Entrons dans le vif du sujet, vous voulez bien?

Entrons dans le vif du sujet, vous voulez bien?

Nous pouvons présumer qu'en ce jour, Lord Conrad Black et Lady Black ne sont pas contents. Ils ne sont pas contents parce qu'en ce jour, l'examen à la loupe qu'a fait subir Tom Bower au Lord et à sa dame apparaît sur les tablettes des librairies partout en ville, permettant aux manants, pour la modique somme de 34,95 $US, de jouir eux-mêmes du récit pimenté des exploits personnels et d'affaires de Lord Black of Crossharbour et de son indomptable épouse, Barbara Amiel.

Bower, un auteur britannique qui a déjà déculotté des magnats tels que Mohammed Fayed, Richard Branson et Robert Maxwell, sans parler de la biographie "qui fait autorité" du Boucher de Lyon, Klaus Barbie, vient d'ajouter Conrad & Lady Black: Dancing on the Edge à son tableau de chasse.

Il y a deux semaines, les premiers extraits de l'oeuvre ont paru en Grande-Bretagne, causant tout un grabuge. Personne ne s'en étonnera, des protestations de la part de Lord Black, 62 ans, qui, à part quelques courriels échangés avec l'auteur, n'a pas coopéré avec ce dernier.

Ceux qui ont suivi l'ascension puis la formidable dégringolade du magnat de la presse pourraient bien se demander: y a-t-il encore place pour un autre livre sur les Black? Ce sera aux lecteurs d'en décider.

S'intéresseront-ils, par exemple, à cette scène? On est en novembre 2003. Un samedi. M. Black subit les pressions de Richard Breeden, l'ancien président de la Securities and Exchange Commission (SEC - Commission américaine des opérations de Bourse). M. Breeden a réalisé une enquête indépendante sur l'entreprise Hollinger. Ce jour-là, les membres du conseil d'administration de Hollinger International sont en communication par téléphone et ils discutent des demandes que M. Black et d'autres remboursent des commissions dites de "non-concurrence" à la l'entreprise.

Selon Bower, Barbara Amiel conseille à son mari de s'opposer à la demande de remboursement et proteste contre le "tribunal de kangourou" auquel le couple est confronté. Son humeur passe à l'hystérie. "Madame Black, supplie la secrétaire de la compagnie, ressaisissez-vous ". Ce à quoi madame Amiel hurle: "C'est Lady Black, bâtarde!"

Une semaine plus tard, les Black participent encore à une conférence téléphonique, cette fois avec les membres du conseil d'administration de la société mère, Hollinger Inc., membres parmi lesquels se trouve Fred Eaton.

Voici ce qu'écrit Bower: "Vous avez pris de l'argent qui ne vous appartenait pas", lance M. Eaton d'une voix peinée à propos des commissions de non-concurrence. "Tout l'argent m'appartient", réplique M. Black. "Qu'en savez-vous?" intervient soudain Barbara Amiel au téléphone. "Vous les Eaton, vous avez tous fait faillite."

Barbara Amiel: Lady Black ou la Méchante Cruella, célèbre personnage du film de Disney, Les 101 Dalmatiens?

Détails salaces

Bower penche pour cette dernière tout en fournissant une couche épaisse de détails salaces à propos de ce qu'il appelle les nombreuses conquêtes sexuelles de Barbara Amiel.

En voici une liste. Depuis les journalistes Allan Fotheringham, Peter Brimelow et Eric Margolis qui, écrit Bower, a déclaré que les seins de Barbara Amiel étaient un "acte de Dieu", jusqu'à Daniel Richler et Sam Blyth. Dans un article publié dans The Sunday Telegraph à la fin octobre, un Black enragé a craché que "Même Bower sait bien qu'il ne faut pas accorder grande importance aux souvenirs peu galants d'hommes rejetés sur qui le soleil professionnel et romantique s'est couché depuis longtemps."

Les lecteurs ne pourront pas passer outre facilement au personnage de Barbara Amiel campé par Bower parce que, comme tant d'autres hommes avant lui semble-t-il, Bower en est devenu totalement l'esclave. Sous la plume de Bower, M. Black lui-même prend des proportions gigantesques, intellectuellement et physiquement, et il finit par apparaître comme une figure pénible.

Lorsque Andrew Knight, qui fut directeur général du Telegraph, décrit M. Black " comme une personnalité si imposante à accompagner ", il fait référence à ce que Bower dépeint comme la propension de M. Black à faire des laïus dépourvus de grâce dans les situations sociales les plus ordinaires. Un homme pas du tout de son temps.

Madame Amiel, de son côté, est cet être éternellement jeune (elle aura 66 ans le mois prochain), la tentatrice incroyablement chic. C'est le goût démesuré de Barbara Amiel pour les chaussures Manolo Blahnik et son amour à retardement des bijoux spectaculaires, sans parler des jets privés et des demeures luxueuses qui ont conduit M. Black sur une voie beaucoup plus prodigue qu'il n'aurait autrement emprunté sans elle. C'est du moins la théorie.

Et puisqu'elle a mené une carrière de journaliste, elle a, comme le Petit Chaperon rouge, laissé derrière elle des miettes par lesquelles Bower peut tenter de la juger.

Ainsi, elle écrit à propos de la condamnation pour fraude fiscale et la peine d'emprisonnement imposée à Leona Helmsley, l'hôtelière de New York souvent dépeinte comme la Reine des pingres: "Même après avoir versé 38 millions de livres (93 millions CAN) en impôts comme elle l'a fait, la tentation de garder les derniers 678 000 livres (1,6 million CAN) ne peut pas nous être étrangère à qui que ce soit d'entre nous. De nombreux entrepreneurs trouvent difficile de voir la distinction entre les dépenses personnelles et d'entreprise."

Bower décrit en détail l'extravagance des Black, depuis la remise à neuf de leurs demeures à Londres, Manhattan et Palm Beach, comprenant, écrit-il, un ascenseur de 4,4 millions US jusqu'à leur célèbre escapade à Bora Bora. "Au cours de ce voyage, ils ont mangé dans l'argenterie achetée récemment aux frais de Hollinger au prix de 3530 $US. Le coût total des vols a été de 530 000 $US. La moitié a été imputée à Hollinger."

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