Après avoir vu son rêve et beaucoup d'argent s'évanouir dans la faillite des Ailes de la mode, Paul Roberge-Delage pourrait maintenant perdre le contrôle de Bikini Village (T.GBV).

Après avoir vu son rêve et beaucoup d'argent s'évanouir dans la faillite des Ailes de la mode, Paul Roberge-Delage pourrait maintenant perdre le contrôle de Bikini Village [[|ticker sym='T.GBV'|]].

La chaîne de 56 magasins, dernier vestige des Ailes de la mode, a reçu un ultimatum de la part de Clarke, le holding d'investissement de Halifax contrôlé par l'investisseur George Armoyan, un personnage haut en couleur qui «n'aime pas tourner autour du pot», a-t-il dit à La Presse Affaires, et qui ne fait pas dans la dentelle.

Un fonds de gestion privée de Toronto, Aquilon Capital, et quelques maisons de capital-risque ont aussi pris des positions dans Bikini Village.

Selon un homme d'affaires proche de Bikini Village, «tout se dessine pour une guerre entre les hors Québec et un intra-Québec, Paul Delage, qui a pas mal moins d'alliés qu'avant au Québec depuis la débâcle de sa vision précédente (les Ailes de la mode)».

M. Armoyan, souvent décrit comme un «actionnaire activiste», réclame depuis le 15 janvier des discussions avec la direction actuelle et exige deux sièges au conseil d'administration.

Depuis le 7 décembre, Clarke est le principal actionnaire de Bikini Village. La firme de M. Armoyan a maintenant autour de 13 % des actions de la firme, bien plus que les 4 % de M. Delage, qui possède toutefois assez d'options pour hausser sa participation à 8 %.

Clarke s'est taillé une belle réputation de redresseur d'entreprises sous-évaluées ou sous-performantes, depuis que M. Armoyan en a pris le contrôle et a transformé la firme en holding d'investissement.

«Il flaire des compagnies qui ont de la valeur non développée ou non reconnue. Il est prêt à aider, mais il n'a pas peur de se colleter avec la direction et de changer les gestionnaires si ça ne marche pas à son goût», souligne Richard Briggs, vice-président chez Man Financial, à Montréal.

Bikini Village a fini par accepter de rencontrer M. Armoyan d'ici peu. Mais les préliminaires ont été émaillés d'une menace de poursuite et d'un communiqué de presse de Clarke rédigé comme une mise en demeure: «Clarke est un investisseur activiste, qui cherche à participer activement avec les gestionnaires et les administrateurs () dans le but de créer de la valeur () non seulement pour Clarke, () mais pour tous les actionnaires des firmes dans lesquelles nous investissons.»

Une réunion extraordinaire des actionnaires est prévue pour le 10 mai.

«Je n'aime pas tourner autour du pot, a dit mardi soir M. Armoyan à La Presse Affaires. Il y avait un problème: ça faisait un mois et demi que j'essayais de les rencontrer. Je me suis déplacé deux fois à Mont-réal, et les deux fois ils ont annulé la réunion la veille. Et nous sommes l'actionnaire principal. J'étais renversé, ça a été un choc.»

Puis Bikini Village a annoncé qu'elle nommait deux nouveaux membres à son conseil, le président Yves Simard et Joe Marsilii, de Jolina Capital, le holding de la famille Saputo. Mais pas les deux membres recommandés par Clarke.

«Quand j'ai vu ça, je me suis dit que ces gars-là savent probablement ce qu'ils font dans le commerce de détail, mais pour ce qui est de la loi sur les valeurs mobilières et la façon d'agir avec une firme cotée en Bourse, à mon avis, ce sont des amateurs. Ils pensaient qu'ils pouvaient nous bloquer en comblant les vacances : désolé, le conseil est complet, on n'a pas de place pour vous.»

M. Armoyan affirme qu'il ne demande qu'à travailler avec M. Roberge et la direction actuelle.

«On leur a écrit pour leur dire que, s'ils voulaient faire une ronde de financement, on était prêts à embarquer avec eux au prorata, et d'appuyer tout financement que Bikini Village pourrait souhaiter, qu'on est disposés à aider. Et on les a prévenus que s'ils faisaient quoi que ce soit de contraire aux intérêts des actionnaires, qu'on les poursuivrait et qu'on ne resterait pas assis à rien faire.»

Yves Simard, le nouveau président de Bikini Village, a suggéré que tout le monde prenne une grande respiration par le nez, tout cela est un malentendu: «a réunion des actionnaires du 10 mai va permettre de créer deux postes de plus au conseil. Ni M. Delage ni moi n'allons nous objecter à l'élection des deux membres que Clarke propose.»

«M. Armoyan est un gars qui pousse et je n'ai rien contre ça, au contraire» poursuit M. Simard. Il note qu'une firme qui, comme Bikini Village, émane d'une faillite, prend souvent un peu de temps à se remettre d'une certaine frilosité devant le risque et l'expansion.

«Un gars comme M. Armoyan fait accélérer les choses et c'est très bien pour les actionnaires.»

M. Armoyan se dit confiant d'avoir l'appui d'Aquilon Capital, de Toronto, qui détient au moins 10,5 % de Bikini Village. Selon M. Armoyan, Research Capital, la CIBC et le fonds de capital risque Lawrence Partners ont aussi pris des positions substantielles.

La firme qui emploie environ 400 personnes a inscrit une perte de 936 000 $ sur des revenus de 37,6 millions. L'action a clôturé mercredi à 13 cents, comme la veille, à la Bourse de Toronto.

«C'est une firme sans dette, avec une bonne réputation, et dont la marque est très bien connue en Ontario et au Québec», a dit M. Armoyan. «Elle pourrait prendre de l'expansion ailleurs au Canada et hausser ses ventes à entre 60 et 100 M$.»