Les lecteurs de La Presse se sont prononcés : ils ont choisi Robert Brown, le grand patron du fabricant de simulateurs de vol CAE (T.CAE), comme PDG de l'année.

Les lecteurs de La Presse se sont prononcés : ils ont choisi Robert Brown, le grand patron du fabricant de simulateurs de vol CAE [[|ticker sym='T.CAE'|]], comme PDG de l'année.

L'étoile de M. Brown avait quelque peu pâli au début des années 2000. Il était aux commandes de Bombardier lorsque l'entreprise a affronté les turbulences qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001.

M. Brown est cependant en voie de confondre les sceptiques à la tête de CAE. Sous sa gouverne, le fabricant de simulateurs de vols a fait un virage spectaculaire. En deux ans, l'action a plus que doublé, passant de moins de 5 $ à plus de 10 $.

La dette de l'entreprise a subi une sérieuse cure d'amaigrissement : elle était à 529,6 millions à la fin de l'exercice 2004, elle s'est retrouvée à 190,2 millions à la fin de l'exercice 2006.

L'entreprise a également réussi à améliorer de façon marquée sa productivité. Il ne faut plus que 14 mois pour construire et livrer un simulateur de vol Airbus A320. Lorsque M. Brown est arrivé en poste, en août 2004, il fallait six mois de plus. Les actionnaires sont contents, les clients sont contents.

Les employés aussi. Et c'est ce qui ressort du sondage réalisé par La Presse. Les employés de CAE ont été nombreux à accorder leur vote à leur patron et à écrire des commentaires positifs à son sujet.

Le triomphe d'un homme discret

Robert Brown a le triomphe discret. Il esquisse un sourire un peu gêné, se dit très honoré d'avoir été choisi PDG de l'année et, immédiatement, affirme que cet honneur revient avant tout à son équipe de direction et à l'ensemble des employés de CAE. « Nous travaillons en équipe, explique-t-il. C'est plus pour tous les gens de CAE que pour moi personnellement. »

Robert Brown n'est pas homme à laisser percer ses émotions. Mais lorsqu'il apprend que plusieurs employés ont pris le temps de voter et d'écrire des commentaires flatteurs à son sujet, son discours se brouille un peu, il oublie momentanément son excellent français pour revenir à sa langue maternelle, l'anglais.

« Pour moi, personnellement, I'm very... je suis très heureux, trébuche-t-il. C'est l'indication que nous commençons à faire du bon travail ensemble. »

Il raconte que, à son arrivée à la tête de CAE, à la fin de l'été 2004, il avait fait faire un petit sondage par une firme externe pour mesurer la motivation du personnel. Les résultats avaient été pitoyables, surtout à Montréal. Les employés faisaient leur travail, mais sans plus.

«Nous avons entrepris une réorganisation, nous avons modifié les secteurs, nous avons implanté des processus différents, nous avons changé la moitié de l'équipe de direction, nous avons pris le temps de rencontrer les employés. »

Un nouveau sondage vient de montrer que la direction est sur la bonne voie. Les employés sont plus engagés. Mais le processus a été douloureux : CAE a dû supprimer 450 emplois, dont 350 à Montréal, soit 10 % de la main-d'oeuvre. Il a également fallu nettoyer le bilan de l'entreprise et enregistrer une dépréciation d'actifs de 443 millions de dollars.

Et pourtant, les employés ont suivi. « Ils ont réalisé que c'était nécessaire d'aborder le travail d'une nouvelle façon, que c'était la seule façon de sécuriser leurs emplois. »

Déménagement du siège social

Le nouveau patron a également décidé de déménager de Toronto à Montréal le siège social de l'entreprise. Le bureau de M. Brown est vaste, bien éclairé, et il est au même niveau que l'usine.

« Les gens réalisent qu'il n'y a pas de tour d'ivoire, raconte-t-il. Je suis à 10 secondes de la chaîne de montage. De temps en temps, au moins une fois par semaine, je circule dans l'usine, je parle aux gens et je retourne dans mon bureau avec un regain d'énergie. »

C'est notamment cette accessibilité, cette ouverture que plusieurs employés ont soulignées dans leurs commentaires. « M. Brown possède les qualités humaines qui caractérisent les meilleurs leaders », écrit Francis St-Louis. « Il a vraiment changé l'atmosphère et la vision de cette magnifique entreprise », écrit pour sa part Sophie Canton.

Un mouvement semble s'être formé à CAE pour voter pour M. Brown. Le président a toutefois fait observer que les employés auraient très bien pu se donner comme directive de s'abstenir de voter.

Des membres de l'industrie aéronautique québécoise, comme des cadres supérieurs de CMC Électronique, de Bell Helicopter et de l'Association québécoise de l'aérospatiale, ont également voté pour M. Brown. Mais aussi de simples investisseurs.

« Redresser CAE au moment où l'industrie aéronautique va mal dans les plus grands pays industrialisés, lorsque la concurrence augmente, c'est l'équivalent d'une médaille olympique d'or que Robert Brown mérite », écrit M. Pierre Patenaude, qui signe : « Un investisseur qui a manqué... l'avion ».

M. Brown s'est montré très fier du revirement chez CAE. L'entreprise a su réduire son endettement, diminuer ses coûts, raccourcir de façon importante le cycle de fabrication d'un simulateur et améliorer les relations avec ses clients.

« C'est un changement complet, affirme-t-il. Et en même temps, en ce qui concerne l'avenir, nous avons lancé un programme de recherche et développement de 630 millions de dollars, le projet Phoenix. »

CAE a pu se remettre en mode embauche. À l'heure actuelle, l'entreprise compte autant d'employés qu'avant les mises à pied de l'hiver 2005.

Pour mener à bien ces opérations, M. Brown a pu puiser dans sa vaste expérience du monde aéronautique. L'ancien militaire a occupé plusieurs postes importants dans la fonction publique fédérale. Il a notamment été responsable de la vente de Canadair et de Havilland.

Il est arrivé chez Bombardier alors que l'entreprise comptait 4600 employés et enregistrait un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars.

L'entreprise a connu une forte croissance, mais la division aéronautique a été fortement ébranlée par la crise qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001. « J'ai bougé assez vite pour restructurer tout Bombardier afin de survivre à la période de crise, raconte-t-il. J'ai beaucoup appris avec ça. »

L'expérience a cependant été difficile et M. Brown a dû laisser sa place à l'ancien président du CN Paul Tellier à la fin de 2002. Il n'éprouve toutefois aucune amertume.

« Je suis très fier du temps que j'ai passé chez Bombardier, affirme-t-il. J'espère qu'ils vont avoir beaucoup de succès. »

Robert Brown a obtenu un autre mandat difficile en dirigeant le conseil d'administration d'Air Canada pendant sa réorganisation sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

« Ça a été un peu rock'n'roll, a-t-il admis. Mais la chose dont je suis le plus fier, c'est que nous ayons réussi à garder les rentes de retraite de tout le monde. Si vous regardez US Airways et Delta, ils ont coupé les rentes des gens. Et maintenant, je pense qu'Air Canada est la société aérienne la plus concurrentielle en Amérique du Nord. »

M. Brown voit également l'avenir de son entreprise avec optimisme. Il explique qu'elle est bien positionnée pour faire sa place sur les marchés en voie de développement comme la Chine et l'Inde. Il s'attend également à ce que les grands transporteurs américains se remettent enfin à commander des avions.

«Nous sommes en bonne position pour faire des ventes », déclare-t-il.

Et CAE est également très active sur le marché de la défense, qui représente 50 % de son chiffre d'affaires et qui pourrait lui permettre de faire face à d'autres coups durs dans le marché de l'aviation commerciale.

M. Brown, âgé de 61 ans, espère demeurer à la tête de CAE pendant encore un bon moment. « J'aime mon travail, déclare-t-il. Je ne suis pas le genre à prendre ma retraite et à ne rien faire. Et il y a encore du travail à faire ici à CAE. »

Il répondra ainsi au désir exprimé par Terry Cyr : « Espérons que CAE bénéficiera pendant encore longtemps de la maîtrise du leadership de M. Brown. »