La plupart des entreprises disent valoriser la diversité, mais beaucoup en restent aux voeux pieux. Toutes proportions gardées, il y a pourtant plus de diplômés chez les Montréalais nés dans d'autres pays.

La plupart des entreprises disent valoriser la diversité, mais beaucoup en restent aux voeux pieux. Toutes proportions gardées, il y a pourtant plus de diplômés chez les Montréalais nés dans d'autres pays.

Au retour de son second congé de maternité, Nathalie Bernier a vécu deux chocs.

Le premier a été de concilier les exigences de sa famille grandissante et de son travail de comptable agréée chez Arthur Andersen. Le deuxième: «Mon employeur a présumé que j'avais perdu le feu sacré», se souvient-elle.

Cet employeur avait tout faux. Le 16 mars dernier, Nathalie Bernier a été nommée associée directrice de KPMG Montréal. Elle est la première femme à la tête d'un grand cabinet d'experts-comptables au Québec. «Bien des femmes craignent que la maternité signe la fin de leur ascension professionnelle».

«Mais la diversité peut s'épanouir là où les gens se parlent et cherchent ensemble des solutions», dit-elle.

En 2003, KPMG s'est doté d'un conseil national de promotion de la diversité. Entre autres initiatives, des réseaux ont été mis en place pour donner à des groupes d'employés, comme les femmes, les gais et les immigrants, l'occasion d'échanger, d'établir des contacts et de promouvoir leurs intérêts.

De plus, «si un employé veut organiser une activité célébrant la diversité - que ce soit un lunch du Nouvel An chinois ou une soirée de réseautage pour 200 femmes -, on va l'aider sur les plans marketing, logistique et financier», explique Line Racette, associée chez KPMG.

Peu d'entreprises joignent autant le geste à la parole. En novembre 2006, le Conference Board a publié un rapport aux chiffres éloquents: 85 % des entreprises canadiennes affirment inclure la diversité parmi leurs priorités, mais seulement 58 % ont un plan stratégique et 33 %, un budget.

La présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Isabelle Hudon, s'appuie sur une centaine d'employés de tous les âges et origines. Le plus grand atout d'une équipe diversifiée, dit-elle, c'est sa capacité d'innovation.

«Même dans les conversations de corridors, il y a un perpétuel choc des idées, des cultures et des générations, qui stimule vraiment l'intellect.»

Cependant, les entreprises qui investissent dans la diversité le font rarement pour accroître leur capacité d'innovation, révèle le rapport du Conference Board. Davantage citent les exigences de la loi (24 %) et les questions de responsabilité sociale (42 %). Mais d'abord et avant tout, 55 % désirent soigner leur image d'employeur de choix et 58 %, accéder à un plus grand bassin d'employés.

En août 2005, Adam Mongodin a fondé G-FORCE, une agence de ressources humaines entièrement vouée à la promotion de la diversité en milieu de travail. Selon lui, la démographie est implacable.

«La pénurie de main-d'oeuvre qui sévit actuellement en Alberta n'est que l'avant-goût d'une situation qui va se généraliser à partir de 2011 dans tous les secteurs de l'économie à travers le pays.»

Déjà, le recrutement devient difficile, remarque Serge Fortin, chef de section, Dotation, à la STM. En 2005, la Société a investi 5000 $ dans une annonce pour trouver des gens de métier. «On a récolté deux CV, se rappelle M. Fortin. À une autre époque, on en aurait reçu une pochetée.»

La STM ne ménage plus les efforts pour se faire connaître comme employeur ouvert à la diversité. Rien que l'an dernier, elle a organisé près de 25 soirées-rencontres avec des communautés culturelles, en plus de participer à des émissions de radio et à des salons d'emploi ciblés.

Une fois la diversité instaurée, le bouche-à-oreille fait le reste. Dans le quartier Saint-Michel, le manufacturier Vêtements Peerless emploie plus de 2500 personnes de 60 nationalités. Le recrutement va bien, note Louis Arsenault, le directeur des ressources humaines: «On embauche beaucoup à partir de références à l'interne.»

Le seul ennui, c'est que le taux de roulement atteint près de 25 % la première année, a constaté le directeur. «Souvent, ces gens vont orienter leur carrière vers du travail de bureau ou un autre emploi pour lequel ils sont qualifiés.»

De fait, la moyenne des immigrants est plus instruite que la population née ici. Selon Statistique Canada, 35 % des nouveaux immigrants montréalais sont titulaires d'un diplôme universitaire, comparativement à 22 % des résidents nés au Canada (parmi ceux âgés de 25 à 54 ans).

Dans le secteur de la haute technologie, CAE profite d'ailleurs de cette manne. À Montréal, ses 3000 employés forment une mosaïque de 110 nationalités. «Ce n'est le fruit d'aucune stratégie particulière, mentionne Nathalie Bourque, vice-présidente, Communications mondiales. On embauche des gens compétents, tout simplement.»

Le Conference Board l'a constaté: même s'il reste du chemin à faire, «les organisations canadiennes semblent changer d'approche; leur souci d'équité en emploi à des fins de conformité aux lois se transforme en un intérêt pour la diversité basé sur une logique commerciale».

À la STM, c'est une évidence, affirme Serge Fortin. «Si on veut la crème des employés, on ne peut plus se priver d'aucun bassin de main-d'oeuvre.»