Philippe a vu le prix de la propriété croître plus vite que sa capacité à y accéder. Âgé de 33 ans, cet enseignant habite un logement dans la couronne nord de Montréal.

Philippe a vu le prix de la propriété croître plus vite que sa capacité à y accéder. Âgé de 33 ans, cet enseignant habite un logement dans la couronne nord de Montréal.

«La hausse spectaculaire du prix des propriétés depuis quelques années m'a fait sans cesse repousser le projet d'investir, malgré la publicité, les immenses pressions sociales — parents, amis, collègues — et des institutions financières, constate-t-il. Bref, je me sens quelque peu découragé face à cette bulle immobilière et j'arrive mal à y voir clair.»

Philippe touche pourtant un salaire respectable de 52 000 $ par année, qui augmentera graduellement pour atteindre 61 000 $ dans six ou sept ans. Il détient 15 000 $ en REER et 7200 $ en placements non enregistrés, et il estime pouvoir encore épargner 6000 $ d'ici l'été 2008.

«Il y a quelques années, mes collègues qui ont la même échelle salariale que moi ont pu s'acheter une maison pour 90 000 $», observe-t-il. Il aimerait se procurer une maison en rangée ou jumelée. Il n'écarte pas l'idée d'un immeuble locatif qui lui procurerait quelques revenus, mais il admet n'être pas bricoleur.

Problème — ou irritation — supplémentaire, il vit seul, et ne peut donc compter que sur son seul salaire pour assumer les mensualités d'une maison.

«Sans tomber dans le courrier du coeur, il faut reconnaître que la situation matrimoniale influence beaucoup la situation financière, déplore-t-il. Tout ce jeu d'investissement immobilier semble fait sur mesure pour les couples.»

«L'achat d'une propriété est-elle financièrement viable, compte tenu de leur prix et du fait que je vive seul?»

Calculs...

«Avant de parler de chiffres, je pense qu'il est important de régler le courrier du coeur», lance Richard Proulx, planificateur financier du Groupe Investors de Laval. «Il est certain que si Philippe avait une conjointe avec un revenu et des économies, les recherches seraient moins limitées et les mensualités seraient plus faciles à assumer, mais il faut travailler avec les facteurs actuels.»

Dans ce contexte, il lui recommande d'abord d'écarter l'idée d'un immeuble locatif. «Advenant que ses logements ne soient pas loués ou que des réparations imprévues surviennent, il n'aurait pas de réserves suffisantes pour absorber le coup», avise le planificateur.

Il suppose plutôt que Philippe achètera en juillet 2008 une maison unifamiliale... en unipropriété. Pour sa démonstration, il pose l'hypothèse d'un taux d'intérêt de 5,5 % pour un amortissement de 25 ans, et d'impôts fonciers de 2900 $ par année, soit 242 $ par mois.

En fonction du revenu annuel de Philippe, une institution financière lui accorderait un prêt maximal d'environ 157 000 $, calcule Richard Proulx.

Avec une mise de fonds de 5 %, et en ajoutant à l'emprunt la prime d'assurance prêt hypothécaire, il pourrait donc se procurer une propriété d'une valeur maximale de 161 000 $. Ce sera notre base de comparaison.

«Reste à savoir quel sera le paiement mensuel de son hypothèque, qui dépend de la mise de fonds qu'il versera», commente le planificateur.

Comment influe-t-elle sur ses mensualités? Le tableau suivant nous l'indique.

Une mise de fonds de 5 %, soit 8050 $, produit une mensualité de 1201 $, impôts fonciers inclus. «On dépasse donc la limite de 1000 $ par mois que Philippe s'était fixée», observe M. Proulx.

Philippe peut-il accumuler davantage d'ici juillet 2008?

Il prévoit économiser 500 $ par semaine au cours de la prochaine année. De ces 6000 $, Richard Proulx lui suggère de verser 5000 $ dans ses REER d'ici février prochain. Les 1000 $ restants s'ajouteront à ses placements non enregistrés.

En juillet 2008, Philippe aurait ainsi amassé 20 000 $ dans son REER, qu'il pourrait appliquer à l'achat d'une première maison, en vertu du Régime d'accession à la propriété (RAP).

En y ajoutant ses 8200 $ d'économies non enregistrées et le remboursement d'impôt de 2000 $ que lui aura procuré cette cotisation au REER, il disposerait d'une somme de 32 200 $.

«S'il veut vraiment acheter une maison, indique Richard Proulx, je recommande à Philippe de verser une mise de fonds de 15 %, soit 24 150 $». Il conserverait ainsi un peu plus de 6000 $ pour les frais d'aménagement — notaire, déménagement, décoration...

Malgré cet effort, la mise de fonds de 15 % entraîne un versement mensuel total de 1092 $, légèrement au-dessus de la limite fixée par Philippe.

«Son projet est donc viable, mais c'est serré, commente notre expert. On étire l'élastique au maximum, et comme planificateur financier, je trouve que cette situation n'est pas saine. Les fins de mois de Philippe seront difficiles, si on les compare à son loyer actuel de 525 $ par mois.»

Philippe ne serait plus en mesure d'épargner les 500 $ qu'il met de côté chaque mois, et il se montrerait vulnérable aux imprévus.

«Les acheteurs de premières maisons font souvent l'erreur de ne regarder que le paiement mensuel de l'hypothèque et des taxes, prévient encore notre expert. Ils oublient que les frais fixes de chauffage, d'électricité et d'entretien sont souvent beaucoup plus élevés qu'avec un logement. Acheter une maison est davantage une question de qualité de vie que d'investissement!»

Il recommande donc à Philippe de retarder son projet de quelques années encore et d'épargner davantage, ou encore de s'intéresser aux propriétés plus périphériques, voire rurales, dont le prix et les impôts fonciers sont moins élevés.

Plus il réduira ce plafond de 161 000 $, plus sa situation sera viable.

Et entre-temps, conclut-il, il ne faut pas écarter la possibilité qu'il rencontre l'âme soeur...