Il faut parler à quelqu'un d'autre qu'à Placide et David Poulin, ex-dirigeants de MAAX, pour entendre des jérémiades sur le triste sort des entreprises cotées en Bourse et sur les "méchants" analystes.

Il faut parler à quelqu'un d'autre qu'à Placide et David Poulin, ex-dirigeants de MAAX, pour entendre des jérémiades sur le triste sort des entreprises cotées en Bourse et sur les "méchants" analystes.

Le père et le fils insistent malgré tout: "Il faut savoir quand et pourquoi entrer. Et quand en sortir".

"La Bourse oblige à une discipline dans la gestion que toutes les entreprises devraient avoir. Quand tu as des perspectives de croissance, c'est un très bon véhicule, même s'il oblige à une paperasse très astreignante", dit Placide Poulin.

"Quand tu optes pour aller public, tu dois gérer pour tes actionnaires et apprendre à vivre avec les attentes des analystes. En général, ils suivent assez bien les entreprises mais il ne faut pas gérer pour eux. C'est le pdgqui doit caller la shut, dit-il.

Les actionnaires et les analystes qui ont suivi MAAX en ont eu pour leur argent, à tous points de vue.

À son entrée en Bourse, en 1987, le petit fabricant de baignoires de Sainte-Marie de Beauce a un chiffre d'affaires de 6 millions $. Dix-sept ans plus tard, en 2004, MAAX est vendue à Rinse Holdings pour 640 millions $, qui en fait une entreprise à capital fermé.

Dans l'intervalle, MAAX était devenu le leader des baignoires à remous et des douches au Canada et arrivait au troisième rang en Amérique du Nord.

Les actions, d'une valeur de 2,50 $ en 1987, ont été payées 22,50 $ à la vente. "Comme il y avait eu un fractionnement (deux pour un) quelques années plus tôt, elle valait en fait 45 $", dit fièrement le fondateur.

Pendant toutes ces années, MAAX n'a jamais fait de réduction massive de personnel, au contraire. "Nous sommes passés de 200 employés à 3800 employés. Les plus anciens étaient extrêmement fiers de voir l'entreprise croître", dit M. Poulin.

Aller toujours plus haut, c'est précisément ce qu'il voulait. Il y est parvenu grâce à la croissance interne et 16 acquisitions.

En 1987, Placide Poulin s'est donné comme objectif d'atteindre 100 millions $ de chiffres d'affaires. Il l'a atteint en 1995. À 175 millions $, il s'est mis à viser le 1 milliard $.

Il s'est arrêté en route. "Il faut savoir quand entrer en Bourse. Il faut aussi savoir quand partir. La croissance n'est pas illimitée. Le plafond s'en venait. D'ailleurs, ceux qui ont acheté l'entreprise ont commencé à rationaliser", observe M. Poulin.

La nouvelle MAAX, la société à capital fermé, vient d'annoncer la fermeture d'une usine à Laval, entraînant 400 mises à pied.

La nouvelle génération

Avec les 66 millions $ de la vente de MAAX et les autres accumulés en cours de route, Placide Poulin a créé le Groupe Camada, une société de portefeuille.

Le père joue les anges financiers et continue de brasser des affaires. Il privilégie l'achat d'entreprises privées, "parce que les multiples sont plus bas", explique-t-il.

Les enfants, eux, préparent la prochaine aventure.

"Nous attendons la bonne affaire. Nous venons du secteur manufacturier. Notre profil est celui d'opérateurs qui aiment bien les plans d'affaires de croissance", dit son fils David , 40 ans l'ancien vice-président des opérations chez MAAX.

La future entreprise sera-t-elle publique ou privée ? "C'est prématuré. Il faut aller en Bourse pour les bonnes raisons, soit pour accélérer la croissance ou parce que l'un des principaux partenaires veut partir", rappelle-t-il.

Chose certaine, la deuxième génération de Poulin n'ira jamais en Bourse avec une PME dont le chiffre d'affaires serait de 12 millions $ ou moins.

"Avec les nouvelles règles de gouvernance et les coûts de maintien en Bourse, et l'obligation de rendre des comptes publiquement aux trois mois, les PME de petites tailles qui deviennent publiques se donnent des contraintes additionnelles inutiles", insiste David Poulin.

L'environnement économique a connu d'autres changements susceptibles de le faire hésiter. "Aujourd'hui, c'est possible de financer sa croissance autrement, même au Québec. Nous avons ici de grands fonds privés, comme la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité de la FTQ."

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