L'assemblée annuelle du Groupe Jean Coutu s'annonce mouvementée, ce matin. Les dirigeants de la chaîne devront répondre aux nombreuses inquiétudes et récriminations d'actionnaires et détenteurs d'obligations.

L'assemblée annuelle du Groupe Jean Coutu s'annonce mouvementée, ce matin. Les dirigeants de la chaîne devront répondre aux nombreuses inquiétudes et récriminations d'actionnaires et détenteurs d'obligations.

Au coeur des débats se trouvera la transaction intervenue le 24 août dernier avec l'américaine Rite Aid. Ce jour-là, Jean Coutu a confirmé la vente de ses 1858 pharmacies Brooks et Eckerd, situées sur la côte est des États-Unis, pour 3,4 milliards de dollars.

Du côté des inquiets, on trouve CTW Investment Group, qui gère des caisses de retraite pour plusieurs syndicats américains (et qui détient des actions de Jean Coutu et de Rite Aid).

Dans une lettre envoyée hier au PDG Jean Coutu et obtenue par La Presse Affaires, le directeur de CTW somme M. Coutu de fournir des explications détaillées sur plusieurs sujets pendant l'assemblée d'aujourd'hui.

CTW craint notamment de voir les autorités américaines de la concurrence faire dérailler la transaction entre Jean Coutu et Rite Aid à cause d'une trop grande concentration dans certaines villes. En 1996, Rite Aid avait déjà dû renoncer au projet d'acquisition de la chaîne Revco pour des raisons similaires, et les investisseurs de CTW craignent d'assister à une répétition de ce scénario.

" De la part de CTW Investment Group, je vous demande de nous décrire à l'assemblée de demain (aujourd'hui) les étapes que le comité de direction a franchies pour s'assurer que la transaction ne connaisse pas le même sort que celle avec Revco ", peut-on lire dans la lettre adressée à Jean Coutu.

Il est déjà clair que Rite Aid devra fermer ou vendre des magasins Eckerd dans certains marchés pour se plier aux recommandations des autorités (qui devraient avoir fini d'étudier le dossier entre décembre et février prochains).

Or, CTW estime que Rite Aid devra se départir de " beaucoup plus " que 350 pharmacies, ce qui rend la transaction avec Jean Coutu non viable d'un point de vue financier, écrit-on. Un point de vue qui n'est toutefois pas partagé par les analystes consultés hier par La Presse Affaires.

Ron Ho, de la firme Raymond James, estime que Rite Aid devra probablement laisser aller " quelques centaines de magasins ", mais il ne croit pas que cela fera avorter la transaction.

" Ils pourraient avoir à fermer quelques magasins dans certains marchés, mais ce n'est vraiment pas l'enjeu principal, dit un autre analyste joint à Toronto. Le contexte a énormément changé aux États-Unis depuis 10 ans. "

Selon cet autre analyste, qui n'a pas voulu être nommé, ce sont plutôt les détenteurs d'obligations qui risquent de donner des maux de tête aux dirigeants de Jean Coutu pendant l'assemblée de ce matin. Ces derniers s'estiment pénalisés par une clause touchant le transfert à Rite Aid d'une partie de la dette de Jean Coutu, qui s'élève à 850 millions.

Selon le Globe and Mail, plusieurs détenteurs d'obligations frustrés tentent présentement de se regrouper pour contester la chose. " Ils vont se déchaîner pendant l'assemblée ", a prédit un des analystes à qui nous avons parlé.

Que répondront les dirigeants de Jean Coutu à toutes ces interrogations et critiques? Il faudra attendre à ce matin pour le savoir, la porte-parole du groupe ayant refusé de s'avancer sur le sujet.

Du côté de Rite Aid, le porte-parole Kevin Twomey, joint aux États-Unis, a dit attendre que les autorités américaines de la concurrence aient fini de réviser la transaction avant de commenter. " Nous avons étudié la chose très attentivement (avant la transaction) ", a-t-il toutefois indiqué.

Part ailleurs, dans sa lettre adressée à Jean Coutu, le directeur de CTW Investment Group s'inquiète du niveau élevé d'endettement de Rite Aid, exacerbé par l'achat des pharmacies Brooks et Eckerd, autant que des importantes sommes qui seront nécessaires pour faire l'intégration de tous ces magasins.

Cette situation risque de pénaliser autant les actionnaires de Rite Aid que ceux de Coutu, écrit-il, considérant que ces derniers détiennent une participation de 32 % dans Rite Aid en vertu de la transaction intervenue le 24 août dernier.

" Clairement, une flexibilité financière limitée de la sorte rend Rite Aid et ses actionnaires, dont le Groupe Jean Coutu deviendra le plus important, particulièrement vulnérables aux risques associés à l'acquisition de Brooks et Eckerd ", écrit CTW.

L'assemblée des actionnaires de Jean Coutu commence à 9 h 30, à Longueuil.

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