Ottawa pourrait pousser plus loin sa politique de déréglementation dans le secteur des télécoms pour permettre à Bell (T.BCE) et à Telus (T.T) de fusionner.

Ottawa pourrait pousser plus loin sa politique de déréglementation dans le secteur des télécoms pour permettre à Bell [[|ticker sym='T.BCE'|]] et à Telus [[|ticker sym='T.T'|]] de fusionner.

De l'avis général, le principal obstacle à l'union des deux compagnies réside dans les lois de la concurrence. Si elles viennent d'admettre officiellement être en pourparlers, c'est que le gouvernement leur a laissé espérer des accommodements, disent certains observateurs.

«Ce serait très difficile qu'elles fusionnent avec les lois actuelles, souligne le gestionnaire de fonds de placement Stephen Gauthier. Il y a sans doute déjà eu du lobbying auprès du gouvernement.»

Jusqu'à mercredi, des experts jugeaient improbable que Bell et Telus unissent leurs destinées à cause du problème de monopole que cela créerait sur le marché canadien de la téléphonie.

Selon des sources du Globe and Mail, les deux compagnies ont entrepris des discussions à la fin avril, à la demande de Bell qui souhaitait échapper à la convoitise de la firme américaine d'investisssement Kohlberg Kravis Roberts. Ces échanges se sont accélérés ces derniers jours après que le gouvernement eut manifesté une certaine ouverture à l'idée d'une fusion.

«Ottawa est très impliqué dans ces discussions», indique une source du Globe présentée comme proche du dossier.

Mais même après l'annonce des négociations, certains croient qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.

«Ce qui va beaucoup préoccuper Ottawa, c'est le problème des régions où Bell et Telus se chevauchent et où le choix risque de diminuer, notamment pour les clients corporatifs», réfléchit Iain Grant, de la firme de consultants en télécommunications SeaBoard Group.

Il ajoute cependant que le grand patron de Telus Darren Entwistle, «qui change en or tout ce qu'il touche», a sans doute des atouts dans sa manche. «Un homme d'affaires de l'Ouest canadien a peut-être des accès particuliers au gouvernement Harper», spécule Stephen Gauthier.

En annonçant son intérêt pour Bell, M. Entwistle a fait valoir l'intérêt patriotique d'une transaction, exploitant ainsi les craintes ambiantes du passage des fleurons canadiens en des mains étrangères.

M. Grant ne croit toutefois pas que cet argument favorise la compagnie de Vancouver auprès du gouvernement, à l'heure où Bell est convoitée par différents consortiums impliquant des intérêts étrangers.

«M. Enswistle se revêt du drapeau canadien, mais on ne peut pas être plus canadien que le Régime de pension du Canada et la Caisse de dépôt et placement du Québec (qui participent tous deux aux offres concurrentes)», raisonne l'analyste.

Selon certains observateurs, c'est plutôt la montée de la téléphonie par Internet qui est susceptible de rassurer Ottawa sur l'avenir de la concurrence au pays advenant une fusion. Rogers, Vidéotron et Shaw Communications offrent tous cette technologie.

Des groupes de défense des consommateurs se montrent pourtant alarmés.

«Une fusion serait dramatique, prédit le porte-parole de l'Union des consommateurs, Charles Tanguay. La concurrence disparaîtrait quasiment en téléphonie locale et cellulaire. Le poids du nouveau joueur serait démesuré.»

Au cours des derniers mois, le gouvernement Harper a poussé le CRTC à des déréglementations substantielles du secteur des télécommunications et ces changements ont profité à Bell et à Telus. Notamment, les contraintes à la fixation des tarifs des anciens monopoles ont été en bonne partie abolies en vertu d'une décision rendue en avril.

L'obstacle des lois de la concurrence levé, Telus serait en mesure de déposer une offre alléchante, estime Stephen Gauthier.

«La transaction lui apporterait tellement de bénéfices que les termes financiers en seraient intéressants», dit-il, évoquant la perspective d'une domination de l'ensemble du marché canadien, les synergies et les réductions de coûts.

Une transaction réalisée en partie en actions serait aussi attrayante pour les actionnaires de BCE, dont l'investissement a stagné au cours des dernières années, et elle éliminerait l'irritant de l'impôt sur le gain en capital des petits investisseurs lié à une éventuelle privatisation de l'entreprise montréalaise.

Les perspectives sont moins roses pour les employés des deux compagnies.

«Ensemble, elles auraient de 65 000 à 70 000 employés, fait remarquer Iain Grant. Elles n'auraient pas besoin de tout ce monde. » Il estime à au moins 10 000 le nombre de postes susceptibles d'être supprimés.

Le titre de Bell a clôturé en hausse de 3,8 % à 40,66 $ à la Bourse de Toronto jeudi. Celui de Telus a perdu 3,5 % à 63,47 $.