43 ans. Aucune épargne de retraite. Depuis huit ans, Martine en a été incapable.

43 ans. Aucune épargne de retraite. Depuis huit ans, Martine en a été incapable.

Son mari, travailleur autonome, a fait faillite en 1999. «Comme j'avais endossé sa marge de crédit et un autre prêt, je me suis moi-même retrouvée dans une situation peu enviable, mais j'ai pu sauver la maison en faisant une proposition concordataire que j'ai mis cinq ans à régler», narre-t-elle.

Entre-temps, une autre malchance était survenue.

En janvier 2002, alors qu'il s'apprêtait à lancer une nouvelle petite entreprise après un retour aux études, son conjoint a été victime d'un grave accident de voiture dont les séquelles l'empêchent depuis de travailler.

«Je suis donc devenue par la force des choses soutien de famille», relate Martine, qui a également un enfant de douze ans à charge. «J'ai appris à respecter un budget serré, sans la latitude de recourir au crédit au besoin.»

Elle touche un revenu annuel de 81 000 $ mais ne dispose d'aucun régime de retraite avec son employeur. «Je doute que commencer à investir maintenant dans un REER me permette de nous assurer une retraite confortable à 65 ans», s'inquiète-t-elle.

Elle songe plutôt à acquérir un immeuble d'habitation de six logements. Son conjoint, très habile, pourrait prendre en charge l'entretien de l'immeuble. Son état lui autoriserait ces tâches occasionnelles.

Pour réaliser ce projet, la banque de Martine suggère une marge de crédit hypothécaire sur la maison familiale. D'une valeur d'environ 250 000 $, la propriété est grevée pour trois ans encore d'un petit solde hypothécaire de 36 000 $.

Ce confortable actif pourrait financer une mise de fonds de 15 % pour un immeuble de 350 000 $ à 400 000 $ à Longueuil, estime Martine.

«Mais j'hésite, confie-t-elle, ayant l'habitude de vivre sans autre dette que celle de la maison et de l'auto.»

Prendre son temps

«Aller plus vite, quand on est parti en retard, est toute une tentation!», commente François Morency, planificateur financier et président d'Aviso, les conseillers financiers.

L'immobilier semble alors le raccourci rêvé.

Mais il ne faut pas attendre de miracle, insiste notre spécialiste. «On ne doit pas oublier qu'une partie du rendement provient du salaire que le propriétaire ne prend pas pour son travail», rappelle-t-il.

Un coup d'oeil sur le marché immobilier sur la Rive-Sud lui a confirmé que l'achat d'un immeuble de six logements dans une fourchette de 350 000 $ à 400 000 $ était réaliste.

«Nous sommes toutefois dans un marché contaminé par une surenchère importante», prévient-il. Avec un loyer moyen de 550 $, un immeuble de six logements rapporterait des revenus de location d'environ 40 000 $ par année.

Un prix d'achat de 400 000 $ correspond à 10 fois ces revenus. C'est là un rapport élevé «qui signifie que Martine risque de ne pas avoir de véritable rendement, et peut-être d'encourir une petite perte», indique M. Morency.

En effet, si un ou deux appartements demeurent vacants, elle devra essuyer un manque à gagner de 550 $ à 1100 $ par mois.

Par ailleurs, pour verser la mise de fonds nécessaire, la banque de Martine lui propose une marge de crédit hypothécaire, dont le remboursement s'ajouterait à son hypothèque actuelle.

«Puisque Martine est le seul soutien actuel et que son budget occupe presque l'ensemble de son salaire, il est plus prudent d'attendre d'avoir fini de rembourser l'hypothèque avant de faire tout mouvement», conseille M. Morency.

Cette circonspection est d'autant plus justifiée que les experts consultés par notre planificateur prévoient une correction du marché immobilier au cours des prochaines années. «C'est une bonne nouvelle pour Martine, dit-il: la patience va payer.»

Il ne faut pas pour autant se croiser les bras. Le planificateur suggère dès maintenant le versement de 200 $ par mois dans son REER. Martine aura ainsi fait une cotisation de 2400 $ pour 2007.

Le remboursement d'impôt consécutif de 1150 $ sera ajouté à l'épargne de l'année suivante, pour une cotisation totale de 3550 $ en 2008. Avec un rendement de 5 % et en maintenant cette discipline — 200 $ par mois et réinvestissement des économies d'impôts—, Martine aura accumulé quelque 91 000 $ en 2020.

Opération immobilier: première étape

En 2010, quand l'hypothèque de la résidence familiale aura été soldée, Martine pourra songer à investir dans l'immobilier. François Morency énumère à ce propos quelques recommandations.

Martine devra choisir un immeuble de six logements, en bon état et bien situé, dont l'électricité et le chauffage seront à la charge des — bons! — locataires.

Elle devra payer un prix équivalant à huit fois les revenus au maximum. Pour des loyers totalisant 40 000 $ par année, elle devrait donc se limiter à un prix de 320 000 $.

«Une bonne partie du profit de l'immobilier se fait au moment de l'achat — une bonne qualité à bon prix», professe François Morency.

La mise de fonds devrait atteindre 25 %, pour éviter la prime d'assurance de la SCHL. Elle serait financée par une nouvelle hypothèque sur la maison familiale.

Le paiement prendrait au budget la place du versement hypothécaire actuel, à la différence que les intérêts seraient déductibles d'impôt.

Une mise de fonds plus élevée permet en outre de diminuer les versements hypothécaires sur l'immeuble d'habitation, ce qui diminue le risque de déficit en raison des vacances de logement.

Enfin, la période d'amortissement devrait être fixée à 20 ans plutôt qu'à 25. Ainsi, après 10 ans, soit en 2020, le solde hypothécaire aurait baissé à la moitié du prix d'achat.

Pour un immeuble payé 300 000 $, ces critères permettraient à Martine de tirer des profits de près de 8000 $ par année, une fois soustraits les dépenses d'exploitation, le paiement hypothécaire et une provision en cas de vacance de logement.

Immobilier, deuxième étape

En supposant une plus-value annuelle de 5 %, l'immeuble payé 300 000 $ vaudrait 489 000 $ en 2020.

C'est alors qu'interviendrait la deuxième étape du programme immobilier de Martine. Grâce à l'actif net accumulé sur son immeuble, elle pourrait renouveler son hypothèque en ajoutant un emprunt de 200 000 $ à son solde hypothécaire. Cette somme serait appliquée en mise de fonds — toujours 25 % — pour l'achat d'un second immeuble d'une valeur de 800 000 $.

«Avec un peu de discipline, un peu de comptabilité et de patience, la valeur nette de Martine augmentera d'une façon importante avec le temps», soutient François Morency. En 2020, à 56 ans, Martine aurait ainsi déjà accumulé, avec ses épargnes et ses deux immeubles, des actifs d'une valeur nette de 395 000 $. «À 65 ans, elle sera près d'une retraite planifiée et réalisée, énonce notre expert. Le raccourci aura fonctionné.»