Ce ne serait pas étonnant d'apprendre que Gérald Tremblay apprécie encore plus que de coutume son fauteuil à la mairie de Montréal. Remarquez que cela n'aurait rien à voir avec la gestion de la métropole, mais avec ce qui se passe à Québec, la capitale nationale. Il y a de fortes chances qu'il soupire d'aise à l'idée que, cette fois, ce n'est pas lui qui est pris avec l'épineux dossier des heures d'ouverture des magasins, un dossier qui vient de refaire surface avec la campagne de cartes postales lancée par les grandes chaînes d'alimentation.

Ce ne serait pas étonnant d'apprendre que Gérald Tremblay apprécie encore plus que de coutume son fauteuil à la mairie de Montréal. Remarquez que cela n'aurait rien à voir avec la gestion de la métropole, mais avec ce qui se passe à Québec, la capitale nationale. Il y a de fortes chances qu'il soupire d'aise à l'idée que, cette fois, ce n'est pas lui qui est pris avec l'épineux dossier des heures d'ouverture des magasins, un dossier qui vient de refaire surface avec la campagne de cartes postales lancée par les grandes chaînes d'alimentation.

À l'époque, on parle du début des années 90, cette question avait causé de sérieux maux de tête à M. Tremblay, alors qu'il était ministre de l'Industrie et du Commerce dans le gouvernement Bourassa. Depuis, beaucoup de choses ont changé et pas seulement dans la vie professionnelle de Gérald Tremblay. Imaginez, Internet n'existait même pas et le cellulaire en était à ses balbutiements! C'est dire à quel point notre mode de vie était différent et nos habitudes de consommation aussi.

Ce n'est pourtant pas ce que semble croire Raymond Bachand, l'actuel ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. À savoir si son ministère envisageait d'assouplir la loi sur les heures d'ouverture les soirs de week-end comme le demandent les magasins d'alimentation, la réponse a été sans équivoque. " Pas question de rouvrir la loi, a déclaré un porte-parole. Le débat a été fait en 1992. Il est inutile de le refaire aujourd'hui. " Que Raymond Bachand ne veuille pas rouvrir cette boîte de Pandore est une chose, mais qu'on justifie son inaction en déclarant que le débat a été fait il y a une quinzaine d'années est une insulte à l'intelligence.

Ce que réclament Metro, Sobeys et Loblaws est la modification de l'article 6 de la loi 59. Il stipule que seuls quatre employés peuvent travailler dans un supermarché après 17 h, les fins de semaine. La coalition des épiciers fait valoir que cette mesure les empêche de bien servir leur clientèle. Ils ont raison.

Tous ceux qui ont dû faire un saut à l'épicerie un soir de week-end peuvent en témoigner. Il n'y a rien de plus frustrant que de devoir attendre parce qu'il n'y a qu'une caisse d'ouverte. Est-ce que l'insatisfaction des clients pris dans une file un dimanche soir est un motif suffisant pour justifier qu'on modifie une loi? C'est en ces termes que le ministre Bachand devrait débattre de cette question, plutôt que de faire la sourde oreille.

Ce que craint probablement le ministre, c'est que le moindre changement touchant la loi sur les heures d'ouverture dans les magasins d'alimentation ait un effet domino sur l'ensemble de l'industrie québécoise du commerce de détail. De l'avis de plusieurs, il serait pratiquement impossible de modifier la loi uniquement pour un secteur. Comment justifier par exemple que Loblaws, qui vend de la nourriture mais aussi des articles de jardin, puisse jouir d'un assouplissement de la loi auquel d'autres n'auraient pas droit.

Pas besoin d'être devin pour comprendre que les Wal-Mart et autres grandes surfaces qui vendent aussi des produits d'alimentation réclameraient le même traitement. Une fois accordée à Wal-Mart, ce serait au tour des Rona et Canadian Tire. Où tracer la limite dans un marché où les détaillants empiètent de plus en plus sur les champs de spécialité de leurs concurrents? C'est une des difficultés avec laquelle le ministre aurait à composer, mais est-ce qu'elle justifie qu'on refuse d'ouvrir le débat? Non.

On sait également, des études l'ont démontré, que la concentration dans le secteur du commerce de détail a tendance à augmenter avec la libéralisation des heures d'ouverture. Si les grandes surfaces ont les reins assez solides pour assumer les coûts supplémentaires d'une ouverture prolongée, les petits commerçants ont plus de difficulté à suivre et à survivre. Cela dit, le mouvement de consolidation dans le secteur du détail est déjà bien amorcé au Québec. Par exemple, Metro, Sobeys et Loblaws contrôlent déjà 90 % du marché québécois de l'alimentation. Est-ce qu'un changement à la loi aurait un impact si considérable? La question vaut la peine d'être posée.

On peut facilement comprendre que, pour un gouvernement, toucher aux heures d'ouverture, c'est ouvrir un panier de crabes. C'est certainement ce que veut éviter le ministre Bachand. Mais c'est une décision beaucoup plus politique qu'économique. Il n'y a pas de doute, c'est un dossier complexe qui va bien au-delà des files d'attente le dimanche soir à l'épicerie. Il y a toute la question de la conciliation travail-famille qui entre aussi en ligne de compte. Mais ce n'est pas parce que c'est compliqué que ça justifie qu'on y oppose bêtement une fin de non recevoir. Les temps ont changé M. Bachand, parlez-en au maire Tremblay.

Mboisver@lapresse.ca

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