Les responsabilités hypothécaires peuvent être écrasantes. Souvent parce qu'on ne s'est pas posé les bonnes questions au bon moment.

Les responsabilités hypothécaires peuvent être écrasantes. Souvent parce qu'on ne s'est pas posé les bonnes questions au bon moment.

En voici quelques unes. Avec les réponses, bien sûr.

Pour un premier achat, vaut-il mieux viser un terme d'un an, cinq ans, sept ans ?

Traditionnellement, la question ne se posait vraiment que lorsqu'on optait pour une hypothèque à taux fixe. Le nouvel acheteur, souvent aux prises avec un budget serré, préfère geler ses paiements pour une période suffisamment longue.

Si c'est là un objectif ferme et incontournable, le terme de cinq ans à taux fixe demeure la référence.

Cette garantie de stabilité a toutefois un prix. Plus le taux est fixé pour une longue période, plus on paie pour cette assurance. En optant pour le taux variable, on verse en moyenne moins d'intérêts sur une longue période.

«La question est de savoir si on s'attache à une institution financière ou non», énonce à ce propos le planificateur financier et comptable agréé Éric Brassard. Le problème s'est posé pour une de ses clientes. Ils ont opté pour le taux variable sur cinq ans.

«En s'engageant avec la banque pour cinq ans, on a obtenu le taux de base moins 0,75 plutôt que le taux de base moins 0,5. Il n'y a rien qui ressemble plus à une hypothèque qu'une autre hypothèque. Le seul critère, c'est le taux.»

Avec certains produits, les ajustements se font à intervalles allongés. C'est le cas par exemple de l'hypothèque économique de la Banque Nationale, dont le taux est corrigé à tous les trois mois en fonction du taux fixe correspondant.

Comment se prémunir contre les hausses d'intérêts ?

L'ennui avec le taux variable, c'est qu'il varie aussi à la hausse. «Quelles hausses ?, rétorque Éric Brassard. Nous ne sommes pas dans une conjoncture de hausses.»

On peut malgré tout s'en protéger jusqu'à un certain point — en en payant le prix.

«La personne qui s'inquiète peut choisir le taux plafond, indique M. Brassard. Il y a un coût mais ça vaut tout de même mieux qu'un taux fixe sur cinq ans.»

Le taux plafonné limite les hausses potentielles à un certain niveau, habituellement le taux fixe de cinq ans en vigueur au moment de la signature du contrat. «La mensualité peut varier d'un maximum de 50 $ par 100 000 $ de prêt, dans le pire scénario, poursuit-il. Si le budget ne peut pas absorber 50 $ de variation, il faut se poser de sérieuses questions sur notre achat.»

Est-il payant d'être fidèle ?

La fidélité à son institution est-elle payante ? Selon une enquête réalisée par la SCHL, 67 % des acheteurs en 2005 ont fait affaire avec leur prêteur ou leur institution financière actuelle.

«Les taux se négocient selon le volume d'affaire avec l'emprunteur», insiste Noël Roy, chef de produit hypothécaire chez Desjardins, pour montrer l'intérêt du consommateur à concentrer ses activités chez une même institution.

Il faut par ailleurs évaluer les avantages collatéraux. BMO Banque de Montréal, par exemple, accorde 350 Air miles à la signature d'une hypothèque.

Chez Desjardins, les ristournes versées annuellement peuvent équivaloir en moyenne à 40 points (0,40 %) de réduction sur le taux d'intérêt, énonce Noël Roy. L'effet de réduction ne vaut toutefois pleinement que si la ristourne est systématiquement appliquée au remboursement de l'hypothèque.

Curieusement, les institutions classiques vantent les vertus d'une relation approfondie avec leur client, tout en vous promettant bien sûr de payer les frais si vous transférez votre hypothèque chez elle.

Si on reste fidèle, rien n'empêche de faire jouer quelque peu la jalousie, en faisant les yeux doux à la concurrence.

Vaut-il la peine d'appeler un courtier ?

Leur importante clientèle leur permet de soutirer des taux avantageux auprès des institutions participantes, font valoir les courtiers en prêts hypothécaires. Un coup de téléphone suffit pour se renseigner : les représentants savent que leur clientèle est avant tout intéressée par le magasinage d'un taux d'intérêt.

Toutes les banques ne sont pas partenaires des courtiers. La BMO Banque de Montréal a décidé de se retirer en janvier.

«C'est une décision d'affaire, explique Luce Samson, directrice régionale des services hypothécaires. Nous voulons nous-mêmes rencontrer notre clientèle.» Des représentants en hypothèques se déplacent pour rencontrer le client à l'endroit de leur choix, sept jours par semaines.

Les institutions financières insistent en effet sur le rôle de conseiller et sur l'intégration de l'ensemble de la situation financière du client dans la recherche de la solution optimale.

Un courtier vous propose un prêteur au nom totalement inconnu, dont le taux variable est nettement inférieur aux concurrents classiques ? Fort bien, mais cet écart va-t-il s'effacer avec le temps ?

«Assurez-vous que la différence avec le taux de référence est bien inscrit au contrat», insiste Marie-Hélène Legault, conseillère budgétaire à l'ACEF de l'Est de Montréal et auteure du guide Acheter une maison de la Collection Protégez-vous.

Vous préférez faire affaire avec une de ces banques virtuelles qui n'ont pignon que sur Internet ? Leurs évanescentes infrastructures leur permettent d'offrir des taux très avantageux, mais il vaut mieux poser quelques questions au préalable, recommande Marie-Hélène Legault : «Que se passe-t-il en cas de problème ? A-t-on un interlocuteur ? Si je dois montrer des documents à la suite de problèmes informatiques, où se rencontre-t-on ?»

Quand opter pour une marge hypothécaire ?

Avec une marge de crédit hypothécaire, la portion du capital que vous remboursez redevient disponible sous forme de marge de crédit, au même taux que l'hypothèque. Le prêt est généralement limité à 75% de la valeur de la maison.

«Les deux principales utilisations sont la restructuration de la dette et la rénovation de la propriété», explique Charles Provost, directeur de produits de financement à la Banque Nationale.

La SCHL propose toutefois une formule qui permet de pousser l'emprunt jusqu'à 90% de la valeur de la maison. L'emprunteur ne paie que les intérêts pendant une période de cinq ou dix ans, au choix, le capital étant remboursé durant la partie restante de l'amortissement de 25 ans.

La marge hypothécaire est un produit polyvalent dont le taux est généralement situé entre ceux d'une marge classique et d'une hypothèque standard. «C'est très bien mais c'est un produit pour adulte responsable, insiste le planificateur Éric Brassard. Il y a un coût en taux d'intérêt, parce qu'il y a un risque pour le créancier.»

Ce risque, c'est celui de se contenter de payer les intérêts sans jamais rembourser le capital.

À manipuler avec précautions.

Se lancer sans mise de fonds ?

Pour faciliter l'accès à la propriété avec un minimum d'épargne, la SCHL assure depuis quelques années des hypothèques dites multisources : la mise de fonds de 5% peut être fournie par une remise en argent du prêteur, un prêt personnel, etc.

Depuis novembre, la SCHL a ajouté un autre produit à son éventail : le Flex 100 SCHL. Cette fois, l'emprunt hypothécaire peut atteindre 100 % du prix d'achat de la propriété. Bien entendu, le risque se traduit dans la prime d'assurance prêt.

Alors qu'elle correspond à 2,75% de l'emprunt quand la mise de fonds est de 5%, cette prime grimpe à 2,9 % avec la formule multisources, et à 3,1% pour le FLEX 100 SCHL.

Le prêteur impose lui aussi ses contraintes. Il faut habituellement s'engager pour un terme minimal de cinq ans à taux fixe, sur lequel on n'accorde aucune réduction de taux.

«Si on n'a pas accumulé d'épargne, c'est qu'on a toujours dépensé tous ses revenus; or, quand on devient propriétaire, les dépenses font un bond», prévient en outre Marie-Hélène Legault.

Budget, budget, budget...

Faut-il étirer l'amortissement ?

Pour réduire les mensualités, on peut maintenant étirer l'amortissement sur 30 ou 35 ans.

«Ce doit être une situation temporaire, avise cependant Noël Roy, chef de produits hypothécaires chez Desjardins. La réduction des paiements me permet de garder la tête hors de l'eau, mais je dois les accroître aussitôt que mes revenus vont augmenter.»

Faisons quelques calculs.

Un emprunt de 200 000 $ à 5,5 % d'intérêt entraîne des mensualités de 1065 $ pour un amortissement de 35 ans, plutôt que 1220 $ pour 25 ans — une différence de 155 $ par mois.

Après cinq ans, l'amortissement sur 35 ans aura toutefois entraîné un débours supplémentaire de 1360 $ en intérêts, ce qui représente un coût de près de 23 $ par mois.

Poursuivons le raisonnement. Après cinq ans, sa situation s'étant améliorée comme prévu, l'emprunteur veut rembourser son prêt sur un total de 25 ans. À partir de la 6e année, il paiera 1294 $, soit 73 $ de plus que s'il s'en était tenu depuis le départ à un amortissement sur 25 ans. Au terme de ces 25 années, il aura versé 8200 $ de plus en intérêts.

Mais ce n'est pas tout. «Quand on allonge l'amortissement au-delà de 25 ans, il faut compter une prime d'assurance prêt supplémentaire de 0,2 % par tranche de 5 ans», explique Lyne Leduc, représentante principale pour le développement des affaires à la SCHL. Ainsi, pour un prêt de 200 000 $ amorti sur 35 ans, il faudra ajouter 800 $ au montant de l'emprunt.

Le RAP est-il trop doux aux oreilles ?

Le Régime d'accès à la propriété vous permet de retirer de l'argent de votre REER pour l'appliquer à l'achat d'une première propriété.

Splendide. Cette fois-ci, au moins, on a prouvé sa capacité d'épargner ! «Vous n'avez jamais entendu parler des REER virtuels ?», réplique Marie-Hélène Legault. L'astuce est la suivante : l'institution fait un prêt REER pour lequel l'emprunteur touche un remboursement d'impôt. Après trois mois, il retire les fonds du REER en vertu du RAP.

Non seulement vous n'avez en rien démontré votre capacité à soutenir des dépenses supplémentaires, mais après un an, vous aurez, en sus de votre hypothèque, à rembourser chaque année 1/15e de votre retrait RAP. Selon Revenu Canada, 31,9% des participants Canadiens au RAP n'ont pas fait le remboursement prévu en 2005, et ont en conséquence ajouté la somme due à leurs revenus imposables. Une chance sur trois.

Quand accélérer le remboursement de l'hypothèque ?

Pas d'urgence à accélérer, tant que les REER et le Régime d'épargne études ne sont pas comblés, et que des mauvaises dettes traînent sous le tapis. «J'ai vu souvent des gens se dépêcher de rembourser leur hypothèque alors que le reste de leur situation financière était à pleurer», lance Éric Brassard.

Or, comme l'exprime Richard La Ferrière, directeur régional de la planification financière chez TD Waterhouse, le prêt hypothécaire est une dette saine, le taux d'intérêt qui l'affecte est minimal, et il est futile d'accélérer son remboursement si cet effort se fait au détriment du REER.

«Il est vrai que la maison va prendre de la valeur mais au moment de la retraite, sera-t-on prêt à la vendre pour la transformer en rente ?», lance-t-il.

Si on a conclu à l'opportunité d'accélérer le remboursement, y a-t-il une meilleure façon de le faire ? Posons la question autrement : en supposant qu'on verse une même somme totale durant l'année, vaut-il mieux verser des mensualités plus élevées ou effectuer des versements à intervalle d'une ou deux semaines ?

Plus les paiements sont fréquents, plus c'est rentable — quoique de très peu. La différence réside dans le calcul des intérêts, qui sont compilés plus fréquemment, donc en moyenne sur un capital moins élevé.

Prenons l'exemple d'une hypothèque de 200 000 $ amortie sur 25 ans avec un taux d'intérêt de 7 %. La mensualité normale s'établirait à 700 $ par mois, soit 8405 $ par année. Accélérons de 700 $ par année, soit un paiement total de 9105 $.

En effectuant 52 versements hebdomadaires de 175 $, on paie 23 980 $ de moins en intérêt, et on acquitte le prêt en 20 ans et 5 mois. Avec 12 mensualités accélérées de 759 $, le prêt est soldé en 20 et sept mois, et pour 1750 $ de plus qu'avec la méthode hebdomadaire.