Pour les raffineurs et les distributeurs de produits pétroliers, la nouvelle taxe de 1 cent le litre imposée par le gouvernement pour financer son Fonds vert représente entre 50 et 70% du profit net de leurs activités au Québec.

Pour les raffineurs et les distributeurs de produits pétroliers, la nouvelle taxe de 1 cent le litre imposée par le gouvernement pour financer son Fonds vert représente entre 50 et 70% du profit net de leurs activités au Québec.

Aucune industrie, même florissante, ne peut se permettre de renoncer à la moitié de ses profits, ont expliqué Alain Perez et Carol Montreuil, de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), lors d'une rencontre avec La Presse.

Le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, s'attend à ce que les pétrolières absorbent la nouvelle taxe, mais il ne demande pas à Hydro, à Gaz Métro et aux autres distributeurs d'énergie fossile de faire la même chose.

«Dans leur cas, il est clair que la nouvelle taxe sera refilée aux consommateurs», a souligné Carol Montreuil.

La taxe destinée à financer le plan de lutte contre les changements climatiques s'appliquera à partir du 1er octobre prochain à une quarantaine de distributeurs québécois de pétrole, d'électricité générée avec du mazout et de gaz naturel.

Le montant de la taxe varie selon le produit: elle est de 0,08 cent le litre pour l'essence, de 0,094 cent pour le diesel et de 0,097 cent pour le mazout qui sert au chauffage.

Les ventes d'essence financeront le tiers du budget annuel du Fonds vert, qui sera de 200 millions de dollars. Le reste proviendra des distributeurs de mazout et des distributeurs de gaz naturel, de même que d'Hydro-Québec (dont quelques centrales sont alimentées au mazout, comme celle de Tracy), «J'aimerais mieux qu'au lieu de protéger leurs actionnaires, elles protègent aussi l'environnement», a dit le ministre Claude Béchard à l'intention des pétrolières.

C'est de la démagogie, estiment MM. Perez et Montreuil, qui déplorent que le ministre attise ainsi le ressentiment des citoyens envers l'industrie du pétrole.

L'industrie ne fait pas pitié, reconnaissent-ils, mais elle n'est pas aussi rentable qu'on le prétend. Ainsi, les marges de raffinage de 20 à 22 cents le litre qu'agite le ministre Béchard ne s'appliquent que pour un des produits du raffinage, l'essence.

Pour l'ensemble de ses activités, la marge des raffineurs est actuellement autour de 10 cents, précise Carol Montreuil. L'essence compte généralement pour 42% de la production d'une raffinerie, le reste étant du mazout, du carburant pour avions et d'autres distillats.

Les dernières années ont été très profitables pour les raffineurs, mais sur 10 ans, leur marge moyenne -tous produits confondus- est de 4,15 cents le litre.

Pour les distributeurs et les détaillants actifs au Québec, la marge de profit net était de 1,76 cent en 2005, selon l'estimation de l'industrie faite à partir des données de Statistique Canada.

La nouvelle taxe verte représente donc plus de la moitié des profits nets annuels de l'industrie, en excluant la production de pétrole brut, inexistante au Québec.

Selon Alain Pérez, président de l'ICPP, le poids de la taxe est encore plus lourd pour les indépendants, dont la marge de profit est plus mince. «Pour certains d'entre eux, c'est probablement plus que leur marge de profit», dit-il.

Il est donc clair que la majorité des détaillants ne réduiront pas leurs profits pour faire plaisir au ministre Béchard. Sur le plan environnemental, toute augmentation du prix de l'essence est positive puisque des prix élevés contribuent à réduire la consommation.

«Nous consommons quatre fois plus de pétrole par habitant qu'en Europe», souligne Alain Pérez.

Selon les porte-parole de l'industrie, il n'est pas certain que les détaillants réussissent à faire refiler la nouvelle taxe aux consommateurs. La stratégie des gros indépendants comme Costco ou Canadian Tire pourrait les en empêcher, estiment-ils.

Le marché québécois de l'essence est dominé par les compagnies pétrolières intégrées, qui détiennent un peu plus de 80% du marché, le reste étant aux mains des indépendants.