L'industrie mondiale de l'aviation d'affaires est en plein essor, le ciel est d'un bleu bien clair. Pour les entreprises canadiennes, cependant, il y a un gros nuage à l'horizon. En forme de huard.

L'industrie mondiale de l'aviation d'affaires est en plein essor, le ciel est d'un bleu bien clair. Pour les entreprises canadiennes, cependant, il y a un gros nuage à l'horizon. En forme de huard.

La force du dollar canadien vient assombrir un tableau presque parfait.

«C'est vraiment difficile, ça ne nous rend pas heureux», a commenté Kirk Rowe, vice-président à la direction et chef de l'exploitation d'Innotech-Execaire, entreprise de Montréal qui offre des services de finition et d'entretien d'avions d'affaires.

L'entreprise a des clients des États-Unis, d'Europe et du Moyen-Orient. Un huard trop vigoureux vient manger la marge de profit.

«Nous faisons comme les experts disent de le faire, nous investissons dans l'équipement et la technologie, mais le dollar monte tellement rapidement, nous ne pouvons pas investir assez vite», a déclaré M. Rowe, rencontré par La Presse Affaires à l'occasion du congrès annuel de la National Business Aviation Association (NBAA).

Le congrès s'est terminé jeudi à Atlanta.

Innotech-Execaire, filiale du groupe néo-écossais IMP, n'a cependant pas l'intention de jeter l'éponge: elle investit 10 millions de dollars pour un nouvel atelier de peinture à Montréal.

Mecaer touchée

Mecaer America, qui fabrique des trains d'atterrissage à Laval, est également touchée par la vigueur du huard.

Les clients qui ont signé des contrats il y a cinq ans ne sont pas nécessairement disposés à renégocier les prix établis à l'époque pour refléter la force actuelle du dollar.

Le directeur du marketing et des ventes de Mecaer America, Roberto Tonna, a toutefois indiqué qu'il y avait quand même des avantages à faire affaire au Canada.

«Par exemple, au Canada, vous pouvez trouver de l'acier de très bonne qualité», a-t-il déclaré.

Les gros acteurs comme Bombardier sont aussi touchés par l'évaluation de la devise canadienne.

«Il faut accélérer ce que nous avions prévu de faire pour réduire nos coûts», a indiqué le président de Bombardier Avions d'affaires, Pierre G. Côté, en entrevue avec La Presse Affaires.

Bombardier entend accomplir cette réduction avec l'adoption de nouvelles méthodes de travail et la délocalisation de certains sous-éléments.

Déjà, Bombardier fait faire ses harnais électriques (soit l'ensemble du câblage électrique qu'on retrouve dans un avion) de ses appareils Global et Challenger dans son usine de Queretaro, au Mexique. L'entreprise veut cependant faire preuve de prudence.

«Il faut faire des économies, mais il faut aussi assurer la qualité du produit, a déclaré M. Côté. Et la délocalisation n'est pas la seule solution: on peut devenir plus efficace chez nous.»

Il a donné l'exemple du Challenger 605: grâce à l'implantation d'une chaîne de montage pour la finition, l'entreprise a pu diminuer de 40% le nombre d'heures nécessaires pour compléter l'appareil.

«La situation nous oblige d'être meilleurs, a-t-il déclaré. Le dollar canadien à 60 cents a fait dormir beaucoup de monde au gaz dans l'industrie manufacturière canadienne.»

Le congrès de la NBAA a été plutôt bénéfique pour Bombardier: l'avionneur montréalais a décroché une importante commande de 20 appareils Challenger 300, assortie d'options pour 60 appareils de plus, pour une valeur totale potentielle de 1,9 milliard de dollars.

Et l'avenir est prometteur pour toute l'industrie: Bombardier prévoit que dans les 10 prochaines années, les livraisons atteindront 9950 appareils, d'une valeur de 228 milliards US, dans le marché des biréacteurs d'affaires.

Cette prévision ne tient pas compte du marché des biréacteurs très légers, dans lequel l'avionneur montréalais n'est pas présent. Au cours des 10 dernières années, il s'est livré 5722 biréacteurs d'affaires, d'une valeur de 104 milliards US.

Participation record

L'optimisme a régné toute la semaine dans les couloirs et les salles d'exposition du congrès de la NBAA.

L'organisation a d'ailleurs enregistré une participation record: il y avait 27 326 inscrits dès le début, soit une hausse de 10% par rapport à l'année dernière. Il y avait également 1152 exposants au centre de conférence d'Atlanta et 115 avions exposés à l'aéroport de Fulton, en banlieue.

Le congrès n'a cependant pas donné lieu au lancement de nouveaux produits. Seule Embraer a présenté de nouveaux concepts d'appareils de taille intermédiaire, qu'elle espère lancer prochainement.

M. Côté a cependant indiqué qu'un nouveau Learjet était en préparation. L'oiseau pourrait faire son apparition dans les mois à venir.