Les boursicoteurs canadiens investissent tellement à l'étranger que ce transfert de liquidités risque de peser sur la Bourse de Toronto.

Les boursicoteurs canadiens investissent tellement à l'étranger que ce transfert de liquidités risque de peser sur la Bourse de Toronto.

L'an dernier, pas moins de 28,4 milliards de dollars ont transité à l'extérieur du pays pour acheter des titres américains, européens et asiatiques. C'est deux fois plus que la moyenne des neuf dernières années.

Ce montant représente 2,2 % de la valeur boursière de l'indice MSCI Canada.

«Heureusement, cet exode est compensé par les achats d'actions canadiennes par les investisseurs internationaux», constate Vincent Delisle, de Scotia Capitaux.

Dans une étude récente sur le sujet, le stratège évalue l'entrée des capitaux boursiers au pays à 61 milliards depuis 2004.

Pour le moment, précise-t-il, cet effet «feuille d'érable» est suffisant pour contrer la saignée.

«Mais le niveau actuel est élevé et il me semble difficilement soutenable, dit le spécialiste. Il faut croiser les doigts pour que l'argent continue à rentrer.»

À plus long terme, il doute toutefois que le mouvement net de capitaux soit à l'avantage de la Bourse canadienne.

Lorsque le flux de capitaux a été négatif au début des années 90 et 2000 les actions canadiennes ont affiché des rendements inférieurs de 4 % à celui de l'indice mondial MSCI World.

M. Delisle rappelle que le plafond limitant à 30 % le contenu étranger dans les portefeuilles canadiens a été levé en 2005. Cette mesure du gouvernement fédéral a ouvert la porte, sans limite, à l'achat de titres internationaux.

Les grands investisseurs institutionnels en ont profité.

La part du contenu étranger dans le portefeuille des caisses de retraite est passée de 18,9 % en 1997, à 22,1 % en 2004, à environ 45 % aujourd'hui, souligne le stratège.

Par ailleurs, il remarque que la part actuelle des fonds communs de placement est beaucoup plus basse, à environ 30 %. «On s'attend à un ajustement de ce côté», avance-t-il.

Ce phénomène n'est pas unique au Canada.

Au fil des ans, les caisses de retraite d'un peu partout dans le monde ont baissé la part des actions domestiques dans leurs portefeuilles à la suite de l'élimination ou de l'abaissement des contraintes en contenu étranger.

Vincent Delisle constate que l'adoption d'une monnaie commune et d'une banque centrale dans la zone euro a levé d'importants obstacles à l'investissement étranger.

Cela dit, il pense que les grands marchés boursiers des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon, beaucoup plus diversifiés, garderont un biais plus élevé en faveur des titres domestiques.

Pour sa part, la Bourse canadienne, plus spécialisée dans certains secteurs, se compare davantage à ses pairs d'Australie, de Suède, de Finlande, du Danemark, de Norvège et des Pays-Bas.

«Le Canada attire les étrangers qui veulent investir dans les ressources naturelles et les services financiers», affirme le spécialiste.

Au total, trois secteurs comptent pour plus du trois quart de l'indice de la Bourse de Toronto.

Les titres financiers, comme les banques et les assureurs, comptent pour 35 %.

À cela, les secteurs de l'énergie (pétrolières et gazières) et des matériaux (mines et métaux) pèsent respectivement pour 27 % et 15 %.

«Au cours des dernières années, nous avons été chanceux parce que les étrangers se sont tournés du côté des ressources étant donné la hausse du cours des métaux et de la forte demande de Chine», dit M. Delisle.

Par ailleurs, poursuit-il, la tendance du secteur financier n'est pas la même que celle des ressources naturelles.

«C'est un avantage pour la Bourse canadienne car cela offre plus de stabilité», dit-il.

Quand l'économie carbure, rappelle-t-il, les taux d'intérêt sont à la hausse et les ressources naturelles vont bien. Par contre, quand l'économie ralentit, les taux d'intérêt baissent et les investisseurs se tournent vers les titres de qualité, comme ceux des grandes banques.

D'autre part, les investisseurs canadiens vont chercher sur les marchés étrangers les titres des secteurs moins bien représentés au pays, comme ceux de la technologie, des soins de santé et de la consommation.

«C'est une excellente façon de diversifier son portefeuille et de viser un meilleur rendement», explique Vincent Delisle.