Alors que la qualité des vins québécois s'améliore, les producteurs croient que la Société des alcools du Québec (SAQ) oublie les produits locaux et fait la promotion des vins étrangers. Les vignerons appellent à la reconnaissance de leurs efforts.

Alors que la qualité des vins québécois s'améliore, les producteurs croient que la Société des alcools du Québec (SAQ) oublie les produits locaux et fait la promotion des vins étrangers. Les vignerons appellent à la reconnaissance de leurs efforts.

«Les conseillers de la SAQ ne poussent pas assez les vins québécois», estime le sommelier Philippe Lapeyrie.

Les producteurs, qui demandent une meilleure visibilité à la SAQ, ne le contrediront pas. «Les conseillers ont un pouvoir énorme», explique un viticulteur. «Les gens entrent en magasin et leur demandent quoi boire avec un boeuf bourguignon. S'ils proposaient parfois des vins québécois, nos ventes doubleraient facilement. Mais il y a encore du snobisme envers nos vins.»

L'année dernière, la SAQ a aménagé une section «vins québécois», comme pour les vins espagnols ou italiens, dans 360 de ses 400 succursales. L'emplacement de cette section, à géométrie variable, est à la discrétion des gérants. «C'est parfois frustrant de trouver les vins du Québec entre les toilettes et l'entrepôt», lance Mélanie Destrempes, du Domaine du Ridge.

«C'est vrai qu'il y a un gros travail à faire pour convaincre notre monde», concède André Caron, responsable des artisans québécois pour la société d'État. D'autant plus que les produits québécois sont peu demandés. Mais le travail se fait, estime André Caron: en 2001, la SAQ offrait cinq vins québécois. Elle en offre aujourd'hui 87. «Il faut se donner du temps, c'est une industrie très jeune», croit-il.

Cette année, une centaine de représentants de la société d'État sont allés faire les vendanges à Saint-Eustache, au vignoble de la Rivière du Chêne. «Les conseillers en vin ont besoin de mieux connaître les produits pour les conseiller», dit André Caron.

La situation serait certainement moins frustrante pour les viticulteurs québécois si la SAQ mettait autant d'effort à promouvoir leurs vins que le fait le Liquor Control Board of Ontario (LCBO, l'équivalent de la SAQ) pour les vins ontariens. Quatre bouteilles sur 10 achetées à la LCBO l'année dernière étaient des vins ontariens.

Au Québec, «les produits du terroir», y compris les cidres et autres alcools québécois, comptent pour 0,4% des ventes de l'ensemble des produits de la SAQ, ce qui comprend tous les spiritueux.

Pourquoi une si grande différence? La réponse est simple: la société ontarienne a dans son mandat de faire la promotion des alcools ontariens. La croissance des produits locaux est l'un de ses six objectifs d'entreprise. Au Québec, la SAQ a plutôt un mandat de distribution, non de promotion.

«Il faut que l'Assemblée nationale modifie la loi pour que la SAQ ait la mission de faire la promotion des produits québécois», dit le viticulteur Jean-Pierre Scieur, du Cep d'argent, à Magog. «Les politiciens ont le pouvoir de le faire», dit-il. «La solution passe par une volonté politique.»

Une meilleure qualité

«Nos premiers vins n'étaient certainement pas ce qu'ils sont aujourd'hui», avoue Denis Paradis, propriétaire du Domaine du Ridge, qui fait du vin depuis huit ans. Un oenologue a travaillé avec lui pour améliorer la qualité du vin.

«Les préjugés sur le vin québécois tombent tranquillement parce que nous sommes en train d'atteindre une certaine qualité», dit Mélanie Destrempes, directrice générale du vignoble. «Dans le vin, comme dans toute chose, il y a du bon et du moins bon.»

Dans le cas du vin, le moins bon fait particulièrement mal à la fragile réputation des produits québécois, estime Charles-Henri de Coussergues, copropriétaire et directeur général du vignoble L'Orpailleur, aussi vice-président de l'Association des vignerons du Québec. «Chaque mauvais vin fait du tort à l'industrie», dit-il.

«Dans certains restaurants, il n'y a plus un seul fromage français sur la carte», dit le sommelier Philippe Lapeyrie. «Tous les fromages offerts sont québécois et le client n'est pas perdant. Si les restaurants mettaient les vins québécois plus en évidence sur leurs cartes, surtout dans les régions viticoles, ça aiderait beaucoup les producteurs.»

Un touriste qui mange à une bonne table serait certainement tenté d'essayer un vin de pays, estime le sommelier. C'est un réflexe naturel: quand on visite l'Argentine, on veut boire du vin argentin; quand on visite l'Espagne, on veut boire du vin espagnol, dit-il.

«Il se produit environ 1,5 million de bouteilles au Québec», calcule Daniel Lalande, du vignoble de la Rivière du Chêne, qui produit 100 000 bouteilles par année. «Si tous les consommateurs de vin du Québec achetaient une bouteille québécoise par année, l'avenir de tous les vignerons de la province serait assuré.»