Certains produits ont une vie particulièrement intense. Prenons le cas de la Black Label, qui est passée, en l'espace d'une campagne publicitaire, d'une bière marginale à l'emblème d'une génération.

Certains produits ont une vie particulièrement intense. Prenons le cas de la Black Label, qui est passée, en l'espace d'une campagne publicitaire, d'une bière marginale à l'emblème d'une génération.

La Black a incarné son époque, la fin des années 80, avec une image provocante, androgyne, psychotronique. Puis, elle a lentement disparu au tournant de l'autre décennie, celle du grunge, celle de Clinton. Voilà pour sa mort clinique. Mais quelle vie tout de même !

Pour Luc Dupont, professeur de publicité à l'Université d'Ottawa, le succès de la Black Label réside dans l'une des campagnes publicitaires les plus audacieuses au Québec.

«C'était très risqué, l'aventure Black Label, indique-t-il. On est allé très loin. C'était la première fois qu'une entreprise se payait au complet les bandes de la patinoire lors d'un affrontement Canadien-Nordiques.»

Dans certains matchs, O'Keefe, qui commercialisait la bière, s'était même payé le luxe de présenter les mises en jeu... en noir et blanc. Clin d'oeil au slogan «En noir et black».

«C'était aussi la première fois qu'on mettait en scène des hommes au torse nu, des hommes-objets. En quelque sorte, ils étaient l'ancêtre des métrosexuels», précise le professeur.

Tout commence au milieu des années 80. La Black Label n'est pas tellement populaire.

«Au début, c'est pas compliqué, on en buvait dans trois bars de Québec, dont l'Ostradamus», indique Luc Dupont.

La Black est la mal-aimée. Lors des tests de goût, on trouve qu'elle est forte, bien loin des blondes américaines, qui pullulent sur le marché.

Puis, O'Keefe décide de trouver une manière de la commercialiser. On choisit une image à des années-lumière des autres bières. La Black Label sera la bière des artistes. De l'underground. Avec peu de couleurs, du noir, du blanc, un peu de rouge sang.

«Les pubs étaient copiées sur celles de Calvin Klein», précise Luc Dupont.

La campagne est un vif succès. La Black devient la bière in des milieux intellos, universitaires et artistiques.

«Je me rappelle, on la buvait sur la rue Saint-Denis à Montréal. On avait l'impression d'être un petit club fermé, d'être uniques», affirme Yvon Brossard, vice-président à l'agence Cossette.

La Black répond à son époque. Les pubs télé font place à un style délavé comme les premiers vidéoclips, retouchées par une bande sonore new wave.

Mais rapidement, elle est victime de son succès. L'image de la Black se veut marginale et différente, mais elle est devenue une bière populaire. C'est le début de la fin.

«À partir du moment où mon oncle est arrivé avec de la Black dans les partys de Noël, cela signifiait sa mort», tranche Luc Dupont.

Avec le rachat d'O'Keefe par Molson à la fin des années 80, la Black devient marginale et retourne à la case départ. Un retour aux sources, en quelque sorte... Olivier Bourque

L'image de la Black se veut marginale et différente, mais elle est devenue une bière populaire. C'est le début de la fin