Il ne faut pas s'attendre à voir les géants pharmaceutiques quitter leurs installations actuelles dans le grand Montréal pour envahir le futur Quartier de la santé.

Il ne faut pas s'attendre à voir les géants pharmaceutiques quitter leurs installations actuelles dans le grand Montréal pour envahir le futur Quartier de la santé.

Chez Pfizer, Merck Frosst et Astra Zeneca, qui comptent à eux seuls plus de 2000 emplois dans la région, on ne démontre aucun intérêt à déménager ses pénates. Ce qui n'empêche pas leurs dirigeants de flairer de bonnes occasions d'affaires.

"Ce qui est important, c'est le développement d'une masse critique de recherche à Montréal", explique Charles Kaplan, directeur de la R&D chez Astra Zeneca. Sa compagnie a investi plus de 400 millions de dollars à Montréal, dans le technoparc Saint-Laurent plus précisément, au cours des 10 dernières années. La division québécoise de la multinationale se spécialise uniquement dans la recherche sur le contrôle de la douleur.

"À l'époque, nous avions choisi Montréal pour investir parce qu'il y avait déjà une expertise mondiale dans ce domaine", dit-il.

Après des investissements aussi massifs en périphérie, il serait irréaliste de s'attendre à ce qu'une telle compagnie déménage au centre-ville. Grâce au futur CHUM, le gestionnaire espère quand même attirer des capitaux supplémentaires, en provenance du siège social international (situé en Grande-Bretagne), dans d'autres créneaux de recherche spécialisés.

Chez Merck Frosst, dont le centre de recherche canadien est bien établi à Kirkland dans l'Ouest-de-l'Île, la conclusion est la même: on considère moins important pour une grosse compagnie de se trouver dans le pourtour des centres de recherche universitaires. Par contre, c'est un terreau très fertile pour l'éclosion de petites et moyennes entreprises.

"De la découverte d'une molécule à sa commercialisation, on parle de 8 à 12 ans, explique Jean-Luc Blais, porte-parole de la compagnie. Dans les premières années, ce sont les petites entreprises qui font le gros de la recherche même si elles n'ont ni la structure ni les moyens de passer à l'étape du développement." Par la suite, les petits doivent former des partenariats avec les plus grands afin de réaliser les essais cliniques et commercialiser leur découverte.

C'est dans cet optique que Merck Frosst et Astra Zeneca possèdent chacun un petit groupe d'employés sur le site du projet MaRS à Toronto. Ils ont pour mission de tisser des liens avec les entreprises émergentes et de dépister les candidates à succès. Aucune des multinationales n'a voulu confirmer sa présence au futur technopôle Ville-Marie pour remplir le même rôle. Elles ne rejettent pas l'idée non plus.

Mais on ne remplit pas un centre d'innovation thérapeutique avec une dizaine de représentants de compagnies pharmaceutiques. Selon toute vraisemblance, il sera aussi difficile d'y attirer leurs gros centres de recherches. Alors, qui reste-t-il?

Un autre coup d'oeil au site torontois révèle qu'un peu plus de 40% des sociétés sont des entreprises en incubation qui nécessitent une collaboration constante avec le milieu universitaire. Plusieurs autres fournissent des services à ces entreprises en démarrage : consultants publics et privés, gestionnaires de capital de risque, avocats en propriété intellectuelle, groupes de réseautage, etc.

"Il existe de nombreux préalable pour qu'une petite compagnie s'installe dans un technopôle", explique Gilles Derome, vice-président sciences de la vie au Centre d'entreprises et d'innovation de Montréal (CEIM). L'espace et les coûts de location ne sont pas les moindres. "Pourtant, le goulot d'étranglement est presque toujours le même: le manque de financement d'amorçage (seed funding)", ajoute le spécialiste en démarrage d'entreprises biotechnologiques.

Au Québec, les organismes qui apportent un soutien aux entreprises naissantes - tels le fonds McGill Sherbrooke Bishop pour l'innovation (MSBi) et le fonds de Bio-Innovation du Québec - sont peu nombreux. L'un des points cruciaux dans le plan d'affaires du technopôle Ville-Marie sera de s'assurer que les entreprises possèdent les moyens de s'établir dans leur enceinte.

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