Le plus important abattoir de porcs du Québec fermera ses portes le 25 mai.

Le plus important abattoir de porcs du Québec fermera ses portes le 25 mai.

Aux employés de l'usine d'Olymel de Vallée-Jonction qui ontmassivement refusé hier de voir leurs salaires réduits, la direction a répliqué en mettant ses menaces à exécution. La décision risque de bouleverser l'industrie porcine québécoise au grand complet.

Tard mardi soir, l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, qui travaille pour Olymel à titre de négociateur, ainsi que le PDG Réjean Nadeau ont annoncé que les avis de fermeture de l'abattoir de Vallée-Jonction, en Beauce, seront expédiés aujourd'hui. Les 1100 employés perdront leur emploi le 25 mai.

En aaprès-midi, ceux-ci avaient rejeté à 97% les nouvelles offres patronales, mais avaient aussi voté à l'unanimité pour lancer une «ultime tentative de négociation» en appelant l'actionnaire principal d'Olymel, la Coopérative fédérée du Québec, à négocier. La perche tendue n'a pas été saisie.

«Nous avions bien dit que la proposition était finale», a laissé tomber hier en conférence de presse un Lucien Bouchard aux traits tirés.

La Coopérative fédérée, qui appartient aux agriculteurs québécois, est propriétaire d'Olymel à 60 %.

Mardi, tous les membres de l'organisme qui siègent au conseil d'administration d'Olymel ont voté pour la recommandation de la direction de fermer l'usine.

Seul deux des trois membres provenant de la Société générale de financement, qui détient une part de 17% dans Olymel, se sont abstenus.

«On veut garder nos emplois, mais pas à n'importe quelles conditions, avait lancé en aaprès-midi le président du syndicat de l'usine affilié à la CSN, Gino Provencher, à la suite du rejet des travailleurs. On s'est assuré que les gens comprennent bien les enjeux de façon sérieuse, qu'ils comprennent qu'on est à la croisée des chemins et que l'avenir est menacé.»

Olymel exigeait de ses 1100 employés des réductions de rémunération de 28,43 $ l'heure à 22,28$ l'heure, incluant les avantages sociaux, selon les chiffres de l'entreprise.

La direction affirme avoir tout fait pour minimiser l'impact sur le chèque de paie des travailleurs, abolissant plutôt sa participation à la caisse de retraite et sabrant dans le régime d'assurance.

Seulement 26 des 868 employés présents hier ont voté en faveur des nouvelles offres. Selon le syndicat, elles représentaient des concessions de 240$ par semaine et de 12 000$ par année. Les employés avaient déjà refusé à deux reprises par le passé des concessions salariales demandées par Olymel.

«Ils ont voté sur la fermeture», a tranché mardi Lucien Bouchard. Et aux syndicats qui accusent la partie patronale d'imposer des ultimatums plutôt que de négocier, l'ancien premier ministre a répliqué qu'il ne s'agissait pas d'une «négociation traditionnelle».

«On ne négocie pas des pertes», a-t-il laissé tomber. Olymel affirme avoir perdu 50 millions depuis trois ans avec l'abattoir de Vallée-Jonction. Quant à savoir s'il restait encore une chance de sauver l'usine,M. Bouchard a répondu laconiquement: «À l'heure actuelle, je n'en vois aucune.»

Une «catastrophe»

La fermeture de Vallée-Jonction portera un coup dur à toute l'industrie du porc québécois, le plus important produit d'exportation agricole de la province avec des ventes de plus de 1 milliard de dollars en 2005.

Plusieurs jugent que l'industrie, déjà ébranlée par la montée du dollar canadien, la concurrence accrue sur les marchés de l'exportation et les maladies qui ont frappé le cheptel, joue actuellement son avenir au Québec.

Pour les éleveurs de porcs, la fermeture d'un abattoir cause un problème de taille: ils se retrouvent pris avec leur animaux. Or, avec une capacité d'abattage de 37 500 porcs par semaine, l'abattoir d'Olymel à Vallée-Jonction est tout simplement le plus important de la province.

La Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ) a déjà affirmé que la fermeture de cet abattoir serait «catastrophique».

Avec celui de Saint-Simon, dont Olymel a annoncé la fermeture pour le 30 mars, et celui d'Atraham, à Yamachiche, qui est en grève depuis octobre dernier, c'est 43% de la capacité d'abattage total de la province qui est actuellement menacée, soutiennent les producteurs.

Faute de débouchés pour leurs porcs, les producteurs ne pourraient faire autrement que de réduire leur production ou envoyer leurs animaux ailleurs.

La Fédération des producteurs de porcs a affirmé la semaine dernière qu'elle n'hésiterait pas à aller faire abattre ses bêtes en Ontario et aux États-Unis s'il le faut, avertissant qu'une fois ces ententes signées, les abattoirs québécois ne pourraient plus ravoir les porcs quand cela ferait leur affaire.

La Fédération avoue toutefois que ces décisions ne seraient pas prises de gaieté de coeur considérant les coûts de transport en jeu et le faible pouvoir de négociation d'une association prise avec un surplus de cochons.

Sans compter que l'exportation de porcs vivants aux États-Unis pourrait faire sourciller les producteurs américains, qui ne manqueraient pas d'évoquer les subventions dont bénéficient les éleveurs québécois.

«On se souvient tous du bois d'oeuvre», a lancé la semaine dernière à ce sujet Laurent Pellerin, président de l'Union des producteurs agricoles.

La décision de fermeture de Vallée-Jonction tombe au moment où Lucien Bouchard, engagé par Olymel, planche sur un plan de relance de l'entreprise qui devrait être annoncé d'ici les prochaines semaines.