La production de maïs pourrait atteindre un sommet de tous les temps cette année au Canada.

La production de maïs pourrait atteindre un sommet de tous les temps cette année au Canada.

Selon les prévisions d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, la superficie de champs consacrée à cette culture grimpera de 20% au pays en 2007. Un bond directement lié à l'appétit grandissant des producteurs nord-américains d'éthanol pour le maïs.

Au Québec, la culture des épis devrait occuper de 5% à 10% plus de terres arables que l'an dernier, estime Benoît Legault, directeur général de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.

«Si le prix augmente plus dans le maïs par rapport au soya ou au blé et que la marge de production est plus intéressante, ils vont faire plus de maïs», explique-t-il.

Recul des prix

Cette hausse anticipée des récoltes, tant au Canada qu'aux États-Unis, a provoqué un recul de 5,1 % des prix du maïs vendredi dernier à la Bourse de Chicago. Ce jour-là, le gouvernement américain a annoncé s'attendre à ses récoltes les plus abondantes depuis la Deuxième Guerre mondiale

Le prix des contrats (futurs) de maïs continue toutefois de naviguer à des sommets de 10 ans malgré baisse observée vendredi.

Les grands producteurs québécois se réjouissent d'avoir trouvé un nouveau marché pour leur maïs, mais leur satisfaction est loin d'être unanime. Divers groupes s'opposent à ce qu'une denrée agricole serve à fabriquer de l'éthanol - un biocarburant utilisé comme additif à l'essence - plutôt qu'à nourrir des bêtes ou des humains.

«On passe à côté du rôle premier de l'agriculture, qui est de nourrir la population», dénonce Benoît Girouard, porte-parole de l'Union paysanne, qui prône une approche plus humaine de l'agriculture. «On va planter des sols, fort probablement avec du maïs modifié génétiquement, à grands renforts de pesticides. Alors au plan environnemental, c'est clair que c'est un échec.»

Le débat promet d'être houleux. D'ici environ un mois, a appris La Presse Affaires, l'Union paysanne lancera une vaste campagne pour sensibiliser les agriculteurs et la population à cet enjeu.

La question est d'autant plus d'actualité que la première usine d'éthanol du Québec vient de commencer officiellement sa production à Varennes. Le directeur général, Jean Roberge, défend fermement la production de biocarburant à base de maïs. «C'est trop facile de faire des grands commentaires en ne connaissant pas grand-chose, par exemple en parlant de l'influence du marché de l'éthanol sur le prix des tortillas au Mexique», lance-t-il.

L'utilisation de maïs-grain n'enlève pas de nourriture aux animaux ou aux humains, soutient Jean Roberge. La production d'éthanol à Varennes nécessite environ 300 000 tonnes de maïs par année, soit environ 10 % du maïs industriel produit au Québec. Et comme seules certaines parties du grain sont utilisées, l'usine prévoit retourner annuellement 100 000 tonnes de drêche aux producteurs, qui s'en serviront pour nourrir leurs animaux.

Aussi, Jean Roberge fait valoir que plusieurs travaux de recherche sont en cours en vue de trouver d'autres substances pour fabriquer de l'éthanol. Le panic érigé, une plante qui pousse au Québec, pourrait notamment être utilisé. D'autres techniques seront au point dans cinq ans, croit le dirigeant.

Après les porcs, l'éthanol

Pour l'heure, les producteurs québécois de maïs-grain, à distinguer du maïs sucré consommé par les humains, semblent bien satisfaits d'avoir trouvé un nouveau débouché. Le marché de l'éthanol viendra compenser, en partie du moins, les pertes qu'ils accumulent depuis quelques années à cause du déclin de l'industrie porcine, grande consommatrice de maïs.

«Ça ouvre un nouveau marché, le marché industriel, qui nous permet d'atteindre un équilibre», dit Germain Chabot, président de Pro-éthanol, un regroupement de quelque 500 producteurs de maïs qui approvisionnent l'usine québécoise d'Éthanol Greenfield.

L'agriculteur souhaite aussi répondre aux préoccupations des groupes environnementalistes, inquiets de la quantité d'énergie et de pesticides nécessaires à la culture du maïs - et par ricochet à la fabrication d'éthanol.

«Certains pensent encore que la production du maïs, c'est de la production méchante. Mais aujourd'hui, on est capable de produire du maïs avec un grand respect de l'environnement, soutient Germain Chabot. La technologie a beaucoup évolué depuis 15 ans. On est capable de faire plus avec moins d'efforts.»

Quel que soit l'ingrédient utilisé, la production de biocarburant est appelée à augmenter au Canada. Le gouvernement Harper a récemment lancé un vaste programme de 2 milliards de dollars pour établir une véritable industrie canadienne des carburants renouvelables. Cela laisse entrevoir la multiplication d'usines comme celle de Varennes.

Éthanol Greenfield en compte déjà deux en Ontario, et deux autres sont en construction.

Ottawa a par ailleurs annoncé en mai dernier vouloir porter à 5% la proportion d'éthanol contenue dans l'essence et le diesel vendus au Canada d'ici 2010.