épinards québécois sont aussi bons qu'avant. Mais lorsqu'ils arrivent devant le comptoir de légumes à l'épicerie, ils sont soudainement pris d'une envie irrépressible de manger du chou ou du fenouil. N'importe quoi d'autre. Si les épiciers perdent leurs épinards, ils vont cesser d'en commander et les producteurs vont se retrouver avec un surplus de légumes qui va pourrir dans les champs. En pleine saison.

Ils peuvent toutefois compter sur un précieux coup de main de la part des grandes chaînes d'épiceries: IGA et Provigo ont fait la promotion des épinards québécois cette semaine dans leurs circulaires. Metro s'apprêterait à faire la même chose. Certains détaillants comptent mettre des articles de journaux indiquant que les légumes d'ici ne sont pas touchés par la bactérie à côté de leurs épinards québécois.

La fluctuation des ventes dépend grandement d'un supermarché à un autre. Certaines épiceries notent une baisse de 50%. "Alors que dans certains types de magasins, il n'y a pas de baisse du tout" affirme Manon Genest, vice-présidente pour le Québec du Conseil canadien des distributeurs alimentaires.

Michel Hamelin est confiant que la crise va se résorber et que les choses vont finir par reprendre, normalement. Or arrive un autre pépin: l'Agence canadienne d'inspection des aliments a confirmé lundi qu'une Canadienne a aussi été malade après avoir mangé des épinards américains. "Maintenant qu'une Ontarienne a été atteinte, les gens croient qu'elle a mangé des épinards canadiens", explique Chantal Cadieux de l'Association des jardiniers maraîchers du Québec, qui représente les producteurs d'épinards et qui gère la crise depuis presque deux semaines. Mme Cadieux est allée manger dans un restaurant végétarien hier midi, qui offre la salade d'épinards en spécialité dans son comptoir à salades. "Normalement, il faut se battre pour en avoir, dit-elle. Hier, le bol était plein." Selon l'Association, les maraîchers québécois vont écoper et perdre plusieurs centaines de milliers de dollars par semaine si cette crise se poursuit.

L'Association a aussi pensé faire une campagne de sensibilisation, mais a jugé, après consultations avec les producteurs, qu'il valait mieux filer doux pour l'instant. Ironie du sort, 2006 est une excellente année pour les épinards québécois. "Nous sommes dans le moment fort de la saison et nous avons des légumes de très bonne qualité, dit Chantal Cadieux. Il n'est pas question d'abandonner, la partie n'est pas perdue."