Appelez-les dorénavant les chevaliers du ciel. Leur mission: abolir les barrières commerciales dans le transport aérien international.

Appelez-les dorénavant les chevaliers du ciel. Leur mission: abolir les barrières commerciales dans le transport aérien international.

Hier, les conservateurs ont annoncé leur intention de conclure de nouveaux accords aériens de libre-échange. Dans le cadre de sa nouvelle politique intitulée Ciel bleu, Ottawa espère abolir les restrictions sur la capacité et la fréquence des vols internationaux directs (ex: Montréal-Paris). Le gouvernement fédéral veut aussi permettre aux transporteurs d'accueillir des nouveaux passagers au cours d'une escale (ex: de nouveaux passagers à Paris pour un vol Montréal-Paris-Moscou). Les vols intérieurs continueront cependant d'être la chasse gardée des transporteurs canadiens.

"Nous venons d'enlever un certain nombre d'obstacles. Nos partenaires vont bien savoir quelle est notre position de négociations, dit le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, en entrevue à La Presse Affaires. Cette politique permettra d'accélérer les discussions et d'avoir des discussions plus franches."

Il s'agit d'une bonne nouvelle pour les passagers de vols internationaux: le prix des billets pourrait diminuer à la suite de l'atterrissage de nouveaux concurrents au Canada.

Le ciel pourrait toutefois s'assombrir pour les transporteurs aériens canadiens, qui devront partager leurs profits.

"C'est une politique gouvernementale basée sur l'idéologie conservatrice: le gouvernement ne peut pas faire le bien, le marché ne peut pas faire le mal. Dans un marché de libre-échange, les prix baisseront et Air Canada subira une conséquence accrue", dit Paul Dempsey, directeur de l'Institut de droit aérospatial de l'Université McGill, inquiet pour le plus grand transporteur aérien du Canada.

Son collège à l'Université de Toronto redoute aussi la concurrence des transporteurs étrangers. "Les coûts d'exploitation d'un transporteur aérien sont très élevés au Canada, dit le professeur Joseph D'Cruz, directeur du programme de gestion d'aviation. Les salaires des employés y sont pour quelque chose. Les sociétés chinoises paient moins chers: elles peuvent ainsi offrir des billets à meilleur prix."

Il y a néanmoins de l'espoir pour Air Canada. "Le Canada n'est pas un marché très intéressant pour les transporteurs étrangers, dit M. D'Cruz. Il y a peu de minorités ethniques, qui sont les meilleurs clients de cette industrie."

Air Canada favorable

Air Canada est en faveur du libre-échange aérien. Non seulement elle ne craint pas la venue de nouveaux concurrents au Canada, elle reluque déjà des perspectives d'affaires au Japon, au Mexique, en France et en Allemagne.

"C'est un pas dans la bonne direction, dit Duncan Dee, premier vice-président des affaires de l'entreprise et chef des affaires administratives de ACE Aviation (Air Canada). Nous allons avoir de nouveaux risques au Canada mais nous allons aussi avoir de nouvelles occasions d'affaires. Nous sommes actuellement limités au niveau du nombre de vols par jour et du nombre de passagers par vol au Japon, au Mexique, en France et en Allemagne. Nous pourrions offrir plus de vols dans ces pays."

Depuis 2005, le Canada a conclu des accords à ciel ouvert avec les États-Unis et le Royaume-Uni. "Les accords ont fait baisser les prix mais ils ont contribué à faire augmenter le nombre de passagers faisant une escale au Canada", dit M. Dee.

Le transporteur québécois Air Transat émet une réserve. "Nous restons sur notre faim, dit Michel Lemay, vice-président des affaires publiques et des communications d'Air Transat. Nous disons oui à la libéralisation de l'air mais pas dans le cadre actuel. Nos loyers dans les aéroports sont trop élevés. Cette structure de coûts n'est pas équitable même si le libre-échange peut permettrait de profiter de nouvelles occasions d'affaires à l'étranger."

Si le trafic aérien augmente, les aéroports canadiens devront se partager les parts du gâteau. Celle de l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau, à Montréal, risque d'être mince.

"Certaines villes, Calgary notamment, croient qu'elles pourront attirer des transporteurs étrangers, dit Paul Dempsey, de l'Université McGill. La véritable question est de savoir si le marché canadien est suffisamment important pour soutenir plus de trafic aérien. Il a probablement de la place pour davantage de vols à Toronto. La ville de Vancouver est bénie géographiquement: elle est une escale parfaite pour les vols de l'Asie. Par contre, Montréal n'a pas une économie assez forte pour remplir d'autres vols, notamment à cause de son incapacité à vendre plus de billets en classe affaires."

Air Canada soutient que Montréal aura sa "juste part" des nouveaux vols vers l'Europe et le Mexique.

Le ministre Cannon confirme que le Canada "discute" actuellement avec des pays de l'Europe et l'Asie. Il ne s'agit pas de négociations formelles, précise-t-il. "J'ose espérer qu'on devrait voir des résultats tangibles d'ici six mois", dit-il.