S'il n'en tient qu'à Majid Rahmouni, la ville d'Asbestos deviendra la Mecque de la nourriture halal, un marché évalué à près de 500 milliards de dollars à l'échelle planétaire.

S'il n'en tient qu'à Majid Rahmouni, la ville d'Asbestos deviendra la Mecque de la nourriture halal, un marché évalué à près de 500 milliards de dollars à l'échelle planétaire.

Si tout va comme prévu, une usine de production de mets halal verra le jour dans cette ville minière des Cantons-de-l'Est dès 2008.

Le halal est aux musulmans ce que le kascher est aux juifs. Les mets halal ne doivent pas contenir de porc, de dérivés de porc, ni de trace d'alcool. Mais contrairement à la nourriture kascher, le halal est à peu près inexistant sous forme préparée dans les marchés d'alimentation.

M. Rahmouni vient donc de lancer une gamme de produits prêt-à-manger (congelés ou non), certifiés halal, et produits dans la ville minière d'Asbestos. Après le Québec, l'Ontario et le reste du continent, l'homme d'affaires d'origine marocaine vise la planète entière.

«Il n'y a personne en Amérique du Nord qui commercialise de la nourriture halal. C'est pourtant un marché de 15 milliards de dollars.

Et en France, où la quatrième génération de musulmans est bien établie, ils viennent à peine de mettre en marché de la lasagne certifiée halal. Ils ont même créé un nouveau terme en France: la halalisation de l'offre. C'est clair qu'il y a un besoin et nous allons le combler», explique Majid Rahmouni, bille en tête.

Au Québec

Ce ne sont pas les occasions d'affaires qui manqueront, dit l'entrepreneur de 37 ans. Le Québec compte actuellement 150 000 personnes de confession musulmane.

Le Canada en compte plus d'un million, dont la majorité vit en Ontario. Et au niveau mondial, 1,5 milliard de personnes ont fait de l'Islam leur religion.

Selon des statistiques, 30% des habitants de la Terre seront musulmans en 2025, ce qui fera bien du monde à nourrir avec des aliments qui respectent les lois coraniques.

Afin de sonder les possibilités qui s'offrent à lui, Majid Rahmouni a participé l'hiver dernier à l'une des plus importantes foires agroalimentaires d'Orient: le Gulf Food Exhibition à Dubaï.

«La réponse a été très bonne, dit le jeune homme d'affaires. Au point où nous avons déjà des commandes. Mais ce n'était qu'un voyage exploratoire.»

Évidemment, on ne domine pas un marché du jour au lendemain. M. Rahmouni y va donc étape par étape. Son projet a commencé à germer en 1999 lors de son arrivée au Québec où il est venu obtenir un doctorat en génie électrique à l'Université de Sherbrooke. Il y avait, dit-il, de la nourriture kascher partout, mais aucun produit certifié halal.

Combler un vide

Jusqu'en 2004, le Maghrébin d'origine a été actionnaire et vice-président de l'entreprise de haute technologie Corinspect à Québec.

L'idée de produire de la nourriture halal, et ainsi combler un vide, a pris le dessus en 2005, année où il a acheté la Boucherie Proulx, un petit commerce familial fondé dans les années 30 à Asbestos.

Tout en continuant à desservir au quotidien la clientèle locale, l'entrepreneur a fondé la PME Les Aliments Proulx/Kenzi, spécialisée dans la préparation et la commercialisation de produits halal.

Depuis février dernier, M. Rahmouni met en marché pour le Québec une trentaine de produits halal sous la marque Aliments Proulx. Pour l'heure, ces produits sont surtout vendus dans les Cantons-de-l'Est.

Et pour prendre d'assaut le marché ontarien (et plus tard le reste de la planète), il a créé la marque Kenzi dont la consonance, il va sans dire, est plus international.

Pizza surgelée, sauce à spaghetti et autres galettes de boeuf haché figurent parmi la dizaine de produits Kenzi actuellement offerts dans les épiceries de quartier et les dépanneurs ontariens.

«On était dans les Loblaws, mais on s'est rendu compte que les musulmans font leurs courses près de chez eux dans les petits commerces. Il a fallu se repositionner rapidement», dit Majid Rahmouni. La distribution étant le nerf de la guerre en agroalimentation,

Les Aliments Proulx est sur le point d'acquérir une entreprise québécoise de distribution, notamment afin de mieux pénétrer le marché montréalais. Du coup, le chiffre d'affaires de la PME doublera à deux millions et elle passera de 10 à 16 employés.

Des associations

Pour son offensive ontarienne, la PME s'est associée à Les Aliments Martel, l'un des plus importants fabricants et distributeurs de prêt-à-manger au Québec.

Les Aliments Martel possède entre autres un centre de distribution à Gatineau et connaît très bien le marché ontarien. Elle détient l'exclusivité dans la distribution de produits Kenzi. Majid Rahmouni et la famille Martel sont à compléter leur entente de partenariat.

L'usine de production d'aliments halal sera aménagée dans la foulée d'un investissement d'environ 500 000$, dont 100 000$ en aide gouvernementale reçue en juin dernier.

«Le montage financier est presque terminé. D'ici la fin de 2007, nous devrions avoir atteint notre vitesse de croisière et nous pourrons nous installer dans notre nouvelle usine dès l'année prochaine», croit Majid Rahmouni.

De telles initiatives entrepreneuriales sont une véritable bouffée d'air frais dans l'économie d'Asbestos, une municipalité de 6000 habitants qui souffre encore de la chute de l'amiante.

Il y a une vingtaine d'années, son principal employeur, la gigantesque mine Jeffrey, faisait travailler près de 1500 personnes. Aujourd'hui, elle n'embauche plus que 250 travailleurs et ce, quelques mois par année.