Même si la valeur de la Bourse de Shanghai a été multipliée par six depuis 2005, les Chinois ne sont pas rassasiés.

Même si la valeur de la Bourse de Shanghai a été multipliée par six depuis 2005, les Chinois ne sont pas rassasiés.

Au contraire, cette hausse fulgurante n'a fait qu'alimenter leur appétit pour les actions, comme en témoignent les émissions publiques de PetroChina et de Alibaba.com.

Le jour même de ses premiers pas sur le parquet chinois, PetroChina est entrée dans l'histoire. Son titre a triplé en un seul jour, poussant sa valeur boursière à plus de 1000 milliards $ US.

Du coup, l'entreprise vaut deux fois plus que la pétrolière Exxon Mobil, jusqu'ici la plus grande société au monde.

Le premier appel public à l'épargne, d'Alibaba.com, était tout aussi attendu. Le portail de commerce électronique est devenue un symbole de la réussite chinoise.

Son action a aussi triplé, lors de la première séance, rendant l'entreprise quatre fois plus chère que le moteur de recherche Google (relativement aux bénéfices).

Pour plusieurs gestionnaires, ces émissions publiques sont symptomatiques de l'enflure boursière en Chine.

«Ça nous donne une indication de la surévaluation du marché, c'est indéniable. C'est un signal de bulle», dit Yves Erard, directeur général de Mirabaud Gestion.

Un avis partagé par Frédéric Imbeault, gestionnaire de titres asiatiques chez Hexavest: «C'est vraiment un niveau de folie assez élevé», dit-il.

«Les Chinois vivent une époque économique exceptionnelle. Ils n'ont jamais vraiment connu de marché boursier baissier (bear). Ils se sentent invincibles», enchaîne M. Imbeault.

À la base, les Chinois sont de gros épargnants, car les mailles de leur filet social sont plutôt larges (retraite, soins de santé, etc.). Par contre, leurs avenues d'investissement sont limitées, car les marchés financiers chinois sont encore dans l'adolescence.

Dans un compte bancaire, le taux d'intérêt est inférieur à l'inflation: «On s'appauvrit en temps réel», dit M. Imbeault.

Le marché obligataire est très peu développé. Quant au marché boursier, les investisseurs ne peuvent miser qu'à la hausse, jamais à la baisse (à découvert), ce qui oriente encore plus le marché.

Acheter une maison? Beaucoup l'ont déjà fait et les prix ont grimpé. Investir à l'étranger? Les Chinois n'en ont pas le droit. Autrement, ils auraient déjà fait le plein de PetroChina, car les actions sont inscrites à la Bourse de Hong-Kong depuis longtemps.

«C'est comme si les Canadiens n'avaient jamais pu investir dans Nortel Networks, et qu'on leur avait donné la permission au plus fort de la bulle techno», dit M. Imbeault.

Beaucoup d'argent à investir, très peu de choix: ce déséquilibre gonfle les prix des actions en sol chinois. À preuve, plusieurs titres chinois qui sont cotés à la Bourse de Shanghai ainsi qu'à la Bourse de Hong- Kong, valent deux ou trois fois plus cher à Shanghai. Pourtant, il s'agit exactement de la même entreprise.

D'ailleurs, pour mettre fin à cette anomalie et pour enlever de la pression sur la Bourse de Shanghai, le gouvernement chinois avait décidé, en août dernier, de permettre aux Chinois d'investir à la Bourse de Hong Kong.

Cela a poussé son indice, le Hang Seng, de 42%. Mais depuis, le projet a été retardé

Entre temps, la bulle chinoise continue de gonfler. «Il y a beaucoup de ressemblances avec la bulle du Japon», estime M. Imbeault. Les deux économies ont été propulsées par leur secteur manufacturier, ce qui a créé une bulle immobilière, puis boursière.

«On marche sur une glace mince, mais on peut marcher encore longtemps», dit M. Imbeault. Qu'est-ce qui risque de la faire craquer? La mauvaise réputation des produits made in China, ou le ralentissement de l'économie américaine, dû à la crise de l'immobilier, répond M. Imbeault.

La montée de l'inflation en Chine est aussi un facteur de risque, selon M. Erard.

D'ici là, la Bourse chinoise continue son ascension. La valeur boursière de l'indice de la Bourse de Shanghai atteint 3,5 milliards US loin devant l'indice de la Bourse canadienne (1,7 milliards).