La Cour d'appel vient de créer une commotion dans le petit monde du recours collectif québécois. Il est dorénavant interdit de mettre toute une industrie dans le même panier.

La Cour d'appel vient de créer une commotion dans le petit monde du recours collectif québécois. Il est dorénavant interdit de mettre toute une industrie dans le même panier.

Cette nouvelle règle de droit aura des répercussions dans un recours collectif intenté contre 17 sociétés de fonds communs de placement en octobre 2005.

Dans un jugement rendu le 18 octobre dernier impliquant l'industrie laitière, le plus haut tribunal québécois a réduit la portée des recours collectifs. Le plaignant à l'origine du recours ne peut traîner en cour que les entreprises qui lui ont causé préjudice. Leurs concurrents ont beau avoir eu le même comportement envers d'autres plaignants, ils sont intouchables si le premier plaignant n'a rien à leur reprocher.

Les avocats qui représentent les plaignants craignent qu'on vienne de signer l'arrêt de mort des recours collectifs de grande envergure. "Les mailles du filet s'agrandissent pour les défendeurs, se plaint Me Normand Painchaud, avocat de la firme Sylvestre Fafard Painchaud. La Cour d'appel s'aligne sur les États-Unis et l'Ontario. Avant, c'était le groupe, et non le plaignant initial, qui devait avoir un lien de droit avec chacun des défendeurs."

Me Painchaud n'avait pas fini de prendre connaissance du jugement qu'il devait déjà vivre avec ses répercussions. Dans un recours collectif intenté par le 25 octobre 2005 par un investisseur contre 17 sociétés de fonds communs de placement, dont Placements CIBC, Les services Investors, Coporation Financière Mackenzie, RBC Fonds, Placements Scotia et Valeurs mobilières HSBC (Canada), l'avocat a déjà reçu une demi-douzaine de requêtes en irrecevabilité. Il entend s'y opposer et tenter de renverser la décision de la Cour d'appel.

Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, les avocats qui agissent en défense dans les dossiers de recours collectif ont poussé un soupir de soulagement à la lecture du jugement de la Cour d'appel. Me Marie Audren, associée et chef régionale du groupe de pratique des recours collectifs de la firme Borden Ladner Gervais, attend depuis cinq ans un retour du balancier au royaume québécois du recours collectif.

"L'intérêt juridique est un principe solidement établi en droit québécois. Il n'a jamais été appliqué à ce type précis de recours collectifs, qui n'est véritablement apparu que depuis 2001. On n'a pas restreint le recours, on l'a seulement circonscrit au niveau des défendeurs ", dit Me Audren, qui représente les Fonds AIC dans le recours collectif impliquant les 17 sociétés de fonds communs de placement.

Me Audren a une autre raison d'applaudir. Selon elle, ces recours collectifs tous azimuts n'étaient tout simplement "pas gérables". "Il y avait un très grand nombre d'avocats impliqués, ce qui retardait les dossiers, dit-elle. Les défendeurs ont un intérêt commun dans le dossier, mais ils sont des concurrents dans la vraie vie. Chacun engage ses propres avocats."

Aussi controversé soit-il, le jugement de la Cour d'appel n'a rien de révolutionnaire, soutient Frédéric Bachand, professeur en droit à l'Université McGill. "La Cour n'a fait que réitérer une règle de base en matière de procédurecivile: une personne doit avoir un intérêt suffisant pour traîner une autre personne en cour, dit-il. C'est une application logique d'une règle absolument banale."

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