L'effet boule de neige des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis prend chaque jour des proportions plus large.

L'effet boule de neige des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis prend chaque jour des proportions plus large.

Les ménages américains au dossier de crédit douteux, qui ont contracté des hypothèques à taux d'intérêt élevés (subprime) au début des années 2000, n'ont plus les moyens de payer leurs mensualités. Ils sont coincés entre la hausse des taux d'intérêt remontent et la baisse du prix de leur maison.

L'explosion des défauts de paiements a des répercussions non seulement sur les prêteurs hypothécaires américains qui déclarent faillite, mais sur l'ensemble des marchés financiers qui s'étaient partagés le risque à l'aide d'instruments financiers complexes et opaques.

Maintenant que le risque se matérialise, les investisseurs ne veulent plus toucher à ces produits financiers. C'est ce qui provoque la crise de liquidité qui secoue les marchés financiers.

Ces déboires pourraient maintenant précipiter les États-Unis en récession, estime Clément Gignac, stratège en chef à la Financière Banque Nationale. Cette semaine, la firme de courtage a relevé de 30% à 50% les probabilités que l'économie américaine flanche d'ici le début de 2008.

«Un tel scénario est moins probable au Canada: 30% de probabilités, pas plus», ajoute M. Gignac.

Depuis 2001, l'économie mondiale a été propulsée par les taux d'intérêt anémiques et la surabondance de liquidités. Désormais, le crédit n'est plus gratuit et les liquidités sont asséchées.

«Ce sera plus difficile pour tout le monde d'emprunter. Cela aura un effet direct sur la croissance économique au cours des prochains trimestres», dit Vital Proulx président de la société de gestion montréalaise Hexavest.

Voici un aperçu des répercussions la crise des prêts hypothécaires.

1. Les banques

Les banques sont sur la ligne de front. Plus les gens s'endettent, plus les banques font des profits. Quand le crédit se resserre, les défauts de paiement grimpent et la rentabilité des banques s'en ressent.

Le Japon a vécu une situation similaire, quoique bien pire, à la fin des années 90. Le prix des terrains et des maisons avait explosé. Les banques prêtaient sur trois générations. La bulle était autrement plus gonflée que celle de l'immobilier américain dernièrement. À preuve, les prix au Japon demeurent encore aujourd'hui 70% en-dessous de 1989, rapporte M. Proulx.

Les banques japonaises ont mis 14 ans à assainir leur bilan. Pendant ce temps, tous leurs profits étaient effacés par les radiations monstres liées aux pertes dans l'immobilier, rappelle M. Proulx. La crise des hypothèques américaines à risque ne sera jamais aussi longue à digérer. Mais il faudra certainement plusieurs trimestres avant que les banques passent complètement l'éponge.

2. Les fonds spéculatifs

La hausse des coûts du crédit aura aussi des conséquences sur les fonds spéculatifs (hedge funds). Certains ont emprunté massivement pour investir dans des produits financiers complexes fondés sur les hypothèques à risque aux États-Unis.

«Plus personne ne voudra leur prêter. D'ici 12 à 18 mois, il y aura 30% de moins de hedge funds», prédit M. Proulx. Si le crédit leur file entre les doigts, les fonds alternatifs seront forcés de liquider leurs positions à risque. Or, leur poids à la Bourse est énorme. Leurs actifs représentent environ 1700 milliards US à l'échelle mondiale.

«Si on considère qu'ils ont emprunté à 10 pour 1, leur position dans les marchés équivaut à la taille de l'économie américaine au complet», illustre M. Proulx.

3. Le consommateur américain

Le resserrement des conditions du crédit à risque pourrait ralentir les projets d'emprunt des consommateurs américains, estiment le Mouvement Desjardins.

«La robustesse des achats des ménages américains depuis plusieurs années dépendait fortement de la capacité d'emprunter facilement et à des taux d'intérêt très peu élevé», indiquent-ils. Beaucoup utilisaient leur maison à la manière d'un guichet automatique.

Désormais, le refinancement hypothécaire et les marges de crédit reliées à la valeur de la maison risquent d'être moins populaires, surtout dans les régions où les prix ont chuté.

Les ménages américains qui ont un taux d'épargne négatif, devront recommencer à mettre des sous de côté. Épargner davantage... donc dépenser moins.

Un ralentissement de consommation américaine aurait des répercussions sur l'économie mondiale, la Chine en premier lieu. «Les trois quarts de son produit intérieur brut dépendent des exportations et des dépenses en investissement», souligne M. Proulx.

Et si l'économie chinoise et mondiale refroidit, la demande pour le pétrole et les matières premières pourrait baisser. Ce sont alors des pays comme le Canada et l'Australie qui en subiront les contrecoups, car les matières premières (et les sociétés financières) pèsent très lourd dans leur économie et sur leurs marchés boursiers.

4. Les entreprises

Les entreprises ont un bilan beaucoup plus sain que celui des consommateurs. Mais elles ne seront pas épargnées pour autant. À cause de la crise du crédit, les taux d'intérêt sur les obligations corporatives ont grimpé. Cela augmentera le coût de financement des entreprises, ce réduira leurs profits.

L'écart de rendement (soit la différence de taux d'intérêt) entre les obligations du gouvernement américain - jugées parfaitement sécuritaires- et les obligations de pacotille s'est élargi de 125 points de base (100 points de base = 1%).

Le taux d'intérêt de sur ces titres moins bien cotés se trouve aujourd'hui 410 points de base au-dessus du taux des obligations du gouvernement, signe que les investisseurs perçoivent davantage de risque dans ce type d'obligations, et qu'ils exigent davantage de rendement.

«L'augmentation des coûts de crédit aura un impact plus visible sur les petites et moyennes entreprises qui sont souvent plus endettées et qui ne bénéficient pas d'une cote de crédit aussi solide qu'une multinationale», indique Vincent Delisle, stratège aux Marchés des capitaux Scotia.

5. LES FONDS PRIVÉS

La crise de liquidités a aussi asséché la vague d'acquisitions par endettement, un stimulus extraordinaire pour les Bourses ces dernières années.

Les caisses de retraite, déprimées par les rendements anémiques des obligations, ont confié des sommes importantes aux fonds privés. Inondés d'argent, ceux-ci se sont lancés dans une course aux acquisitions.

Ils ont emprunté massivement pour réinvestir à levier. «Les investisseurs sont de plus en plus frileux face aux obligations à rendement élevé et aux prêts à levier que les investisseurs privés utilisent pour financer leurs transactions», note Sherry Cooper, économiste en chef pour les Marchés des capitaux BMO.

Cela met en péril certaines transactions déjà annoncées. Une douzaine de projets, comme l'achat de Chrysler Group, sont sur le neutre. Quant aux actions d'entreprises qui étaient perçues comme des cibles potentielles d'acquisition à forte prime, elles perdront certainement de leur attrait spéculatif.

À souligner, la Bourse canadienne, dans son ensemble, a été un terrain

de jeu de prédilection pour les fonds privés. Durant la première moitié de 2007, les transactions ont atteint 279 milliards de dollars au Canada, par rapport à 2,8 milliards US à l'échelle mondiale.

C'est plus de 10%, ce qui est très disproportionné par rapport à la taille de la Bourse canadienne dans le monde, souligne M. Delisle.

6. LES INVESTISSEURS

Au final, les investisseurs paient la note.

Jeudi, la Bourse de Toronto a dégringolé de 1,5% , ce qui porte ses pertes à10,4 % depuis son sommet de la mi-juillet. L'indice est désormais en baisse 0,5 %de depuis le début de l'année.

«Les investisseurs recommencent à regarder des deux côtés de l'équation: le risque et le rendement», dit M. Delisle.

Que faire si on a des liquidités en ce moment? «On est content et on les conserve. Si on croit que c'est le début d'une réévaluation du risque, on peut attendre encore un peu», suggère M. Proulx.

À ceux qui possèdent des actions, il conseille de passer en mode préservation de capital, en s'orientant vers des secteurs moins sensibles à l'économie, comme les pharmaceutiques, les télécommunications et les produits de consommation essentiels, et en s'éloignant des financières, des mines et métaux et de l'énergie.