Julie a 27 ans. À son actif: trois beaux enfants et... une faillite.

Julie a 27 ans. À son actif: trois beaux enfants et... une faillite.

La semaine dernière, Julie (non fictif) s'est libérée de 13 700 $ de dettes accumulées sur sa carte de crédit. " J'ai honte de faire faillite, dit-elle. Ma famille ne le saura jamais! "

Ses problèmes financiers ont commencé l'an dernier, quand elle a décidé de démarrer son entreprise de poses d'ongles. Comme les revenus n'ont pas suivi, elle est rentrée à la maison s'occuper de ses trois enfants, passant le relais à son copain, camionneur.

Ce dernier a démarré son entreprise en acquérant deux véhicules au prix de 165 000 $. Il comptait conduire le premier et louer le deuxième. Incapable de trouver un autre chauffeur, il a vendu le deuxième camion après avoir essuyé de lourdes pertes- toujours sur la carte de crédit de madame- pendant des mois.

" Nous avons vu trop grand ", dit Julie, qui a accepté la suggestion du syndic Pierre Fortin, de Jean Fortin & Associés, syndics de faillite. " La faillite est une soupape, dit Pierre Fortin. Parfois, c'est la meilleure solution. Elle a des conséquences importantes, mais le surendettement est une source importante d'angoisse et de conflits dans un couple. "

En hausse

En 2005, pas moins de 27 351 personnes ont fait faillite au Québec. Selon le Bureau du surintendant des faillites du Canada, en moyenne 1,8 personne âgée de 18 à 24 ans sur 1000 était insolvable au pays en 2001. Chez les 25-34 ans, le taux est de 5,9 personnes sur 1000. Seuls les 35-44 ans (six personnes sur 1000) sont plus à risque.

Chez Jean Fortin & Associés, 29 % des clients qui déclarent faillite ont entre 18 et 34 ans. " Il y a plus de faillites qu'auparavant chez les jeunes adultes, dit le syndic Pierre Fortin. Nous en parlons plus. La faillite est une option plus connue des gens et acceptée socialement. "

Selon le Bureau du surintendant des faillites du Canada, le taux d'insolvabilité a augmenté de 109 % chez les 18-24 ans et de 168 % chez les 25-34 ans entre 1987 et 2001. Il s'agit des hausses les plus faibles parmi tous les groupes d'âge. Voilà une bien mince consolation pour les organismes qui s'occupent des problèmes d'endettement chez les jeunes.

" La publicité et le crédit facile forment un mélange explosif, dit Stéphanie Paquin, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) de l'est de Montréal. Les jeunes ont des emplois précaires, au contraire de leurs dépenses mensuelles. Ils ne budgètent pas et notre société encourage le crédit. Aujourd'hui, on passe pour une personne marginale si on n'a pas de crédit. "

L'ACEF de l'est de Montréal remarque notamment une hausse des faillites avoisinant 5000 $, le seuil minimal reconnu par les syndics (en théorie, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité permet une faillite à partir de 1000 $ de dettes). Ces faillis n'ont tout simplement pas la capacité financière de faire face à leurs obligations. " Ce n'est pas tout le monde qui obtient un emploi de 50 000 $ en sortant de l'université, dit Mme Paquin. Certaines personnes n'ont souvent pas le choix de faire faillite. "

Comme la vie s'accélère, les consommateurs font face à la musique plus rapidement.

" Ils travaillent plus tôt que leurs parents, dit le syndic Pierre Fortin. Ils embarquent plus vite dans le cycle économique. À l'époque, le crédit n'était pas si développé. Aujourd'hui, la première carte de crédit est un peu plus difficile à obtenir. "

Un acte à ne pas prendre à la légère

Si la faillite permet de recommencer sa vie- sa vie financière, s'entend-, elle n'est pas sans conséquences. Le failli doit se départir de l'ensemble de ses actifs, sauf certains biens personnels comme ses vêtements, ses instruments de travail et ses meubles (on peut conserver jusqu'à une valeur de 6000 $).

Il n'est pas libéré de tous ses tracas: les dettes résultant de son prêt étudiant, d'une pension alimentaire et d'un jugement en matière pénale survivent à la faillite, qui dure généralement neuf mois. Le dossier de crédit est ensuite marqué au fer rouge pour six ans.

Il y a d'autres mesures de redressement moins radicales que la faillite. Tout d'abord, la gestion serrée du budget. L'objectif est de rembourser ses dettes en moins de deux ans, indique M. Fortin. Sinon, une consolidation des dettes permet d'obtenir un taux d'intérêt de 8 % à 12 %.

" C'est plus élevé qu'un prêt personnel car il y a davantage de risques pour la banque, dit M. Fortin. Mais c'est mieux qu'une carte de crédit à 18 %. "

Le consommateur doit ensuite envisager la vente d'actifs superflus, comme une automobile. S'il est toujours aux prises avec des difficultés financières, il a le loisir de faire une proposition de consommateur, une " faillite à l'amiable ", ou choisir la solution de dernier recours: la faillite.

APPEL AUX JEUNESVous êtes de la génération Passe-Partout (c'est-à-dire dans la vingtaine), sur les bancs d'école ou sur le marché du travail ? Vous avez des questions de finances personnelles et de consommation ? Écrivez-nous : vpouliot@lapresse.ca

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.