Chouette! Une belle carte de crédit platine, avec limite de crédit pouvant atteindre 50 000$!

Chouette! Une belle carte de crédit platine, avec limite de crédit pouvant atteindre 50 000$!

C'est l'offre, à son nom et adressée au domicile de ses parents, qu'une jeune fille de 15 ans a récemment reçue de RBC Banque Royale.

«Étant moi-même directrice du crédit et outrée de voir un tel comportement de nos banques à charte, nous écrit sa mère, je me dois de signaler une telle situation, qui arrive, me dit-on, très souvent. Nous ne pouvons fermer les yeux sur de telles demandes faites auprès de nos jeunes qui débutent leur vie de gens responsables déjà très sollicités et endettés.»

À peu près en même temps, un jeune homme de 17 ans en a reçu une semblable, à peine trois semaines après le début de son premier emploi. Hasard?

L'offre provenait également de la Banque Royale. Rehasard?

Erreur malheureuse, explique le porte-parole de l'institution financière, Raymond Chouinard.

RBC achète des listes de clients potentiels auprès de fournisseurs spécialisés, qui eux-mêmes obtiennent les noms de personnes abonnées à des publications ou inscrites sur des sites internet.

RBC assure que des filtres permettent de retirer les noms des personnes qui ne correspondent pas aux critères de l'institution - les mineurs, par exemple -, mais il semble que, pour la liste qui nous occupe, le taux d'erreurs se soit révélé exceptionnellement élevé.

«Ce sont des exceptions, nous avons cessé d'utiliser cette liste et nous faisons des recherches auprès du fournisseur», a indiqué Raymond Chouinard.

Comme le rappelle le porte-parole de l'Association des banquiers canadiens, Jacques Hébert: «Les banques n'émettent pas de carte de crédit aux mineurs sans l'accord des parents.»

Mais que se passe-t-il si un jeune fin finaud ment sur son âge dans le formulaire? Il sera intercepté au moment des recherches qui feront suite à sa demande, assure M. Chouinard.

Le crédit et les jeunes

Une question demeure: un jeune de 17 ans et demi, qui ne peut obtenir de carte de crédit sans l'accord de ses parents, sera-t-il plus avisé six mois plus tard, quand il pourra en faire la demande en toute légalité?

Les offres de cartes de crédit abondent dans les cégeps et les universités.

«C'est le crédit auquel les jeunes ont accès, et c'est aussi le plus dispendieux, celui qui va inciter aux achats impulsifs», observe la conseillère budgétaire Manon Houde, de l'ACEF Rive-Sud de Québec.

Entendons-nous, la carte de crédit est un outil fort utile, mais encore faut-il l'utiliser à bon escient. «Les jeunes ne s'en servent pas comme mode de paiement, mais avec un solde qu'ils maintiennent, ce qui coûte extrêmement cher», poursuit Mme Houde.

Une enquête réalisée à l'Université Laval en 2004 a révélé que quatre jeunes adultes sur 10 ignorent que lorsqu'on paie le minimum indiqué sur le relevé mensuel, un intérêt est tout de même calculé sur le solde.

«Selon l'étude que nous avons faite, les jeunes de 18 à 29 ans sont plutôt ignorants des choses du crédit, même s'ils l'utilisent abondamment», affirme Marie Lachance, professeur au département des sciences de la consommation de l'Université Laval.

Tout n'est pas si sombre, toutefois.

Nicolas Lévesque, qui enseigne l'éducation à la vie économique à l'école Honoré-Mercier, dans le quartier Émard, à Montréal, constate que les efforts d'éducation semblent porter fruits.

«Le problème semble moins grand car les jeunes sont davantage sensibilisés par leurs parents», soutient-il.

Dans son quartier, il note l'influence du milieu communautaire qui «est assez actif auprès des parents et des jeunes» - les ACEF notamment.

L'école joue aussi un rôle essentiel... mais pour combien de temps?

En cinquième secondaire, le cours Éducation économique comporte un module traitant de la consommation et ses mécanismes, notamment l'usage du crédit.

Ce cours demeurera en place jusqu'en septembre 2009, a confirmé le ministère de l'Éducation, alors qu'il sera remplacé par un cours davantage orienté vers la macroéconomie.

Les notions de finances personnelles seront alors disséminés dans divers cours, où elles seront données à la discrétion de l'enseignant, selon l'importance qu'il accorde au sujet.

Reste les parents, qui, selon l'étude de l'Université Laval, demeurent la principale source d'information en matière de crédit pour 37% des jeunes

«Les parents doivent rester superviseurs de tous les aspects financiers, même quand le jeune travaille, avise Marie Lachance. Certains parents pensent que, dès lors que le jeune gagne de l'argent, il peut le dépenser à sa guise. Je crois que les parents ont quand même leur mot à dire. Ils sont à la fois superviseurs, éducateurs et enseignants. Ils ont un grand rôle à jouer, mais ils n'ont pas beaucoup d'aide.»

Sa suggestion: lors de l'émission d'une première carte de crédit, l'institution financière devrait rencontrer en personne le futur détenteur et l'informer de toutes les caractéristiques et conditions d'utilisation.

C'est une autre approche que de disséminer les offres de cartes de crédit à tout vent.

Quelques conseils

> Vous accordez une carte prépayée à votre enfant: précisez très nettement les conditions de son utilisation. Pour quels types d'achats? Combien de temps la somme inscrite doit-elle durer? Que se passe-t-il ensuite?

> Vous voulez retirer votre nom des listes de sollicitation, ou en exclure votre enfant? Communiquez avec le Service d'interruption de sollicitation de l'Association canadienne du marketing à the-cma.org.

> Pour tout connaître sur l'utilisation d'une carte de crédit, une des meilleures références demeure l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui vient justement de renouveler son site Internet (www.acfc.gc.ca). De nouvelles fiches d'information y sont offertes gratuitement (1 866 461-2232).