Le sort de Conrad Black, ex-patron de presse canadien accusé de fraude par la justice américaine, est désormais hors d'atteinte de ses avocats, après trois mois de procès.

Le sort de Conrad Black, ex-patron de presse canadien accusé de fraude par la justice américaine, est désormais hors d'atteinte de ses avocats, après trois mois de procès.

Ces avocats ont eu mercredi au palais de justice de Chicago leur dernière chance de s'adresser aux jurés qui, à partir de mardi ou mercredi prochain, devront décider de la culpabilité ou non de M. Black.

Entre-temps, les avocats des trois coaccusés dans cette cause -tous d'ex-adjoints de M. Black à la haute direction du groupe de presse Hollinger- auront chacun quelques heures d'exposés finaux.

Ensuite, ce sera à leurs accusateurs -de jeunes avocats criminalistes du bureau de Chicago du procureur fédéral américain- que reviendra la toute dernière plaidoirie devant les jurés.

Conrad Black et trois ex-adjoints sont accusés de fraude et de détournements de fonds de 60 millions US contre Holllinger International, une entreprise de Chicago qui était la principale filiale d'exploitation de Hollinger, établie elle à Toronto.

Mais mercredi, durant sa dernière heure d'exposé, le principal avocat américain de M. Black, Edward Genson, a semblé marquer plus de points que la veille parmi les 15 jurés. Douze d'entre eux seront désignés pour les délibérations de verdict.

«Les accusations portées contre Conrad Black sont de complètes fabulations. Et les arguments soutenant ses accusations sont sans fondement, et nettement insuffisants pour justifier toute condamnation», a soutenu l'avocat.

Il avait obtenu une heure additionnelle de plaidoirie finale mercredi matin de la part de la juge Amy St.Eve, de la Cour fédérale du district nord de l'lllinois.

La veille, en fin de journée, M. Genson, qui est partiellement handicapé aux jambes, avait dû couper court à sa plaidoirie en raison de malaises.

Mais mercredi matin, il est revenu manifestement en bonne forme.

Edward Genson s'est lancé dans des salves verbales bien ciblées contre certains arguments des procureurs fédéraux. Entre autres, il s'est moqué de leur interprétation du transfert de boîtes de documents au siège social de Hollinger à Toronto par Conrad Black, en mai 2005.

Cet événement, capté par des caméras de surveillance et dont les images firent les manchettes des médias canadiens, est un élément de preuve pour l'accusation d'entrave à la justice contre M. Black.

Mais selon l'avocat Genson, les procureurs fédéraux avaient tout faux à ce sujet.

D'une part, a-t-il dit, le contenu des boîtes était bien connu, «rien de caché», et tout document d'affaires s'y trouvant avait déjà été rendu disponible aux autorités américaines.

Aussi, selon M. Genson, le transfert des boîtes est survenu en après-midi, et non pendant la soirée.

Par ailleurs, loin d'être survenu en l'absence du personnel, durant un jour férié de mai 2005, ce transfert de boîtes a eu lieu alors que de nombreux gens de Hollinger était au travail, a dit l'avocat.

«Vous voyez? Un autre exemple de la manipulation ridicule des faits par la poursuite», a insisté M. Genson devant les jurés.

«Les procureurs fédéraux se sont livrés à une complète distorsion des véritables intentions et des actions de M. Black, qui est en fait un homme d'affaires accompli. Ils veulent vous faire croire à une soi-disant conspiration, parsemée de gestes délibérés pour cacher et frauder», a souligné l'avocat sexagénaire.

Edward Genson a répété ce type de salves teintées d'ironie à propos d'autres gestes reprochés à M. Black: achat et rénovation d'un appartement valant plusieurs millions à New York ayant appartenu à Hollinger, réceptions mondaines, usage d'un jet d'entreprise pour des déplacements personnels.

«En fait, si les procureurs fédéraux avaient mieux cherché, au lieu de s'offusquer du style de vie de Conrad Black, ils auraient constaté qu'il a assumé la majeure partie de ces dépenses, et non Hollinger International. En fait, elles faisaient partie des avantages convenus entre Conrad Black et l'entreprise, parce que Hollinger avait grand besoin de lui comme interlocuteur dans les milieux d'affaires et de la finance, à New York et ailleurs.»

Puis, prenant le ton d'un vieux professeur sympathique aux efforts d'élèves face à une matière difficile mais essentielle, Edward Genson a cible les sentiments plus émotifs des jurés.

«Ce sont mes derniers mots devant vous, avant que vous décidiez du sort de cet homme assis à cette table, Conrad Black. Il n'a fraudé personne, ni volé ou comploté pour voler.»

«Néanmoins, depuis quelques années et durant ce procès, Conrad Black a subi un véritable cauchemar qu'on lui inflige, ainsi qu'à sa famille, sans argument ou preuve valable. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les jurés, vous devez le reconnaître innocent des accusations portées contre lui.»