Le gouvernement du Québec a adopté en décembre un projet de loi qui obligera les conseils d'administration des sociétés d'État à être constitués à parts égales d'hommes et de femmes d'ici cinq ans.

Le gouvernement du Québec a adopté en décembre un projet de loi qui obligera les conseils d'administration des sociétés d'État à être constitués à parts égales d'hommes et de femmes d'ici cinq ans.

Une initiative qui exercera une pression certaine sur le secteur privé pour qu'il emboîte le pas.

La mesure a été saluée par plusieurs, dont les deux plus importantes centrales syndicales au Québec, la FTQ et la CSN. Elles croient nécessaire d'imposer des quotas aux conseils d'administration pour accroître la représentation féminine.

Les femmes d'affaires estiment elles aussi qu'un coup de pouce est nécessaire. «Je ne suis pas toujours en faveur des quotas, mais dans ce cas, il faut mettre une obligation si on veut que les choses changent», indique Johanne Devin, pdg de la Société de mathématiques appliquées (SMA) et membre du Réseau des femmes d'affaires du Québec.

Selon elle, compte tenu de la lenteur avec laquelle les entreprises intègrent les femmes à leur conseil, il aurait fallu attendre très longtemps avant que la parité se fasse naturellement.

Les femmes compétentes sont loin d'être une denrée rare. Le bottin produit par l'organisme Femmes de Tête en témoigne. Il répertorie plus de 600 Canadiennes aptes à siéger à des conseils d'administration, et de ce nombre, 165 sont des Québécoises.

«Il n'y a plus de défaites pour ne pas plonger. Les femmes doivent s'impliquer», affirme Chantal Arguin, pdg du Groupe Trifide, qui se spécialise en géomatique et en cartographie numérique.

L'impact des femmes

La présence d'administratrices est également un avantage pour les sociétés. Une étude de la Richard Ivey School of Business de l'Université Western Ontario souligne que cette diversité apporte une multiplication des points de vue et suscite plus de discussions. Des échanges qui entraînent souvent une meilleure prise de décision.

Selon les auteurs, pour que l'apport des femmes à un conseil d'administration fasse une différence, il faut qu'elles soient en nombre significatif. Une seule femme n'est pas suffisante.

Deux femmes à un conseil est une amélioration, mais certains continuent d'y voir une conspiration féminine. Le chiffre magique serait trois. À partir de ce nombre, conclut l'étude, les femmes font partie du groupe à part entière et leur présence améliore la gouvernance.

Si Johanne Devin est souvent la seule femme dans les réunions de groupe, elle ne se sent pas mise à l'écart pour autant. «Je n'ai jamais eu de problème, même si j'évolue dans un milieu très masculin», insiste-t-elle. Elle remarque plutôt que «l'esprit de confrérie» règne et qu'elle est souvent la fille dans une gang de gars. «Ils ne m'inviteront pas à la pêche, c'est sûr, et c'est correct comme ça !» dit la pdg.

Dominique Bélanger, vice-présidente et directrice générale de Radar Communications et Affaires publiques, croit aussi que les affaires se font maintenant indépendamment du sexe de l'interlocuteur.

«C'est important pour les entreprises d'avoir des hommes et des femmes qui partagent le pouvoir, car nous sommes complémentaires. Les femmes sont aussi visionnaires que les hommes, mais elles vont l'appliquer différemment», explique la femme d'affaires aguerrie.

Dans son étude, la Richard Ivey School of Business de l'Université Western Ontario précise les raisons pour lesquelles les femmes font une différence dans l'administration des affaires.

Elles favorisent le travail d'équipe et les discussions, elles ont une grande écoute et recherchent des solutions gagnant-gagnant pour tous. Aussi, les femmes vont plus facilement s'attaquer à des problèmes délicats, apportent de nouveaux points de vue et se préoccupent davantage des responsabilités sociales et environnementales.

Un constat qu'appuie sans réserve Régis Labeaume, pdg de la Fondation de l'entrepreneurship. «Je suis un fan des femmes!» lance-t-il, avant d'ajouter, plus sérieusement, que leur enthousiasme est une qualité qu'il admire.

«Je regarde aller les entrepreneures et elles m'épatent. J'aime beaucoup l'intelligence sensible des filles et leur vision globale», dit M. Labeaume, qui précise que les femmes sont derrière plus de la moitié des nouvelles entreprises.

La conciliation entre la vie de famille et la vie professionnelle est une autre préoccupation importante des femmes. Et lorsqu'elles sont dans des postes de direction, elles n'hésitent pas à mettre en place des mesures facilitantes.

«On comprend, quand l'école ou la garderie appelle pour que le parent aille chercher son enfant», illustre Chantal Arguin, qui a été la première femme à être élue présidente de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec en 2000. Chez Groupe Trifide, Mme Arguin offre un horaire flexible à ses employés et est prête à faire des concessions pour les accommoder.

«Si mes employés ne sont pas heureux, je n'y gagne pas», croit la dynamique pdg.

«Les femmes sont en avance sur la conciliation travail-famille, souligne Régis Labeaume. Les employeurs qui ne comprennent pas cette réalité vont avoir un gros problème.»