En même temps qu'elles investissent des centaines de millions dans le béton, les universités du Québec s'arrachent les étudiants disponibles en ouvrant des succursales hors de leur territoire.

En même temps qu'elles investissent des centaines de millions dans le béton, les universités du Québec s'arrachent les étudiants disponibles en ouvrant des succursales hors de leur territoire.

Le professeur Michel Archambault, professeur et titulaire de la Chaire en tourisme de l'Université du Québec à Montréal, ne comprend pas pourquoi l'Université Laval a ouvert un campus à Longueuil pour y offrir notamment des cours de gestion du développement touristique qui se donnent déjà à Montréal.

«Est-ce qu'on est mal desservi à Montréal, avec nos quatre universités ?», demande-t-il.

L'Université Laval n'est pas la seule à lorgner le territoire desservi par d'autres. Même si leurs ressources sont rares, l'Université de Sherbrooke s'est installée à Longueuil, l'Université du Québec à Rimouski est à Lévis et l'Université de Montréal a pignon sur rue à Québec, dans le fief de l'Université Laval !

«Les universités sont à la chasse aux étudiants, parce que leur financement est basé sur leur nombre d'étudiants», déplore Michel Archambault. Une telle dispersion a pour effet d'augmenter les frais de fonctionnement des universités, ce qui l'inquiète comme professeur, mais surtout comme contribuable.

«Quand je vois des universités qui s'implantent à gauche et à droite, je me dis qui paie pour ça ? C'est nous, les payeurs de taxes».

Michel Archambault s'inquiète particulièrement des investissements massifs des universités dans le béton, alors qu'elles n'ont pas d'argent pour embaucher suffisamment de professeurs.

Les dirigeants des universités agissent comme si le nombre d'étudiants continuera de croître indéfiniment, dit-il, alors que la réalité démographique va finir par les rattraper et qu'elles devront rationaliser leurs activités.

Les universités se plaignent de manquer cruellement d'espace, à juste titre, estime le professeur, qui estime que leurs investissements devraient quand même tenir compte des perspectives démographiques à long terme.

Selon les prévisions du ministère de l'Éducation, le nombre total des étudiants qui fréquentent l'université plafonnera en 2013-2014 pour se mettre à diminuer par la suite.

Les déficits gonflent

Pendant qu'elles s'endettent pour construire de nouveaux locaux, les universités voient leur déficit de fonctionnement gonfler année après année. À l'Uqam, le déficit était de 2,15 millions en 2004-2005, de 16,9 millions en 2005-2006 et celui de l'année en cours atteindra 21,9 millions, selon les dernières estimations de la direction.

À l'Université de Montréal, le recteur Luc Vinet s'attend a un déficit de plus de 20 millions pour l'année en cours, ce qui portera son déficit accumulé à 96 millions.

En fait, les budgets de fonctionnement de toutes les universités québécoises seront déficitaires en 2006-2007.

Ce n'est ni une hausse des frais de scolarité, ni la promesse d'argent frais faite par les libéraux en campagne électorale, qui pourra remplir ce trou de plus en plus profond.

Les frais de scolarité comblent moins de 20 % des dépenses des universités et même une forte hausse - improbable - n'aurait que peu d'effet sur leurs finances.

Quant à la promesse de 200 millions supplémentaires, elle serait, si elle se réalise, une goutte d'eau dans la mer. «Ça ne couvrirait même pas la hausse des coûts de fonctionnement», affirme le président du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal.