Certains diraient: de la grande visite! Avec les grands noms du golf qui débarquent en ville pour la Coupe des Présidents viennent des retombées économiques. Les organisateurs parlent de 65 millions de dollars.

Certains diraient: de la grande visite! Avec les grands noms du golf qui débarquent en ville pour la Coupe des Présidents viennent des retombées économiques. Les organisateurs parlent de 65 millions de dollars.

D'autres ont plus de difficultés à les chiffrer. Chose certaine, le terrain du Royal Montréal n'aura jamais accueilli un tournoi aussi prestigieux.

Portrait d'une aventure qui a commencé il y a cinq ans dans un bureau d'avocats du centre-ville.

Michael Richards se rappellera toute sa vie de cette journée de novembre 2002. Comme tous les matins, l'avocat en droit des affaires chez Stikeman Elliott était plongé dans ses dossiers. Une journée comme une autre au bureau, finalement.

C'était avant que le son du téléphone ne lui fasse perdre le fil de ses idées. Probablement un autre client, se dit-il. Erreur. L'appel provenait plutôt de la PGA, en Floride.

«Mike, veux-tu organiser la Coupe des Présidents à Montréal en 2007?», lui demande son interlocuteur, l'un des gros bonnets du golf professionnel.

Ancien directeur de l'Omnium canadien au Royal Montréal en 1997 et 2001, Michael Richards reste figé pendant quelques secondes.

«Je suis resté surpris, mais j'ai répondu oui, évidemment, se rappelle-t-il. Les gens de la PGA voulaient venir voir le terrain immédiatement. J'ai dit: non, ne venez surtout pas à Montréal présentement! Attendez au printemps.»

Une fois la neige fondue, une délégation de la PGA vient inspecter le Royal Montréal. Elle se laisse séduire par le plus vieux club de golf en Amérique du Nord, fondé en 1873 par huit hommes d'affaires montréalais.

«Plusieurs facteurs ont joué en notre faveur, dit Michael Richards. Le golfeur Mike Weir commençait à connaître du succès et il voulait que le tournoi se déroule chez lui. Montréal était aussi une destination idéale pour les Américains, qui n'ont pas à voyager très loin et à combattre le décalage horaire comme en Australie ou en Afrique du Sud.»

Le Royal Montréal et la PGA commencent à négocier au printemps 2003. Afin d'obtenir la Coupe des Présidents, Michael Richards doit verser deux millions de dollars à la PGA. Son plan de match est simple: trouver un million à Ottawa, un autre à Québec, et le tour est joué.

«À Québec, le premier ministre Charest a accepté rapidement», dit-il. La partie se corse toutefois dans la capitale fédérale, qui nage en plein scandale des commandites.

À Ottawa, le premier ministre Paul Martin ne voulait rien entendre, selon Michael Richards. (Pour la petite histoire, M. Martin est un mordu de golf et un excellent joueur qui ramène régulièrement une carte de pointage inférieure à 90.)

«M. Martin ne voulait pas donner de l'argent pour des joueurs de golf, dit Michael Richards. Mon travail a été de lui expliquer que ce serait bénéfique pour le pays. La Coupe des Présidents est télédiffusée dans 200 pays pendant quatre jours. Vous ne pouvez pas acheter ce genre de publicité. En plus, les deux gouvernements devaient faire chacun cinq millions de dollars avec la TPS et la TVQ, en tenant compte des retombées économiques de 65 millions générées par le tournoi.»

L'ancien premier ministre se rappelle avoir hésité à octroyer le million de dollars en question.

«Mais j'ai hésité chaque fois qu'on m'a fait une demande de subvention, dit Paul Martin à La Presse Affaires. Vous devez prendre le temps d'examiner la situation. C'est la bonne façon de gérer l'argent des contribuables. Nous avons étudié la demande du Royal Montréal et nous avons conclu que le tournoi serait bénéfique pour le Canada et pour Montréal.»

Avec le recul, Paul Martin estime avoir pris la bonne décision. «J'ai passé les dernières semaines à l'étranger et on m'a beaucoup parlé de la Coupe des Présidents qui aura lieu à Montréal. Je crois que nous avons pris la bonne décision en acceptant de donner un million. Et ce sera encore un meilleur investissement si Mike Weir et l'équipe internationale gagnent le tournoi», blague l'ancien premier ministre du Canada, qui s'est dit désolé de ne pas pouvoir assister à la Coupe des Présidents (il est retenu à l'étranger).

«Nous avons finalement obtenu l'argent du fédéral juste à temps, dit Michael Richards. Heureusement, car la Chine et le Japon avaient l'oeil sur la Coupe sur les Présidents. Les deux pays auraient été prêts à l'organiser si nous n'avions pas pu le faire.»

À l'été 2005, après deux ans de négociations en coulisses, Michael Richards envoie finalement son chèque de deux millions à la PGA, qui s'acquittera de toutes les dépenses du tournoi. Évidemment, le circuit gardera aussi les profits pour lui.

Michael Richards a réussi à attirer la Coupe des Présidents à son club de golf, mais son travail est loin d'être terminé. Il doit superviser la vente des billets et rallier la communauté des affaires à sa cause.

Il a notamment 34 loges corporatives - dont le prix varie entre 70 000 et 95 000 dollars - à vendre.

«Et la nourriture n'est pas comprise à ce prix, dit-il. Nous avons commencé à vendre nos loges il y a un an et demi. Nous avons approché les grandes entreprises de Montréal et de Toronto. Toute la communauté des affaires du Canada sera présente au Royal Montréal ce week-end.»

Un plan d'affaires particulier

Au plan sportif comme financier, la Coupe des Présidents n'est pas un tournoi comme les autres. Elle a un plan d'affaires bien particulier dans le sport professionnel.

«Comme la PGA veut une ambiance solennelle, elle a choisi de ne pas avoir de commanditaires pour ce tournoi, explique Michael Richards. Les joueurs n'ont pas de bourses, mais ils recevront chacun 200 000 dollars à donner à une oeuvre de bienfaisance de leur choix. À titre d'exemple, Tiger Woods donnera probablement ses 200 000 dollars à sa fondation. Au total, 4,8 millions seront distribués à des oeuvres de bienfaisance. Nous essayons d'ailleurs de convaincre certains joueurs de choisir la Fondation de l'Hôpital Sainte-Justine et la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants (Children's Hospital).»

Au cours des quatre prochains jours, Michael Richards ne voudra rien manquer de la Coupe des Présidents. Qui peut vraiment l'en blâmer?

Après tout, son tournoi à lui a commencé il y a cinq ans. Et le grand manitou de la Coupe des Présidents sait fort bien qu'il ne revivra pas de sitôt une telle expérience.

«Il n'y a jamais eu un tournoi de golf aussi important qui s'est tenu au Canada, dit-il. Comme on dit: never before, probably never again.»