Pour la première fois depuis le 25 novembre 1976, le dollar canadien a atteint la parité avec le dollar américain, jeudi. À 10h58, le huard valait même quatre centièmes de cent de plus que le billet vert.

Pour la première fois depuis le 25 novembre 1976, le dollar canadien a atteint la parité avec le dollar américain, jeudi. À 10h58, le huard valait même quatre centièmes de cent de plus que le billet vert.

Pourtant, à la caisse, les Canadiens paient toujours leurs biens de consommation 24% plus cher que les Américains, selon un rapport de la BMO.

Ce nouveau sommet en 31 ans survient après une montée spectaculaire de 16% du dollar canadien entamée depuis le début 2007.

Selon les analystes, cette croissance fulgurante, qui nous éloigne du creux historique de 62 cents américains enregistré en janvier 2002, est liée à la hausse du prix des matières premières (notamment celle du pétrole) et à la chute du dollar américain.

«Cela nous montre que l'économie canadienne va très bien. Notre devise a augmenté de 60% depuis 2002 et nous connaissons le plein emploi. Il y a beaucoup de nouveaux emplois créés, même si le secteur manufacturier va mal», affirme Maurice Marchon, professeur d'économie appliquée aux HEC Montréal.

Toutefois, même si le huard a la même valeur que le billet qui se trouve dans le portefeuille des consommateurs américains, les Canadiens paient toujours plus cher pour leurs produits de consommation.

Par exemple, une Pontiac Vibe 2007, modèle de base, coûte 17 345$ (taxes en sus) chez nos voisins du Sud; ici, le prix de détail suggéré par GM est de 19 080$.

Le coffret DVD de la deuxième saison de la télésérie Prison Break coûte 37,99$ sur Amazon.com; le même coffret se vend 54,96$ sur la filiale canadienne du site, Amazon.ca.

Autre exemple: un iPod Classic de base vous coûtera 249$ partout aux États-Unis, mais vous paierez 279$ si vous l'achetez de ce côté-ci de la frontière.

Même un trio Big Mac chez McDonald's coûte moins cher aux États-Unis: 5,19$ contre 5,79$ ici.

Une étude plus rigoureuse effectuée par BMO Capital Markets révèle que les Canadiens paient en fait 24% de plus que les Américains pour un panier de biens de consommation variés.

«Bien qu'il soit irréaliste de s'attendre à ce que les prix s'ajustent instantanément d'un côté et de l'autre de la frontière, cet écart n'en demeure pas moins insoutenable», écrit l'analyste Douglas Porter.

À qui la faute?

Pour l'organisme Option consommateurs, qui suit de près le prix de plusieurs biens de consommation depuis que le huard a amorcé sa remontée, rien ne justifie une différence de prix aussi marquée.

«Nous demandons au Conseil québécois du commerce de détail de fournir publiquement des explications aux Québécois, lance le porte-parole Michel Arnold. Pour nous, c'est clair que le consommateur se fait avoir. Si la situation était inverse, et que le prix du dollar canadien se mettait à chuter, c'est certain que le prix s'ajusterait immédiatement à la hausse au Canada.»

C'est la faute du marché, rétorque le Conseil québécois du commerce de détail.

«On ne peut pas appliquer une simple règle de trois et accuser les détaillants de se mettre la différence dans les poches, affirme le PDG de l'organisme, Gaston Lafleur. Avant d'arriver chez le détaillant, un produit passe par plusieurs intermédiaires.»

«Chacun établit son prix, et il peut y avoir une proportion de la différence de prix refilée à l'un ou l'autre des maillons de la chaîne. Mais il reste que si le produit est vendu trop cher, il va rester sur les tablettes. Nous sommes dans un cas classique d'offre et de demande», dit-il.

Selon les économistes consultés par La Presse, l'importante différence de prix s'explique effectivement par le marché, qui est fondamentalement différent au Canada et aux États-Unis.

«Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, comme la taille du marché, beaucoup plus importante aux États-Unis, les coûts de transport, qui sont peut-être plus élevés au Canada, la compétition, probablement plus féroce chez nos voisins du Sud, et le revenu moyen disponible de la population, qui avantage encore les Américains», explique Chris Ragan, professeur d'économie à l'Université McGill.

«Tout cela entre en ligne de compte et influence le prix.» Qui plus est, soutient le Conseil québécois du commerce de détail, les charges sociales assumées par les entreprises canadiennes sont plus élevées qu'aux États-Unis.

Mais chose certaine, plusieurs consommateurs canadiens ont déjà commencé à contourner les règles du marché.

Selon la chambre de commerce de Plattsburgh, les consommateurs québécois sont nettement plus nombreux à traverser la frontière depuis le début de l'été.

Plusieurs d'entre eux y achètent même des voitures.

Statistique Canada a également enregistré cette année une augmentation de 30% par rapport à 2006 du nombre de voitures neuves et usagées achetées par des Canadiens aux États-Unis.

«Il peut y avoir des économies importantes à faire, surtout sur les modèles de voitures haut de gamme, affirme Sophie Gagnon, porte-parole de CAA-Québec. Il faut cependant aller plus loin que le simple prix de vente. Il ne faut pas oublier qu'il y a des taxes, des droits de douane et des frais d'inspection à payer à la frontière, en plus des questions de garanties et de financement. Il faut vraiment prendre le temps de faire les calculs.»