Malgré les milliards de dollars qui transitent dans l'archipel, les Bahamas n'ont qu'un seul enquêteur à la Commission des valeurs mobilières des Bahamas.

Malgré les milliards de dollars qui transitent dans l'archipel, les Bahamas n'ont qu'un seul enquêteur à la Commission des valeurs mobilières des Bahamas.

C'est ce qu'a admis le président de la Commission, Hillary Deveaux, que La Presse Affaires a rencontré l'automne dernier. La Commission compte cinq avocats et deux comptables, mais un seul enquêteur. Globalement, 50 employés travaillent pour la Commission, qui n'a vu le jour qu'en 1995.

«Nous sommes un petit État et nous avons un moins grand volume d'inscriptions et donc moins besoin d'employés pour inspecter les entreprises», explique M. Deveaux, qui précise qu'une partie des émetteurs sont régies par la Banque centrale.

En 2006, la Commission régissait 20 entreprises en Bourse et 749 fonds communs, dont la valeur avoisinait les 180 milliards de dollars US. Le budget annuel de la Commission est de quelque 3 millions de dollars US.

En comparaison, le Québec a 5438 émetteurs assujettis (fonds communs et entreprises en Bourse). L'Autorité des marchés financiers du Québec – l'équivalent de la Commission aux Bahamas - compte 550 employés, dont 35 enquêteurs et 12 inspecteurs. Son budget annuel est de 63 millions de dollars CAN.

Hillary Deveaux, comme d'autres intervenants des Bahamas, se défendent bien d'aider les occidentaux à lessiver des fonds. Depuis l'an 2000, le gouvernement des Bahamas a apporté des modifications à neuf lois pour se conformer aux exigences des pays industrialisés. La loi sur les banques, la loi sur les intermédiaires de marchés et la loi sur les produits de la criminalité ont été modifiées, entre autres.

«Nous n'existons pas pour cacher des gens ou pour aider les gens à cacher leur argent», soutient Clifford Johnson, un comptable des Bahamas, de la firme PricewaterhouseCoopers.

Les investisseurs ne peuvent d'ailleurs plus se réfugier derrière le secret bancaire, soutient l'avocat Brian Moree, de la firme McKinney Bancroft & Hugues.

Aujourd'hui, les banques doivent connaître les bénéficiaires ultimes de tous leurs comptes. En vertu de la nouvelle loi, les bénéficiaires avaient jusqu'au 30 septembre 2006 pour s'identifier, à défaut de quoi la récupération de leur argent deviendra fastidieuse. Cette demande faisait partie des exigences de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour que les Bahamas soient retirés de la liste des pays jugés non coopératifs.

Aujourd'hui, pour ouvrir un compte, un particulier fait l'objet d'une vérification diligente et doit avoir été référé. En outre, l'institution enquête sur la provenance des fonds. «Les autorités étrangères peuvent obtenir l'information bancaire lorsque approprié», dit M. Moree.

Mais alors, quel est l'intérêt des Bahamas? «Nous voulons attirer des individus riches qui cherchent légitimement à minimiser leur exposition au fisc», dit M. Moree.

Par exemple, les contribuables qui veulent placer leur argent dans un fonds communs aux Bahamas ne sont généralement pas imposés tant que l'argent n'est pas rapatrié au Canada, explique-t-il. Tôt ou tard, les résidents du Canada ont toutefois l'obligation de déclarer ces revenus au fisc, comme c'est le cas des REER. Mais en attendant, les revenus s'accumulent légalement à l'abri de l'impôt.

Malgré ces changements, l'information ne circule pas toujours librement, avons-nous pou constater. D'abord, les autorités de pays étrangers ne peuvent saisir les fonds d'une entreprise ou d'un particulier aux Bahamas sur la base de l'évasion fiscale, admet M. Moree. Seuls les offenses de nature criminelle, comme la fraude, recevront la collaboration des Bahamas.

En outre, l'information n'est parfois offerte qu'à certaines conditions. L'Autorité des marchés financiers du Québec en sait quelque chose. En 2005, elle a obtenu de la banque centrale des Bahamas le nom du Québécois véritablement propriétaire du fonds Kenneth W. Salomon, des Bahamas. Toutefois, la banque a imposé une condition : que l'AMF n'utilise pas cette information dans des recours judiciaires.

Le fonds Kenneth a fait partie d'une vaste enquête de l'AMF, en 2005, avant même que le prête-nom de l'entreprise au Québec, Martin Tremblay, ne soit accusé de blanchiment d'argent.

Autre élément : malgré son apparente bonne volonté, la Commission semble avoir été laxiste dans sa gestion du dossier Norshield. Par exemple, le liquidateur de l'entreprise qui a reçu les fonds de Cinar aux Bahamas a publié des documents de première importance depuis deux ans, dont un témoignage clé.

Or, lors de notre rencontre aux Bahamas, le président de la Commission, Hillary Deveaux, ne semblait pas connaître l'existence de ce témoignage, reproduit sur quelque 2000 pages.

Quoi qu'il en soit, les intervenants que nous avons rencontrés renvoient tous la balle aux autorités canadiennes. «Norshield n'était-elle pas une entreprise canadienne soumise aux règles canadiennes?», dit l'avocat Brian Moree, firme McKinney Bancroft & Hugues.