D'un budget à l'autre, au fédéral comme au provincial, les familles sortent gagnantes. Depuis 2000, ce sont elles qui ont profité des économies d'impôts les plus généreuses. Une tendance mondiale. Mais il ne faut pas croire que les célibataires ont été totalement laissés pour compte.

D'un budget à l'autre, au fédéral comme au provincial, les familles sortent gagnantes. Depuis 2000, ce sont elles qui ont profité des économies d'impôts les plus généreuses. Une tendance mondiale. Mais il ne faut pas croire que les célibataires ont été totalement laissés pour compte.

Les budgets sont des briques de plusieurs centaines de pages, bourrées de chiffres, de jargon fiscal, et sans la moindre image. Pourtant, le style des ministres des Finances a tout pour plaire aux enfants.

Dans son budget de lundi dernier, Jim Flaherty leur a offert un crédit d'une valeur de 259 $. L'année dernière, c'était une prestation de 1200 $. En 2004, Yves Séguin a lancé le programme de soutien aux enfants du Québec. En 2003, Pauline Marois a débloqué des fonds pour l'expansion du réseau des garderies à 7 $. Et en 2000, Paul Martin a bonifié la prestation fiscale pour sortir les enfants de la pauvreté.

Les fiscalistes sont unanimes : d'un budget à l'autre, les familles sortent gagnantes. «C'est très clair. Il y a trois publics cibles : les familles, les handicapés et les aînés. Dans cet ordre-là», affirme Claude Laferrière, professeur de fiscalité à l'Université du Québec à Montréal.

Pour être encore plus précis, on peut dire que ce sont les familles à revenu modeste, à plus fortes raisons les familles monoparentales, qui ont profité des économies d'impôts les plus généreuses.

«C'est un choix qui se défend bien», considère Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke. Faut-il rappeler que le taux de natalité est très bas, et qu'avec le départ à la retraite des baby-boomers, le nombre de travailleurs va bientôt diminuer.

«Partout dans les pays du G7, lorsqu'il y a eu des baisses d'impôt, ce sont les familles qui ont été ciblées», enchaîne M. Godbout qui met justement la touche finale à une étude visant à déterminer qui a profité le plus des économies d'impôt fédérales et provinciales, entre 2000 à 2005. Voici quelques exemples

7 % de plus dans leurs poches

Prenons le cas de Maxime et Marie-Pierre. Disons qu'en 2005, ils avaient des revenus combinés de 60 527 $, répartis dans des proportions de 60 % et 40 %. Leur charge fiscale se chiffrait donc à 19 545 $, en tenant compte des impôts et des cotisations qu'ils ont payés, mais aussi des prestations reçues.

Cela représentait 32,3 % de leurs revenus. En 2000, leur charge fiscale était bien plus lourde: 36,4 % pour un salaire comparable. Cela signifie que tous les cadeaux fiscaux accordés de 2000 à 2005 ont permis à Maxime et Marie-Pierre d'encaisser quelque 3500 $ de plus en 2005, a calculé M. Godbout.

Cela représente une augmentation de leur revenu disponible (après charge fiscale) de 7 %.

Or, l'allégement fiscal a eu encore plus d'effet sur les familles monoparentales.

Pour l'illustrer, regardons maintenant le cas de Geneviève, qui élève seule ses deux enfants et gagnait 24 211 $ en 2005, soit le même salaire que Marie-Pierre.

En 2005, la facture d'impôt de Geneviève était beaucoup moins grande que l'ensemble des prestations que les gouvernements lui ont versé. Au total, les transferts gouvernementaux ont donc gonflé son revenu disponible à 30 859 $.

«Déjà, elle ne payait pas d'impôt. Mais l'allégement fiscal lui a apporté 2528 $ de plus dans ses poches», dit M. Godbout. C'est un ajout de 8 % dans son budget.

Et ce n'est pas fini!

Cependant, les calculs s'arrêtent à 2005. Or, les parents ont reçu d'autres bonbons depuis deux ans, surtout de la part du gouvernement Harper. En ajoutant les nouvelles mesures (518 $ de crédit pour les deux enfants, environ 856 $ de prestation universelle pour la garde d'enfants - PUGE - après impôt pour l'enfant de moins de six ans), ces familles auront 1374 $ additionnels dans leur portefeuille, en 2007.

Et on n'a pas encore parlé d'autres avantages dont jouissent les familles, comme les garderies à 7 $, le nouveau Régime d'assurance-parentale, ou le Régime enregistrés d'épargne-études (REEE) qui vient d'être bonifié.

Que valent toutes ces nouveautés? Difficile à dire. L'assurance-parentale ne touche que les parents de nouveaux-nés. Le REEE est payant seulement pour ceux qui ont les moyens d'y contribuer. Quant à la valeur réelle pour les parents des garderies subventionnées, elle dépend d'une foule de facteurs.

Prenons une famille qui gagne 80 000 $. L'un des deux enfants fréquente la garderie à 7 $. Si la famille devait payer 35 $ par jours, elle devrait allonger 7000 $ par an. Mais elle aurait droit à des crédits, des déductions et des prestations qui réduiraient le coût de ses frais de garde à 3101 $, selon Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst & Young.

On peut donc dire que la mise en place des garderies à 7 $ a permis à cette famille d'économiser 3101 $. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, les garderies à 7 $ ne sont pas un cadeau pour toutes les familles. Au contraire!

À cause des nombreuses distorsions du système fiscal, une mère monoparentale qui gagne 40 000 $ a 1141 $ de moins dans ses poches si elle envoyait un de ses deux enfants dans une garderie à 7 $, plutôt que dans une garderie non subventionnée, selon M. Leblanc.

Les célibataires laissés pour compte

Face aux gâteries que reçoivent les familles, les célibataires et les couples sans enfants restent sur leur appétit.

«Oui, il est vrai que les célibataires paient davantage d'impôt. Mais ils ont aussi eu droit à des économies d'impôt, quoique moins généreuses», réplique M. Godbout.

Prenons l'exemple de Jean-Michel, un célibataire qui gagnait 60 527 $ en 2005. L'impact des différentes mesures fiscales depuis 2000 lui a fait empocher 2482 $ de plus. Il s'agit d'une hausse de son revenu disponible de 6 %. C'est moins que les familles de nos exemples précédents. Mais ce n'est pas rien.

En fait, les ménages sans enfants ont bénéficié des mesures qui touchent l'ensemble des contribuables. Par exemple, le programme de 100 milliards de baisses d'impôt, annoncé par Paul Martin en 2000, a beaucoup réduit la facture d'impôt des Canadiens.

Dans son budget d'adieu, il y a un mois, le ministre des Finances du Québec, Michel Audet, a aussi rehaussé les seuils des tables d'impôt. Cette modification représente des économies d'impôt de 250 millions. Ce sont les hauts salariés qui en profiteront le plus. En fait, l'économie maximale s'élèvera à 255 $ pour un contribuable qui gagne plus de 64 000 $. Mais l'adoption du budget dépend de l'issue des élections.

Il n'en reste pas moins que les célibataires et les couples sans enfants se sentent délaissés, car il existe fort peu de mesures fiscales qui les visent spécifiquement.

En 2005, un célibataire gagnant le même salaire qu'un couple avec deux enfants (60 527 $) payait près de 10 000 $ de plus d'impôts.

Les aînés

Les aînés ont eu leur part du gâteau. Au fédéral, le supplément de la pension de la sécurité de la vieillesse a été majoré. «Ça représente 58 $ de plus par mois pour un couple à faible revenu», dit M. Laferrière. Et cette année, ils ont obtenu le fractionnement des revenus de retraite, une mesure inattendue.

«Mais pour le travailleur ordinaire, il n'y a absolument rien, fait remarquer M. Laferrière. Les personnes seules sont toujours les dernières servies. Or, qui va partir de Montréal pour aller à Calgary? Le célibataire est beaucoup plus mobile que la famille.»