La Bourse de Montréal n'attend plus qu'un énoncé adéquat de politique environnementale du gouvernement Harper pour lancer son " marché climatique " des crédits d'émissions polluantes, a dit son président, Luc Bertrand, lors d'une conférence à Toronto, hier.

La Bourse de Montréal n'attend plus qu'un énoncé adéquat de politique environnementale du gouvernement Harper pour lancer son " marché climatique " des crédits d'émissions polluantes, a dit son président, Luc Bertrand, lors d'une conférence à Toronto, hier.

Mais pour le moment, le retard d'Ottawa à préciser ses intentions sur les gaz à effet de serre (GES) suspend la création d'un marché qui, à l'instar de bourses semblables en Europe et aux États-Unis, pourrait attendre des dizaines de milliards de dollars au Canada seulement.

Et pour la Bourse de Montréal, comme entreprise, cette situation retarde encore un projet innovateur concocté depuis un an en partenariat exclusif avec le " Chicago Climate Exchange ".

Cette bourse américaine est une pionnière du marché d'échange des crédits de GES entre des organisations plus polluantes et d'autres moins polluantes.

Ce marché permet d'attribuer une valeur financière aux efforts de réduction des GES, ce qui devient un incitatif tangible et additionnel pour les entreprises polluantes.

" L'établissement d'un marché canadien des crédits d'émissions est en fait un moyen gratuit pour les fonds publics d'accélérer la réduction des GES, au lieu d'une réglementation coûteuse. Comment un gouvernement peut-il hésiter envers ça, d'autant plus que la demande des investisseurs pour ces crédits grandit rapidement? ", a dit Luc Bertrand, lors d'une conférence des produits dérivés organisée par la Bourse de Montréal, hier à Toronto.

" Nous sommes prêts pour lancer ce marché de GES, en quelques semaines. Mais ce qui nous manque du fédéral, c'est la définition des émissions polluantes et la façon de les comptabiliser, afin de former la base de titres négociables ", a expliqué M. Bertrand.

D'ailleurs, les demandes d'entrevue de La Presse Affaires au cabinet de la ministre fédérale de l'Environnement, Rona Ambrose, sont demeurées sans réponse, hier.

C'était aussi au lendemain d'un rapport de la Commissaire à l'environnement à Ottawa, Johanne Gélinas, qui critiquait l'hésitation du gouvernement Harper en matière de lutte contre les GES et les changements climatiques.

Mais à Toronto, hier, Luc Bertrand était entouré de son homologue du " Chicago Climate Exchange ", Richard Sandor. Ce docteur en finances et en gestion est considéré comme un pionnier de l'essor des produits dérivés depuis deux décennies.

Éclipser l'Europe

À son avis, la prochaine bourse montréalaise des crédits de pollution de l'air pourrait éclipser ce qui se fait en Europe jusqu'à maintenant.

" Le Canada émet 800 millions de tonnes de polluants par an. C'est plus que les pays de l'Union Européenne qui participent à un marché des crédits d'émissions polluantes, a indiqué M. Sandor."

" Le marché canadien pourrait devenir énorme, tout en rétablissant le Canada parmi les meneurs de la lutte contre la pollution, comme il y a 10 ans. "

Selon Luc Bertrand, en considérant la cote actuelle en Europe de 20 Euros par crédit d'une tonne de gaz polluant, la valeur d'un marché de 800 millions de tonnes au Canada dépasserait les 20 milliards de dollars canadiens.

" C'est un marché qui aurait une bonne liquidité, comme le veulent les investisseurs. Il serait aussi assez gros pour qu'on y ajoute quelques produits dérivés sur le système de la Bourse de Montréal, qui est réputé comme très performants ", a indiqué M. Bertrand.

D'ailleurs, à la conférence de Toronto, des dirigeants d'entreprises et des financiers ont exprimé leur intérêt à négocier bientôt des crédits de GES au Canada.

Entre autres personnes, James Brown, conseiller en changements climatiques chez la pétrolière Shell Canada, a indiqué que " nos efforts depuis 10 ans nous ont permis de stabiliser et même de réduire nos émissions de GES malgré la croissance de nos activités."

" Mais pour aller plus loin, tant chez Shell qu'à l'échelle plus globale, nous souhaitons accéder à un marché des crédits de GES comme outil de gestion d'investissement ", a-t-il ajouté.

Pour sa part, le directeur d'une firme américaine de fonds de couverture (hedge funds) de quelques milliards a dit qu'il serait " parmi les premiers " à transiger sur le prochain marché montréalais des crédits de GES.

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