La crédibilité - ou l'absence de crédibilité - du délateur Éric Asselin sera au coeur de la défense de Vincent Lacroix, au cours du procès au pénal de l'ex-président de Norbourg.

La crédibilité - ou l'absence de crédibilité - du délateur Éric Asselin sera au coeur de la défense de Vincent Lacroix, au cours du procès au pénal de l'ex-président de Norbourg.

Le premier procès de Vincent Lacroix s'est mis en marche au palais de justice de Montréal, 21 mois après les perquisitions spectaculaires qui ont fait fermer le groupe financier.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) allègue que M. Lacroix a participé à un détournement de fonds de 130 M$, mais les accusations portées sont de nature technique et d'une portée limitée.

M. Lacroix fait face à 51 chefs d'accusation d'avoir manipulé la valeur des titres de Norbourg et d'avoir fourni des informations fausses et trompeuses à l'AMF.

Mercredi, le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec, a entendu une requête dans laquelle M. Lacroix demande de casser les mandats de perquisition qui ont mené à une quinzaine de descentes chez Norbourg et ailleurs par l'AMF et la GRC le 24 août 2005.

Ces mandats de perquisition ont été obtenus sur la base de fausses déclarations d'Éric Asselin aux enquêteurs de l'AMF, a affirmé hier M. Lacroix. Et qui plus est, l'enquêteur qui a signé la déclaration savait ou aurait dû savoir qu'au moins une partie des informations fournies par M. Asselin étaient fausses, affirme M. Lacroix.

Ces descentes ont permis à l'AMF de saisir une grande quantité de documents, qui tiennent dans 250 caisses, a dit hier Me Éric Downs, le procureur de l'AMF (la GRC en a saisi cinq fois plus).

Si le juge Claude Leblond, accorde cette requête à M. Lacroix, une partie substantielle - mais pas toute - de la preuve recueillie par l'AMF sera exclue du procès.

Le juge devrait rendre une décision à ce sujet aujourd'hui (jeudi). Il a déjà écarté hier (mercredi) une bonne partie de la requête, annulant huit assignations à comparaître faites par M. Lacroix à des témoins que le juge a estimé non pertinents.

Les débats de mercredi visent seulement d'une requête préliminaire, mais on voit déjà jusqu'à quel point M. Lacroix, durant le procès, va mettre en question la crédibilité d'Éric Asselin, qui fut de 2002 à 2005 son bras droit et son principal complice chez Norbourg.

Avant de se joindre à M. Lacroix chez Norbourg comme vice-président aux Finances, M. Asselin était enquêteur à la Commission des valeurs mobilières du Québec (l'ancêtre de l'AMF).

M. Asselin, après avoir participé aux falsifications de documents pour tromper l'AMF, a dénoncé M. Lacroix à la GRC et à l'AMF en 2005, en échange d'une immunité pour ses crimes avoués.

M. Lacroix, qui se défend sans l'aide d'un avocat, a affirmé que certaines données du rapport annuel de Norbourg, décrites comme fausses par M. Asselin, étaient vraies, et que l'AMF aurait dû le savoir.

Les contestations de M. Lacroix, sur des points de preuve très pointus, montrent aussi qu'il n'a pas l'intention de concéder quoi que ce soit au procureur de l'AMF.

Les arguments entendus hier étaient très techniques et ont surtout servi à clarifier certains éléments des accusations.

La journée de mercredi aura au moins permis de démontrer que la signature de Vincent Lacroix est encore honorée par au moins une entité commerciale d'importance, et ce malgré les nombreuses falsifications qui sont reprochées au financier dans le cadre de l'affaire Norbourg.

En effet, les audiences de l'après-midi ont été interrompues par l'arrivée d'un livreur d'une grande messagerie nationale, venu porter 16 grosses boîtes de documents à M. Lacroix.

«Ah, elles étaient supposées être livrées à 10 h», a dit M. Lacroix. Le livreur a déchargé son chariot. Il a regardé M. Lacroix signer le bon de réception et les deux hommes ont échangé un sourire.

Parlant de boîtes, l'AMF n'est pas en reste, ce qui montre l'ampleur de la preuve documentaire qui sera servie au juge Leblond durant les six semaines prévues au procès. Une cinquantaine de boîtes contenant des documents jonchent déjà le côté de la poursuite, dans la salle d'audience.

«Ne vous excitez pas, il y a des doubles dans le lot», a dit Me Éric Downs, quand il a vu un journaliste de La Presse compter les contenants de carton qui forment une sorte de rempart dans lequel le procureur de l'AMF se trouve emmuré.

Par ailleurs certains investisseurs floués de Norbourg ont fait une sortie en règle contre l'AMF.

Le réseau TVA rapportait mercredi que les actionnaires des fonds Perfolio (surnommés les «fonds de riches» parce qu'ils appartiennent surtout à des professionnels) envisagent de poursuivre l'AMF pour la contraindre à augmenter les indemnisations accordées par un fonds provincial d'aide aux victimes de fraudes.

Jacques Dodier a déclaré à TVA que l'AMF cherche à refaire sa crédibilité par des poursuites, mais qu'elle «n'aide en rien» les investisseurs floués de Perfolio.