Le monde des affaires ne manque pas de sauveurs. Mais il n'en compte pas beaucoup comme Peter Robinson.

Le monde des affaires ne manque pas de sauveurs. Mais il n'en compte pas beaucoup comme Peter Robinson.

Pendant que d'autres sauvent des emplois, des parts de marché ou encore des entreprises au grand complet, Peter Robinson, lui, sauve des vies. Deux vies, pour être exact.

C'était en 1982.

Le futur PDG de Mountain Equipment Co-op était gardien dans un parc provincial de la Colombie-Britannique quand un couple dans la soixantaine est tombé du haut d'un canyon dans la rivière Similkameen.

Après avoir miraculeusement réussi à se hisser sur le toit de leur automobile, ils ont attendu les secours au milieu de la rivière.

«C'était très risqué, se rappelle Peter Robinson. À cause de la fonte des neiges, la rivière était très froide, presque glacée. L'opération de sauvetage a duré une heure et demie. À la fin, mon partenaire et moi faisions presque de l'hypothermie.»

Peter Robinson et son partenaire s'en sont finalement sortis indemnes, comme les deux prisonniers de la rivière qu'ils ont secourus. Pour leur bravoure, les deux gardiens de parc ont reçu une médaille du gouverneur général du Canada.

Montagnes et rivières

Un an plus tard, Peter Robinson quittait les montagnes et les rivières de la Colombie-Britannique pour un bureau du centre-ville de Vancouver.

Il avait alors 31 ans. Il a travaillé une quinzaine d'années à la Société de logement de la Colombie-Britannique (BC Housing), une société d'État qui s'occupe de logements sociaux, avant de prendre la direction de Mountain Equipment Co-op (MEC) en 2000.

Avec son bac en géographie et sa maîtrise en gestion des conflits, Peter Robinson n'a pas le profil type du PDG d'une grande entreprise - MEC a beau être une coopérative, elle génère quand même des revenus annuels de 240 millions de dollars.

Le résidant de Vancouver n'a pas fréquenté les grandes écoles des gestion, mais il est membre de MEC depuis 1974. Et surtout, il est un passionné de kayak de mer.

«Quand on m'a suggéré de poser ma candidature à la direction de MEC, j'ai d'abord dit non, se rappelle-t-il. J'étais heureux à la Société de logement de la Colombie-Britannique. Mais je me suis mis à étudier le fonctionnement de MEC et j'ai vu que c'était une entreprise qui avait beaucoup de potentiel.»

Durant son règne, la coopérative a beaucoup changé. Elle a doublé son nombre de magasins (de cinq à onze) et de membres (de 1,5 à 3 millions). Les revenus annuels de l'entreprise sont passés de 145 à 240 millions de dollars.

Sa croissance fulgurante, MEC la doit notamment à son expansion au Québec. En 2003, Peter Robinson a inauguré le premier magasin MEC de la province, au Marché Central de Montréal.

L'année suivante, la coopérative ajoutait un autre magasin dans la Vieille Capitale. Et ce n'est pas tout. Au dire de Peter Robinson, son successeur devrait inaugurer deux autres magasins dans la région montréalaise d'ici quatre ans.

«Les Québécois sont les plus actifs au pays en matière de plein air, dit Peter Robinson. Environ 54% des Québécois pratiquent une activité de plein air non motorisée, contre 48% des résidants de la Colombie-Britannique et 38% des Ontariens.»

Comme Peter Robinson n'est pas un PDG comme les autres - et que MEC n'est pas une entreprise comme les autres, fait-il valoir - il n'a pas seulement l'oeil sur ses états financiers.

En plus des revenus et des profits, il porte un soin jaloux à la valeur des dons environnementaux - 2 millions de dollars en 2007, dont 200 000$ au Québec - et au taux de transactions conclues sans sac - 80% au magasin de Montréal.

«J'ai découvert une philosophie d'entreprise différente chez MEC, dit-il. C'est possible d'avoir à la fois du succès en affaires et une conscience environnementale.»

Le 1er janvier prochain, Peter Robinson cédera son fauteuil chez MEC. Malgré son amour des grands espaces, il ne retournera pas dans les montagnes comme gardien de parc - son premier emploi, qu'il a occupé de 19 à 31 ans.

À 55 ans, Peter Robinson deviendra le PDG de la Fondation David Suzuki, qui a pour mission de promouvoir le développement durable et le respect de l'environnement au Canada.

«Ce sera la transition la plus facile de ma carrière, dit-il à la blague. Je travaillerai avec les gouvernements et je ferai aussi de la sensibilisation auprès des gens et des entreprises. La plupart des Canadiens parlent beaucoup d'environnement. Ils sentent le besoin de changer leurs habitudes mais ils ne savent pas comment. Ils se cherchent des modèles, des exemples à suivre.»

Défi de taille

Aucun doute, le défi sera de taille. Mais Peter Robinson en a vu d'autres au cours de sa carrière.

Plusieurs fois, il a su garder son sang-froid dans des situations de vie ou de mort. Au milieu de la rivière Similkameen, en 1982.

Et dans les prisons du Rwanda, en 1998. Il y avait passé six mois comme inspecteur de la Croix-Rouge chargé de veiller au respect des conditions des détenus.

L'expérience l'a profondément marqué. Dix ans plus tard, il hésite encore à en parler.

«C'est une expérience qui change une vie, dit-il. Les conditions de détention étaient très difficiles. Il n'y avait même pas d'électricité. J'ai réussi à faire quelques changements dans leurs conditions de détention.»

«C'était très difficile à voir, dit-il. C'est pourquoi je n'aime pas beaucoup en parler.» Durant l'heure qu'a duré l'entrevue, ce sera le seul moment où il perdra son sourire d'éternel optimiste.