"La concentration de pouvoirs est la source du plus grand nombre de fraudes et d'abus fiduciaires dans la gestion d'actifs."

"La concentration de pouvoirs est la source du plus grand nombre de fraudes et d'abus fiduciaires dans la gestion d'actifs."

Ce constat cité dans un rapport soumis au gouvernement du Québec par une coalition d'experts issus des milieux universitaire et privé, la "Coalition pour la protection des investisseurs".

Son porte-parole, Robert Pouliot vice-président du Centre d'excellence fiduciaire (CEFEX), a soutenu dans une entrevue éditoriale au Soleil que, si une séparation efficace des fonctions avait été de mise, l'affaire Norbourg aurait probablement pu être évitée.

Un fonds commun de placement (FCP souvent appelé fonds mutuel) compte en général six intervenants ou six fonctions : le gérant ou promoteur, le fiduciaire, le gestionnaire ou société de gestion, le gardien des valeurs, le dépositaire et enfin le vérificateur.

Pour des raisons économiques, les fonctions sont souvent remplies par les mêmes intervenants.

"Six intervenants, cela fait beaucoup, au point où personne ne se sent plus responsable de la protection des intérêts de l'investisseur et de la pérennité du véhicule de placement", selon le groupe d'experts.

Par contre, en Europe on n'utilise pas de fiduciaire. Mais le dépositaire qui gère l'argent liquide des investisseurs et agit comme conservateur de titres joue un rôle beaucoup plus important. Il sert en quelque sorte de contrepoids face au gestionnaire et supervise la régularité des opérations de gestion.

Au Québec, un document de consultation gouvernemental identifie parmi les problématiques des FCP le cumul des fonctions qui inquiète un nombre croissant d'observateurs.

Une nouvelle réglementation qui entrera en vigueur le mois prochain obligera l'ajout à la structure des fonds d'investissement d'un septième intervenant, le Comité d'examen indépendant (CEI) pour surveiller et neutraliser les conflits d'intérêts.

Mais cela "ne suffira pas à colmater les brèches du système actuel", selon la coalition.

"Il est impératif, à son avis, de renforcer l'imputabilité des gestionnaires en exigeant d'eux la constitution d'un conseil d'administration composé d'une majorité d'indépendants et d'experts. La coexistence de ce conseil et des CEI permettra de renforcer l'équilibre de la gouvernance et de la vigilance."

L'exemple américain démontre que l'institution d'un conseil d'administration par fonds n'a pas permis d'éviter tous les scandales financiers à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Des pouvoirs accrus pour le fiduciaire, ajoute Robert Pouliot, pourraient compenser ceux du gérant-gestionnaire qui est souvent la même personne morale et qui domine tout. Et ces fonctions sont "sous-régulées" comparativement à d'autres services financiers.

Il faut repenser ce "tour de table", affirme Robert Pouliot.

Il ne faut pas permettre à la même personne morale d'agir à la fois comme gestionnaire et fiduciaire. "L'attribution de ces deux fonctions à des personnes distinctes est cruciale au contrôle et à la surveillance du gestionnaire".

ltanguay@lesoleil.com

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