Le gouvernement de Terre-Neuve a la ferme intention d'aller de l'avant avec le projet hydroélectrique de Lower Churchill, même si Hydro-Québec refuse d'embarquer dans cette aventure.

Le gouvernement de Terre-Neuve a la ferme intention d'aller de l'avant avec le projet hydroélectrique de Lower Churchill, même si Hydro-Québec refuse d'embarquer dans cette aventure.

La province prévoit d'ailleurs vendre ses premiers mégawatts à ses clients au plus tard en 2015.

Le président et chef de la direction d'Hydro Terre-Neuve-et-Labrador, Ed Martin, est catégorique. À l'heure où tous les pays tentent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour contrer les changements climatiques et à l'heure où le Canada ratera de manière spectaculaire les objectifs du protocole de Kyoto, l'énergie propre est rapidement devenue un investissement d'avenir.

À preuve, le projet de Lower Churchill, qui permettra de produire 2900 mégawatts en tout, pourra alimenter en électricité 1,5 million de foyers. Une telle production d'énergie propre équivaut à retirer 3,2 millions de voitures des routes du pays, selon M. Martin.

En source d'énergie, c'est aussi l'équivalent de la production de 225 000 barils de pétrole par jour -indéfiniment- si on l'ajoute à la centrale existante de Churchill Falls. Et une fois que ce projet sera terminé, la province planchera sur des projets tout aussi verts, soit la production d'énergie éolienne.

En somme, Terre-Neuve continuera à garnir ses coffres, qui eux ont été pas mal renfloués déjà grâce au projet pétrolier Hibernia aux larges des côtes de la province. Déjà, certains voient cette province autrefois peu nantie comme la nouvelle Alberta de l'est.

«Il y a beaucoup d'occasions d'affaires qui s'offrent à nous. Je sais que des temps de prospérité attendent la province de Terre-Neuve et Labrador si nous prenons notre temps, faisons les bons choix et concluons les bonnes ententes à long terme», affirme Ed Martin dans une longue entrevue accordée à La Presse, la première entrevue de fond accordée à un média québécois.

Le projet de Lower Churchill -un complexe hydroélectrique presque aussi puissant que devait l'être Grande-Baleine au Québec- coûtera entre 6 à 9 milliards de dollars à réaliser, selon l'option que les dirigeants de la société d'État retiendront pour acheminer l'électricité aux nombreux clients qui se pointent déjà à l'horizon.

Chose certaine, Terre-Neuve peut facilement se passer d'Hydro-Québec si celle-ci se montre trop gourmande ou encore refuse carrément de participer au projet.

Au lieu d'acheminer l'électricité produite à Lower Churchill au Québec par les lignes de transport existantes pour qu'elle soit ensuite distribuée à des clients au Nouveau-Brunswick, en Ontario, et dans les États de la Nouvelle-Angleterre et de New York, Terre-Neuve peut distribuer son énergie propre en établissant une ligne de transport sous l'océan qui relierait la province au Nouveau-Brunswick.

D'autres pays ont déjà utilisé cette option en Europe. En entrevue, M. Martin donne en exemple la ligne NordNed qui relie la Norvège aux Pays-Bas.

«Cette ligne mesure en tout 580 kilomètres et offre une capacité de 700 mégawatts. Notre projet est d'environ 420 kilomètres et aurait une capacité de 750 mégawatts, dit-il. Le PDG cite aussi la ligne SwePol qui relie la Suède et la Pologne.

La distance entre les deux pays est de 280 kilomètres et la ligne de transmission a une capacité de 600 mégawatts.

«J'ai demandé à mes ingénieurs de dénicher des projets comparables ailleurs dans le monde. Je les ai envoyés en Europe. Et nous en avons trouvé beaucoup. Il y a en des tonnes dans le nord-ouest de l'Europe. StatNett, responsable du réseau hydroélectrique en Norvège, a l'habitude de faire ce genre de chose. Sur le plan technique, ce n'est plus un problème», affirme M. Martin.

Ce n'est pas la première fois que Terre-Neuve examine la possibilité d'utiliser des liens sous-marins pour exporter son électricité. Auparavant, le contexte n'était pas favorable. Aujourd'hui, avec la montée en flèche du prix du pétrole et les préoccupations environnementales grandissantes, cette option est devenue plus alléchante.

«Plus nous examinons cette option, plus elle nous semble intéressante. D'autant plus que les technologies se sont grandement améliorées au cours des dernières années. Nous avons étudié à fond les projets comparables qui fonctionnent déjà. Cet été, nous avons l'intention de mettre un bateau à l'eau pour examiner le fond de l'océan. Après cela, mes ingénieurs vont être en mesure de me préciser un prix pour cette option d'ici l'automne», explique M. Martin.

Le projet de Lower Churchill, en gestation depuis près de 30 ans, aura d'ailleurs franchi toutes les étapes nécessaires (audiences environnementales, plan financier, signature d'une entente avec un partenaire et entente avec les autochtones) au plus tard en 2009, date à laquelle la construction doit commencer.

Par le passé, le Québec et Terre-Neuve sont venus près de s'entendre sur un projet de développement de Lower Churchill, mais aucun accord n'a été signé. L'accord proposé avait été rejeté parce que les dirigeants de Terre-Neuve n'y trouvaient pas leur compte.