L'éthanol suscite des débats enflammés sur l'utilisation du maïs pour autre chose que l'alimentation.

L'éthanol suscite des débats enflammés sur l'utilisation du maïs pour autre chose que l'alimentation.

Un géant de l'agriculture vient jeter de l'huile sur le feu : Cargill est en pleine campagne de promotion pour son Ingeo, une fibre faite de maïs génétiquement modifié. Qui aurait cru que les laboratoires concevraient un jour des chandails ?

«Il faut absolument préserver nos terres agricoles pour s'alimenter», affirme Frédéric Paré, de l'organisme Équiterre. Au Québec, actuellement, environ 10 % du maïs ne sert pas à des fins alimentaires – ni pour les gens ni pour les bêtes. La Fédération des cultures commerciales du Québec ne se prononce pas sur cette question.

«Quand du maïs devient du sirop de maïs destiné à la fabrication de boissons gazeuses, est-ce qu'il faudrait que nous soyons contre parce que ça favorise l'obésité chez les jeunes» demande Benoît Legault, directeur général de la Fédération.

Pour en faire une fibre qui peut se tisser, il faut faire fermenter l'amidon du maïs afin de le transformer en acide. Le polymère produit peut aussi entrer dans la fabricatin d'emballages. Il est biodégradable et ne provoque pas de gaz à effet de serre.

Cargill n'est pas la seule firme à s'intéresser à ces nouvelles utilisations de la céréale. La compagnie Dupont a aussi lancé sa fibre de maïs OGM, le Sorona.

«Les chercheurs veulent produire de nouvelles matières qui permettront de s'affranchir du pétrole et d'obtenir des tissus plus performants», explique Valerio Izquierdo, du groupe CTT, le Centre de technologie du textile de Saint-Hyacinthe.

Le scientifique déplore néanmoins la façon dont les promoteurs de ces nouvelles fibres présentent leur produit. On y vante beaucoup la nature sans mentionner que le maïs est modifié génétiquement.

Au mieux, le consommateur averti comprendra que la «biotechnologie» implique des manipulations génétiques. «On est un peu noyés par l'information-marketing». Mais pour pouvoir faire des choix avertis, il faut être bien informé » dit M. Izquierdo.

Oscar de la Renta a déjà signé des créations faites d'Ingeo. Les amateurs de mode verte s'intéressent à la fibre.

La filiale de Cargill qui la produit, Naturework, en fait présentement la promotion au Québec, au moment où Greenpeace relance le nouveau gouvernement Charest sur l'étiquetage des OGM. Les consommateurs réticents à manger des OGM seront-ils plus ouverts à les porter ? «Probablement, parce qu'ils ne les ingéreront pas», tranche Frédéric Paré.

«Il faut faire une analyse entre les risques et les avantages d'une telle innovation», maintient le Dr Ariel E. Fenster, professeur de chimie à l'Université McGill. Le scientifique a participé à une activité de sensibilisation à l'Ingeo à Montréal, le mois dernier. Selon lui, les avantages de cette fibre dépassent largement les risques.

«La culture d'OGM demande beaucoup moins de pesticides, dit-il. La plupart des gens l'ignorent, mais le coton est une culture extrêmement polluante par sa consommation d'eau et de pesticides. Parfois, ils croient faire un choix naturel, alors que ce ne l'est pas du tout.»

Le coton biologique est l'une des réponses à ce problème. La culture de coton bio a plus que doublé entre 2001 et 2005. Mais elle soulève aussi son lot de questions, la première étant sur le travail des sols.

Car si la culture est faite sans pesticide, elle demande donc un plus grand travail mécanique de la terre par la machinerie agricole polluante. De plus, des vêtements bios vendus à Montréal sont souvent faits de coton brésilien tissé en Asie.

C'est beaucoup de kilométrage p our une fibre qui se veut verte. Frédéric Paré, d'Équiterre, concède que, devant tant de questions, les consommateurs qui souhaitent faire un choix écologique s'y perdent.

Les nouveaux tissus de maïs ne faciliteront pas leur choix. «Il y a aussi une quatrième option, dit ce militant. Les vêtements de seconde main. C'est un vrai choix écologique.»