La petite minière québécoise Sulliden croit être assise sur d'importantes réserves d'or et d'argent au Pérou.

La petite minière québécoise Sulliden croit être assise sur d'importantes réserves d'or et d'argent au Pérou.

Mais une bataille juridique qui s'envenime l'empêche pour l'instant d'en voir briller l'éclat.

«Ce n'est pas le Pérou.» S'il faut en croire la légende, l'expression remonte à l'époque de la conquête de l'Amérique, alors que les Européens revenaient de ce pays sur des galions chargés d'or et de pierres précieuses. Ailleurs, disaient-ils, ce n'est pas pareil.

Grand potentiel

Quelques siècles plus tard, Jacques Trottier suit les traces de ces conquistadors chercheurs d'or. Et partage leur enthousiasme pour le pays des Incas. «Dans mon livre à moi, le pays qui offre le plus de potentiel par la diversité de sa minéralisation, mais aussi par la grosseur de ses gisements, c'est le Pérou.»

M. Trottier est président de Sulliden, petite entreprise d'exploration minière québécoise qui a dépensé plus de 40 millions de dollars au cours des 10 dernières années pour sonder le sous-sol péruvien. Un sous-sol longtemps protégé de l'appétit des grandes minières par l'instabilité politique qui s'agitait au-dessus, empêchant les entreprises étrangères d'y travailler.

Sous-exploré et sous-exploité, le Pérou promettait de belles découvertes. Et Sulliden croit en avoir fait une. Sauf que le pays ne lui réservait pas que de belles surprises.

La tortueuse histoire de Sulliden commence en novembre 2002 par un contrat: celui qui fait passer le gisement de Shahuindo, dans le nord du pays, des mains de la société péruvienne Algamarca à celles de l'entreprise québécoise. Coût de l'acquisition: 4,13 millions US.

À l'époque, les ressources sont estimées à 600000 onces d'or. Mais Sulliden fait percer des trous et en découvre davantage. Les chiffres grimpent à 1,5 million d'onces d'or, accompagnées de 35,2 millions d'onces d'argent. Selon Sulliden, c'est là qu'il faut chercher l'élément déclencheur de la longue saga qui s'ensuit.

«Le miel attire les mouches, et d'autant plus qu'il y a plus de miel», dit M. Trottier.

Pluie de poursuites

Janvier 2003. Les actionnaires initiaux d'Algamarca, avec qui Sulliden est en bons termes, changent. Nouveau PDG, nouveaux directeurs, nouvelle attitude.

Algamarca, maintenant pilotée par la société privée Atimmsa, tente de faire annuler la vente. La transaction, disent les nouveaux dirigeants, n'est pas valide, puisque le directeur général d'Algamarca a agi sans l'aval de ses actionnaires.

S'ensuit une pluie de poursuites de chaque côté on en compte 46 à l'heure actuelle qui instaure un vilain climat entre les deux partis. M. Trottier, qui dit craindre pour la sécurité de sa famille, fait venir sa femme péruvienne et ses deux filles au Québec.

Les poursuites ont évidemment un autre effet: elles paralysent le plan de match de Sulliden, qui s'articule en deux temps. D'abord lancer, simultanément à une troisième phase de forage, une étude de préfaisabilité pour voir si une exploitation du site pourrait être rentable (voir autre texte). Ensuite, dans le cas où on peut démontrer qu'il y a de l'argent à faire avec Shahuindo, se faire acheter par un gros acteur qui exploitera la mine.

«C'est un dépôt qui va possiblement demander une injection de capital de 75 millions. C'est du gros capital, dit M. Trottier. On pourrait peut-être le faire seul, mais il faut se rappeler que nous sommes une société d'exploration, pas d'exploitation. Je crois qu'il y a des gens mieux placés que nous pour ça.»

Selon Don Blyth, analyste chez Paradigm Capital, plusieurs suivent d'ailleurs les activités de Sulliden au Pérou d'un il attentif, à commencer par les géants miniers Barrick Gold (Canada) et Newmont (États-Unis). «Les deux travaillent déjà dans la région, et je verrais certainement l'un d'entre eux acquérir Shahuindo. Ce serait une acquisition stratégique, ne serait-ce que d'un point de vue géographique.»

Attente

M. Trottier, cependant, en est bien conscient: une prise de contrôle extérieure ne sera possible que quand «le nuage juridique se sera dissipé». Et lui-même ne peut dire quand cela se produira. «La situation légale est un gros, gros point d'interrogation, dit aussi l'analyste Don Blyth. Ça dure depuis longtemps et vraiment, nous n'avons aucune idée de quand cela pourra se régler.»