Un fonds commun off-shore, offert au Québec par l'importante firme financière montréalaise Triglobal, a de graves ennuis aux Bahamas.

Un fonds commun off-shore, offert au Québec par l'importante firme financière montréalaise Triglobal, a de graves ennuis aux Bahamas.

Triglobal est un réseau de distribution de fonds mutuels et d'assurance en expansion fulgurante, qui a pris le 15e rang des «Vingt leaders de la croissance» du magazine L'actualité en 2006, avec une croissance de 416% sur cinq ans.

En 2005, la firme, qui appartient au président Themis Papadopoulos et à son associé Mario Bright, affirmait détenir 700 millions de dollars d'actif sous gestion.

Le fonds en difficulté est Ivest Fund, un fonds de couverture (hedge) dans lequel des Montréalais ont investi plusieurs millions depuis 2002.

Le vérificateur externe d'Ivest, Gomez & Partners, de Nassau, refuse d'approuver les états financiers 2005, a appris La Presse. Un tel geste, de la part d'un vérificateur, est rare et entache sérieusement la crédibilité d'Ivest.

«J'ai refusé de signer les états financiers d'Ivest Fund pour l'année 2005 et dans l'état actuel des choses, je ne les signerai pas», a déclaré à La Presse Affaires le comptable Craig A. Gomez, le vérificateur d'Ivest joint à Nassau.

M. Gomez, qui fait partie du réseau international de comptables Horwath& Associates, a indiqué que les informations soumises par Ivest sont «incomplètes» et que l'impasse dure depuis six mois.

Le vérificateur refuse par ailleurs de regarder les états financiers 2006, compte tenu du problème émanant de ceux de 2005.

Ce qui dérange le vérificateur Gomez, c'est qu'Ivest a prêté des millions de dollars à Focus Management Inc, une firme financière privée incorporée aux Îles Caïman.

Déjà en 2004, M. Gomez avait signé les états financiers d'Ivest avec une réserve concernant le prêt consenti à Focus.

Le comptable Gomez note que Focus n'est pas réglementée par une commission des valeurs mobilières, qu'elle n'est inscrite nulle part comme firme de courtage et que ses états financiers à elle ne sont pas certifiés par un vérificateur indépendant.

Pour Robert Hindle, l'avocat montréalais qui représente les dirigeants d'Ivest, le fait que le véricateur refuse de signer les états financiers de 2005 n'est pas un problème grave. «La même chose est arrivée l'an dernier et ça s'est réglée par une réserve du comptable.»

Mais Michel Magnan, professeur de comptabilité à l'Université Concordia, ne partage pas cet optimisme. Il ne se prononce pas sur Ivest, qu'il ne connaît pas.

Mais pour cet expert, l'incapacité d'un fonds commun de faire signer ses états financiers est «plus qu'une lumière rouge pour les investisseurs».

«Dans la situation que vous me décrivez, il y a deux choses. D'abord, le vérificateur ne veut pas signer. Mais en plus, la raison c'est qu'il y a une grosse portion du fonds dont la valeur ne peut pas être validée par le vérificateur. L'argent prêté par le fonds à une firme opaque (comme Focus) est dans un trou noir du point de vue comptable, affirme Michel Magnan. Vous achetez quoi? C'est comme mettre de l'argent dans un puits.»

Le vérificateur Gomez a indiqué à La Presse qu'il n'avait pas le droit de donner les raisons exactes de son refus de signer les états financiers d'Ivest.

Des documents et d'autres contacts nous permettent d'établir qu'Ivest a prêté 40% de ses actifs sous gestion à Focus Management Inc, soit 20 millions de dollars US sur les 52 millions sous gestion en 2005.

Triglobal

Le président de Triglobal, Themis Papadopoulos, nie tout intérêt ou rôle dans Ivest et estime n'avoir aucune responsabilité si Triglobal a offert ce fonds offshore à certains de ses clients.

Rencontré par La Presse, M. Papadopoulos admet seulement que la direction d'Ivest a déjà fait une présentation du produit aux représentants de Triglobal, au siège social de sa compagnie à Montréal.

M. Papadopoulos a déjà indiqué que Triglobal a une entente de référence (referral agreement) non rémunérée avec Ivest. Il dit avoir pu parler d'Ivest à des gens, qui ont pu après faire affaire directement avec Ivest.

Il dit aussi avoir donné des explications à certains des représentants de Triglobal au sujet de Ivest.

Toutefois, notre enquête montre que Mario Bright, copropriétaire de Triglobal, et au moins deux représentants de l'entreprise ont offert Ivest à des clients québécois fortunés à partir de 2002. Selon le prospectus non visé, l'investissement minimal était de 150 000$ au Québec et en Ontario.

Deux investisseurs montréalais nous ont indiqué avoir acheté du Ivest sur les conseils de Triglobal où ils étaient clients. L'un d'eux a dit avoir fait affaire avec Mario Bright, l'autre avec le comptable Gary Robertson, un représentant de Triglobal à qui il a payé des frais.

Joint par La Presse, M. Robertson ne dit pas qu'il a vendu Ivest à son client. «J'ai moi-même investi dans Ivest pour essayer. Lui (son client) et moi avons examiné ensemble cet investissement.»

Des rapports financiers mensuels obtenus par La Presse identifient aussi Mario Bright comme «gestionnaire» d'Ivest.

M. Bright, n'a pu être interviewé pour cet article, malgré des tentatives répétées depuis un mois. Il a récemment déménagé à Nassau, aux Bahamas, avec sa conjointe, son adjointe et associée dans Triglobal.

Ivest est représenté aux Bahamas par Genesis Fund Services. Quand La Presse a appelé chez Genesis en se faisant passer pour un investisseur intéressé par Ivest, on lui a répondu ceci: «Voici le numéro où toutes les souscriptions vont: c'est Triglobal, au Canada», a dit l'employée avant de donner le nom et le numéro d'une ancienne représentante de Triglobal qui a été durant trois ans et demie l'adjointe administrative personnelle de M. Papadopoulos.

L'Autorité des marchés financiers du Québec affirme qu'Ivest Fund n'a jamais reçu de visa pour son prospectus et n'a jamais déposé un avis de placement qui aurait pu lui valoir une dispense de prospectus visé.

«Ivest n'apparaît nulle part dans nos dossiers d'inscription», a déclaré Frédéric Alberro, de l'AMF.

À la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, on n'a aucune inscription d'Ivest. Personne ici ne revendique donc la paternité d'Ivest.

Les clients de Triglobal qui ont acheté du Ivest n'ont rien fait d'illégal. Mais en général, un fonds commun offert ici sans dispense ni prospectus serait «non conforme», a spécifié Frédéric Alberro, de l'AMF.

«D'autre part, poursuit-il sans parler spécifiquement du cas Ivest, la Loi sur la distribution des produits et services financiers interdit aux firmes d'épargne collective d'offrir des fonds qui ne sont pas couverts par la Loi sur les valeurs mobilières.»

GESTION DE CAPITAL TRIGLOBAL

La Presse publiait le 18 mai dernier, dans son cahier La Presse Affaires, un texte intitulé Des millions en eau trouble, référant au fonds Ivest qui est un fonds de couverture des Bahamas.

La Presse sous-titrait ce texte en ces termes Un fonds distribué par la montréalaise Triglobal.

Des faits additionnels portés à la connaissance de La Presse Affaires par les représentants de la société Gestion de capital Triglobal inc. (« Triglobal ») nous invitent à préciser que Triglobal, via ses représentants, a pu évoquer ou discuter avec ses clients le fonds Ivest , mais sans toutefois le vendre, ni le distribuer, ni l'offrir.

Dans un texte sous-jacent intitulé De Norbourg à Triglobal, mention était faite que Triglobal avait livré un fonds commun clé-en-main à Norbourg, soit le fonds Norvest. À la lumière des renseignements additionnels portés à la connaissance de La Presse Affaires, nous sommes amenés à clarifier que l'on ne peut associer Triglobal ou sa direction à la livraison à Norbourg du fonds Norvest.

Dans ce même texte, l'on évoquait que les services de M. Éric Asselin avaient été retenus par Triglobal. Il convient de préciser que les services de M. Asselin n'ont pas été retenus par Triglobal.

Nos excuses

La direction