Petit exercice: dans un centre de jardinage, vous achetez un jeune févier Honeylocust en pot, au prix de 80 $. Si vous êtes pressé, vous pourriez vous procurer le même arbre, avec quatre ans de croissance de plus, pour 320 $.

Petit exercice: dans un centre de jardinage, vous achetez un jeune févier Honeylocust en pot, au prix de 80 $. Si vous êtes pressé, vous pourriez vous procurer le même arbre, avec quatre ans de croissance de plus, pour 320 $.

En théorie, après quatre ans, votre arbre de 80 $ vaudra donc 320 $. Il s'agit d'un accroissement de 41 % par année. Peu de placements, s'il en est, procurent ce rendement.

D'accord, la comparaison n'est pas parfaite et l'argument est anecdotique. Vous ne pourrez revendre votre arbre sur le marché boursier. Mais il demeure que dans le monde végétal, le temps vaut de l'argent. Si votre arbre de 80 $ vous permet de vendre votre maison 4000 $ de plus dans 20 ans, le rendement annuel est de 22 %. Bref, l'avenir appartient à ceux qui plantent tôt.

Quand il s'agit d'évaluer la valeur marchande d'une propriété on ne se préoccupe pas de la valeur individuelle d'un arbre. Par contre, on peut l'établir avec une grande précision dans les cas d'expropriation, alors que l'évaluateur établit ce qu'on appelle la «valeur au propriétaire», c'est-à-dire la valeur maximale de la propriété, en regard de ce que son propriétaire y a investi.

«C'est une situation de vente forcée», explique l'évaluateur Fabien Prud'homme, de la firme Poisson Prud'homme. «Il faut dédommager le propriétaire sans l'enrichir pour le replacer dans la même situation qu'auparavant.»

Un ouvrage très fouillé, le Guide d'évaluation des végétaux d'ornement, permet d'établir la valeur d'un arbre en fonction de son essence, de son âge, de ses dimensions, de la qualité de son feuillage

C'est à l'aide de cette méthode que l'ingénieur forestier Christopher Chapman, du Groupement Forestier du Haut-Yamaska, a accordé à un érable rouge une valeur de 6800 $, à Bedford, en 2003.

«Il ne faut pas oublier qu'un propriétaire ne peut pas vendre son bien et toucher à cet argent, insiste M. Chapman. C'est seulement en cas de dommages feu, expropriation qu'il pourra voir l'argent. Généralement il préférera garder son arbre!»

Cette valeur dépendra aussi de la propriété devant laquelle il est planté. «Selon le guide, les végétaux peuvent contribuer jusqu'à 20 % de la valeur d'une propriété, et les arbres, jusqu'à 15 %», précise Christopher Chapman. L'évaluateur n'accordera donc pas aux arbres une valeur totale excédant cette proportion.

L'ingénieur forestier Éric Rey-Lescure, qui a collaboré à la version québécoise du Guide d'évaluation des végétaux d'ornement, s'est prêté pour nous à l'exercice d'évaluer la valeur d'un érable argenté de 50 cm de diamètre et d'environ 60 ans.

Après un long calcul dont vous trouverez le cheminement dans le tableau ci-joint, il en arrive à la valeur de 1995 $, pour un arbre de condition moyenne placé dans des conditions correctes.

«Mais qu'on le veuille ou non, la valeur de notre arbre est assujettie au marché», explique-t-il. La valeur d'un même arbre variera selon sa situation géographique et sa position sur le terrain.

«Si je n'avais qu'un seul message, conclut M. Rey-Lescure, ce serait celui-ci: plantez le bon arbre au bon endroit.»