L-3 MAS Canada, une entreprise de Mirabel, a fait l'erreur un jour de renvoyer des pièces militaires réparées à l'Australie en les faisant transiter par Los Angeles. Elles y ont été bloquées pendant un an.

L-3 MAS Canada, une entreprise de Mirabel, a fait l'erreur un jour de renvoyer des pièces militaires réparées à l'Australie en les faisant transiter par Los Angeles. Elles y ont été bloquées pendant un an.

Ce sont les ITAR qui ont frappé.

Lorsque le président de L-3 MAS, Sylvain Bédard, rédige des données et les envoie au constructeur d'hélicoptères américain Sikorsky, il ne peut plus y avoir accès par la suite pour les modifier.

Encore les ITAR.

Lorsque le comité consultatif de la filiale américaine du fabricant de simulateurs de vol CAE traite de certains sujets sensibles, le grand patron de l'entreprise, Robert Brown, doit sortir parce qu'il est Canadien.

Toujours les ITAR.

Lorsque CAE engage quelqu'un, elle doit s'enquérir de sa citoyenneté avant de l'affecter à des projets sensibles.

Les ITAR, pour International Traffic in Arms Regulations, sont des règles américaines qui visent à empêcher que des informations sensibles sur la technologie militaire américaine ne tombent entre des mains ennemies.

Elles risquent maintenant de constituer un obstacle de taille pour les entreprises canadiennes qui espèrent bénéficier des retombées industrielles liées aux achats militaires du gouvernement canadien.

" Personnellement, je crois que les ITAR, c'est aussi pire que le bois d'oeuvre, affirme Sylvain Bédard. Mais c'est un problème moins connu du public parce qu'il s'agit de défense. "

" Les ITAR, ce n'est pas un nouvel obstacle qui va empêcher les gens d'avoir accès à un marché qui leur appartient traditionnellement, déclare William Thompson, un dirigeant de la firme de consultation montréalaise Aerospace Development Corporation. Ce sont ceux qui veulent arriver comme nouveaux joueurs dans ce marché qui pourront avoir un problème. "

Or, peu de sociétés québécoises se sont frottées au monde de la défense jusqu'ici parce que les grands donneurs d'ordre au Québec, les Bombardier, Pratt & Whitney Canada et Bell Helicopter, oeuvrent principalement dans le domaine civil.

Pour avoir accès à certains contrats américains, il faut se conformer aux ITAR, un processus qui peut être lourd et très long. " Il faut faire une demande au département d'État par le biais d'une entreprise américaine, raconte M. Bédard. Dans notre cas, ça a été Boeing. Or, le département d'État manque de personnel et il a des piles et des piles de dossiers. Ça peut prendre un bon six mois. "

À cause de ces délais, une entreprise peut carrément manquer le bateau, déclare M. Thompson.

Le système est si complexe que les entreprises américaines risquent d'y penser à deux fois avant de confier des sous-contrats à des entreprises canadiennes, craint Ron Kane, vice-président de l'Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC).

" Les entreprises américaines s'exposent à des sérieuses conséquences si elles violent les ITAR, explique-t-il. Elles peuvent décider de jouer de prudence et de se limiter à des fournisseurs américaines. "

Il y a également des problèmes au niveau des exigences mêmes du département d'État: ainsi, il ne donnera pas son approbation si des employés de l'entreprise canadienne sont des citoyens de pays inscrits sur une liste noire, comme la Chine ou l'Iran, même s'ils sont également citoyens canadiens.

La vice-présidente aux communications de CAE, Nathalie Bourque, explique qu'une personne ayant une citoyenneté d'un pays sur la liste noire des ITAR peut être engagée, mais ne pourra pas travailler sur certains contrats.

Elle défend la pratique de CAE lors de l'embauche. " Si nous ne faisons pas cela, il faudra faire faire le travail à notre usine aux États-Unis, affirme-t-elle. Ou encore, nous ne soumissionnerons pas sur des contrats, qui retomberaient alors entre les mains de nos compétiteurs aux États-Unis. "

L'AIAC ne remet pas en cause les objectifs des ITAR. Elle cherche toutefois à adoucir certaines règles,

notamment celles qui touchent à la citoyenneté. " On ne devrait pas utiliser la citoyenneté pour évaluer le risque que représente une personne, soutient M. Kane. Il faut évaluer la personne à partir de critères d'honnêteté, d'intégrité et de fiabilité. "

Au cours des derniers mois, l'association a rencontré plusieurs ministres afin d'inciter Ottawa à faire pression auprès des autorités américaines pour qu'elles revoient les ITAR.

" Dans le passé, il y a eu des différents entre les deux pays au sujet de la politique extérieure, a déclaré M. Kane. Nous pensons qu'il y a maintenant une atmosphère plus propice à la discussion. "

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