Quarante-quatre pour cent. C'est le taux de roulement impressionnant des employés dans le secteur du commerce de détail. Le plus fort de la province. De quoi causer bien des maux de tête aux gérants.

Quarante-quatre pour cent. C'est le taux de roulement impressionnant des employés dans le secteur du commerce de détail. Le plus fort de la province. De quoi causer bien des maux de tête aux gérants.

Des soupers à la chandelle, des bouteilles de champagne et des prix en argent. L'économie du Québec est peut-être moins dynamique que celle de l'Alberta. N'empêche qu'ici aussi, les commerçants doivent réviser leurs stratégies pour recruter, et surtout, conserver leurs employés. Dans le secteur du détail, près un salarié sur deux réclame son 4 % moins d'un an après son embauche.

" Personnel recherché ". Jocelyn Lafrance ne la garde jamais très loin cette petite affiche bien connue. Chaque mois, il la colle à l'entrée de son épicerie de Montréal.

La dernière employée qu'il a engagée est restée quinze jours. Et des quatre petits nouveaux recrutés cette semaine, il prédit qu'aucun ne sera encore en poste dans un an. " Nous sommes en processus d'embauche et de formation perpétuel ", résume ce gérant.

Le commerce au détail est le secteur connaissant le plus fort taux de roulement- 44 %- et celui-ci grimpe jusqu'à près de 100 % dans le secteur de l'alimentation.

" Certaines caissières sont là depuis cinq ans, mais c'est l'exception. À force de passer leurs journées debout à l'avant du magasin pour 8 $/h, je ne peux pas leur en vouloir d'aller chercher mieux ailleurs ", dit Jocelyn Lafrance.

Tous ne sont pas aussi résignés. Au fil des ans, des commerçants ont développé des stratégies pour s'attaquer au problème. Après tout, ce mouvement perpétuel leur coûte cher. Il faut d'abord assurer une dizaine d'heures de formation- donc une centaine de dollars- puis compter près d'un mois avant qu'un employé ait atteint un rythme de croisière effica001 .

" C'est très exigeant, soutient Gaston Lafleur, président du Conseil québécois du commerce de détail. Cela peut nuire à la motivation des employés et à la progression de l'entreprise. "

Jacinthe Bellavance, gérante d'une boutique de chaussures sur la Plaza St-Hubert, a pris les grands moyens. Plus d'une fois elle a opté pour... le vol d'employés afin de satisfaire ses besoins.

" Je fais le tour des boutiques, et quand je vois un bon vendeur, je lui propose de venir travailler chez moi. Comme ça, je sais qu'il connaît et aime l'emploi. Il devrait donc rester plus longtemps. "

D'autres ont opté pour la technique de la carotte et du bâton. Chez Alimentation Couche-Tard, par exemple, on a revu l'échelle salariale afin de prévoir des augmentations salariales après trois, six, neuf et 12 mois.

Puis, après un an, on récompense la persévérance en offrant aux étudiants des bourses d'études.

De 150 $ par cours suivi et réussi du secondaire à l'université, jusqu'à concurrence de 750 $ par année. Et ce, peu importe que la discipline étudiée ait un rapport ou non avec les affaires.

Ailleurs encore, c'est la corde sensible du sentiment d'appartenance à l'entreprise que l'on titille. La chaîne de pharmaciens Jean Coutu convie chaque année tous les employés qui ont obtenu une note parfaite de 100 lors de leur évaluation annuelle à un grand banquet en leur honneur.

François Coutu, président des opérations au Canada, y est présent. On offre des cadeaux et des bouteilles de champagne aux invités. " Cela peut paraître banal ", dit Denis Courcy, vice-président aux ressources humaines. " Mais on voit que ça compte beaucoup pour les jeunes. Certains m'ont dit qu'en 30 ans de carrière, leur père n'avait jamais eu la chance de serrer la main de leur patron. Et eux, après à peine un an, ils peuvent souper avec lui. Développer cette proximité est très importante. "

Enfin, dans plusieurs épiceries, on encourage le développement de l'esprit d'équipe.

Chez Home Dépôt, on ne parle pas de commis, mais " d'associé ".

Et chez Métro, on encourage les activités de groupe, les 5 à 7, et la qualité de la formation des recrues.

" La majorité des jeunes qui quittent leur emploi rapidement le font parce qu'ils ne se sentent pas assez à l'aise ", dit Gaston Lafleur.

Reste que de tous les employés, les plus chanceux sont encore ceux qui habitent l'Alberta.

Avec un taux de chômage oscillant autour de 4 % à Calgary, des gérants de Tim Hortons, entre autres, acceptent de payer la carte mensuelle d'autobus de leurs employés. Et même l'abonnement au centre de ski le plus proche.

De quoi, ironiquement, favoriser l'absentéisme...

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