Le vérificateur général du Québec aura accès aux états financiers d'un plus grand nombre de sociétés d'État, mais il ne pourra pas examiner de plus près leur gestion, comme il le réclame depuis des années.

Le vérificateur général du Québec aura accès aux états financiers d'un plus grand nombre de sociétés d'État, mais il ne pourra pas examiner de plus près leur gestion, comme il le réclame depuis des années.

Contrairement à ce que nous avons publié dans un reportage sur le budget du Québec, le gouvernement Charest n'a pas élargi le mandat du vérificateur.

Il lui a simplement donné accès aux états financiers de certaines sociétés d'État pour la première fois, comme Hydro-Québec, la Société des alcools et la Société générale de financement.

Il a aussi introduit la covérification avec une firme privée pour d'autres, comme la Caisse de dépôt.

Le vérificateur général du Québec examine déjà les états financiers de la Caisse de dépôt depuis sa création, il y a 41 ans. Il réclame de pouvoir examiner aussi de plus près la gestion de la Caisse, ce qu'il appelle la vérification de l'optimisation des ressources.

La direction de la Caisse de dépôt s'est toujours battue contre l'octroi de ce pouvoir de vérification de l'optimisation des ressources par le vérificateur général. Elle estime que ses activités sont trop complexes et que le vérificateur général n'a pas l'expertise nécessaire pour en faire l'examen.

Michel Nadeau, ancien numéro 2 de la Caisse de dépôt, n'a pas changé d'idée même s'il dirige aujourd'hui l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées.

«L'optimisation des ressources, ça relève du conseil d'administration, pas du vérificateur général. C'est une question de compétences, réitère-t-il. Juste vérifier les états financiers, ça leur prenaient tout leur petit change.»

Dans sa Loi sur la gouvernance des sociétés d'État adoptée en décembre dernier, le gouvernement Charest a tranché: le vérificateur général ne pourra pas faire la vérification de l'optimisation des ressources, malgré les représentations faites par l'Ordre des comptables agréés du Québec et les autres spécialistes du secteur.

Province distincte

Même si la ministre des Finances a affirmé dans son discours du budget qu'elle voulait faire de l'administration publique québécoise «un exemple de transparence», le Québec reste la seule province au Canada à refuser ce pouvoir à son vérificateur général.

«C'est totalement inacceptable», estime Danielle Morin, professeur de comptabilité à HEC Montréal.

«Comment peut-on empêcher le vérificateur de faire de l'optimisation des ressources dans les sociétés d'État? On parle de fonds publics ici.»

Selon elle, le manque d'expertise du vérificateur général est une bien piètre justification. Les firmes privées n'ont pas de l'expertise en toute chose non plus, explique-t-elle, et comme les firmes privées, le vérificateur général peut aller chercher à l'externe les ressources qui lui manquent.

Pour Réal Labelle, titulaire de la chaire de gouvernance et juricomptablité de HEC Montréal, le gouvernement a manqué une bonne occasion d'améliorer la gouvernance des sociétés d'État.

«C'est dommage. Si le vérificateur général avait obtenu ce pouvoir, ça mettrait un peu plus de pression sur les sociétés d'État, a-t-il dit. C'est une assurance supplémentaire et ça ne fait pas mal à personne.»

Ça peut faire mal, toutefois, comme l'ont prouvé les mandats spéciaux accordés par le gouvernement au vérificateur général pour examiner la gestion de la Caisse de dépôt dans deux dossiers, la construction de son siège social de Montréal et ses investissements dans l'industrie de la mode.

La gestion de la Caisse avait alors été sévèrement critiqué par la vérificatrice générale qui a mené l'examen, Doris Paradis.

La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, adoptée à la suite de la publication par La Presse d'un stratagème mis au point par la SAQ pour augmenter artificiellement ses profits, est néanmoins un gain pour le vérificateur général qui aura désormais accès aux états financiers de la SAQ, de la SGF et d'Hydro-Québec.

En ce qui concerne la Caisse de dépôt, c'est le statut quo: la loi prévoit seulement que le vérificateur général partagera l'examen des états financiers avec un firme privée.