Novabrik, une PME montréalaise, fabriquera en 2007 quelque 4 millions de briques sans mortier dans un village situé entre Prague et la Pologne.

Novabrik, une PME montréalaise, fabriquera en 2007 quelque 4 millions de briques sans mortier dans un village situé entre Prague et la Pologne.

«Nous sommes à Polińska à cause d'une histoire abracadabrante», dit son président Simon Gauthier.

Tout a commencé par une photo de briques sans mortier aperçue par Zdenĕk Krїvinka dans une foire industrielle de Munich, en 1997.

Cet ingénieur tchèque vend déjà des briques traditionnelles. Il saisit sur le champ les avantages thermiques de ce produit. Il en soupçonne également l'énorme potentiel commercial, dans son pays en plein boom immobilier.

De retour chez lui, il fabrique quelques prototypes et fait, avec succès, quelques coups de sonde auprès de constructeurs. Sans même avoir des briques à vendre en quantité, il a déjà des clients.

En 1999, il découvre que ce produit est protégé par un brevet mondial détenu par Novabrik. Il expédie un courriel pour aviser la PME montréalaise qu'il se prépare à fabriquer des briques semblables.

«Pas question! Vous êtes dans l'illégalité. Nous devons nous rencontrer dans les meilleurs délais. Sinon, nous allons vous poursuivre», répond Simon Gauthier.

M. Krїvinka décide de venir à Montréal. «Il est arrivé avec un interprète et 5000 dollars américains, toutes ses économies. Deux heures plus tard, nous avons signé une accord de licence pour la production des Novabrik dans son pays», raconte M. Gauthier.

La détermination et l'honnêteté de Zdenĕk Krїvinka avaient eu raison de ses réserves. Ce Tchèque n'avait pas fini de l'étonner...

De la main à l'usine

Lors de cette rencontre, Zdenĕk Krїvinka assure Simon Gauthier qu'il trouvera, dans son pays, l'équipement nécessaire pour fabriquer ces briques. Le Montréalais, lui aussi ingénieur, en doute. «Vous ne connaissez pas les Tchèques», lui répond son partenaire.

Toutes ses tentatives de gagner ce pari échouent. Par contre, les Novabrik se vendent comme des pains chauds.

«Pour livrer les commandes, Zdenĕk a réuni une trentaine d'ouvriers qui ont fabriqué 400 000 briques en deux ans, à la main!», relate Simon Gauthier. Pendant la même période, Novabrik vendait environ 10 000 briques aux États-Unis.

En 2001, Novabrik décide construire une usine à Polińska, après une étude de marché concluante menée avec l'appui de la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Le projet de 2 millions de dollars est financé par la PME avec l'aide d'une subvention de 450 000.$ du programme Renaissance de l'Agence canadienne de coopération internationale.

À l'automne 2003, un incendie détruit en quasi-totalité l'usine en construction. Novabrik décide de redémarrer le chantier. Les nouvelles installations sont – enfin- inaugurées au printemps 2004. Depuis, les ventes sont en hausse constante et l'ouverture d'un quart de travail en soirée est prévu pour bientôt.

«Sans cette histoire abracadabrante, je n'aurais sans doute jamais fait affaire dans cette région du monde. Depuis l'entrée de la République tchèque dans l'Union Européenne, l'usine vaut déjà 50% de plus qu'en 2003. Et ça ne fait que commencer», se réjouit Simon Gauthier.

Une affaire de famille

Plus d'une trentaine de résidants de Polińska et des environs travaillent chez Novabrik sous la direction de plusieurs membres de la famille de Zdenĕk Krїvinka. Son fils David est directeur de production.

L'ingénieur de 46 ans tient mordicus à cette gestion familiale.

«En 1989, tous les dirigeants des sociétés d'État ont retourné leur veste et sont devenus des défenseurs du nouveau régime du jour au lendemain. Je me méfie de ces anciens communistes convertis. Le problème, c'est qu'il est de plus en plus difficile de les identifier. En famille, on sait à qui on a affaire» explique-t-il.

Zdenĕk Krїvinka avait sept ans au moment de l'invasion soviétique. Comme il vivait dans une région agricole, il est devenu un ingénieur spécialisé dans la construction des bâtiments de fermes. Ainsi le voulait le «plan».

Avant 1989, il a visité Prague seulement deux fois, une ville pourtant à deux heures de son village. Pas le temps, pas le droit, pas l'argent.

«À l'Université, nous n'avions pas d'ordinateurs. Au travail, nous utilisions des technologies russes désuètes. Ma formation d'ingénieur m'a appris à apprendre, c'est tout», dit-il.

C'est tout? Zdenĕk Krїvinka parle maintenant l'anglais et maîtrise l'informatique. Il a même développé un nouveau modèle plus léger de brique sans mortier. En toute légalité, cette fois.